Elliott Sharp, un des guitaristes les plus appréciés de la scène « downtown » new-yorkaise, ne cesse d'impressionner par ses projets nourris d'expériences musicales en tous genres alliant jazz, blues, rock, noise mais aussi musiques électroniques et parfois traditionnelles. Il a travaillé avec Sonny Sharrock ou Vernon Reid, ses alter egos à la six cordes supersonique, comme avec Nusrat Fateh Ali Khan ou Bachir Attar, des Maîtres musiciens de Jajouka. Cette qualité de défricheur, Sharp en fera un des leitmotivs de sa pratique musicale. A New York, il a frayé avec la scène no-wave après avoir suivi les cours de composition de Morton Feldman et Lejaren Hiller. Il a aussi trouvé quantité de musiciens qui l'ont inspiré : «Si ma musique provient de mon oreille interne, j'ai bien sûr été influencé par le jazz new-yorkais des années 60 et 70, Ornette Coleman, le Miles électrique, Cecil Taylor, Anthony Braxton, autant que par des groupes comme Television.» Avec ce nouvel album auquel participe Hubert Sumlin, le guitariste se retrouve à l'intersection de la country, du blues, du jazz post Mingus/Ayler, du groove et de la « dance music » contemporaine. Une musique entêtante, hâbleuse, tribale, ou encore, comme Sharp le dit lui-même, «brûlante, intense, expéditive».
MILLE CONSIGLI Ensemble Aurora, dir. Enrico Gatti Poésie et virtuosité sont inséparables du violon de Enrico Gatti, particulièrement dans le domaine du Baroque italien précoce, ici dans Mille consigli, qu'il vient d'enregistrer avec son Ensemble Aurora. Le titre se réfère à la multiplicité des émotions et des couleurs que possédait la musique pour violon de l'époque. (En publiant L'arte del violino in Italia, Glossa récupéra récemment l'une des antérieures incursions de Gatti dans ce répertoire.) Chaque musicien de l'Ensemble Aurora peut ici déployer son art et son savoir-faire au long de cette passionnante et émouvante exploration de sonates, toccatas et autres pièces de la première moitié du XVIIe siècle composées par Castello, Legrenzi, Merula, Fontana ou Michelangelo Rossi. Parmi les pratiques stylistiques émergentes et florissantes, associées au Baroque naissant, la basse continue acquérait une importance croissante. Pour ses liens forts avec les caractéristiques de l'orgue italien, la fonction harmonique et mélodique de la basse continue était de plus en plus souvent recherchée par et pour la musique instrumentale jouée à l'église. Fabio Ciofini nous offre ici une leçon magistrale au clavier d'un orgue construit par Luca Neri en 1647, se trouvant à l'église de San Nicolò, à Collescipoli.
Deuxième album en duo de la chanteuse Elisabeth Kontomanou, non plus accompagnée par Laurent Courthaliac, complice de Brewin' the blues paru en 2008, mais de la très grande pianiste américaine Geri Allen, rencontrée pour la première fois en avril 2011 dans le cadre d'un concert en duo programmé par le festival « Jazz en rafale » (Canada). Toutes deux ont la cinquantaine, toutes deux partagent la même foi, la même vision de la tradition, le même sens de la modernité. Autant d'affinités qui les amèneront tout naturellement à enregistrer dès juillet 2011 « Secret of the Wind ». Un album de « Musique Sacrée » où gospels, blues et compositions s'entremêlent, une voix profonde et mystique portée par un piano d'une qualité rare. Secret of the Wind, album hors du temps, n'est pas prêt de livrer tous les secrets de ces deux immenses musiciennes.
Tout est contrebasse dans ce CD/DVD et si certaines pièces sont écrites pour la contrebasse seule, l'utilisation de loops dans d'autres, permet une véritable démultiplication de l'instrument. Ces boucles, constituées d'une variété de sons issus de la seule contrebasse, produisent : percussions, harmoniques, voicings, pizzicati. Une véritable orchestration évolutive qui permet au jeu soliste et improvisé de s'exprimer dans toute son étendue et sa variété (et non par des ostinati répétitifs et sans nuances). L'inspiration des thèmes oscille entre orient et occident, mais aussi entre musique ancienne et musiques actuelles : médiévales (Marcevol); baroque (Hacía Compostela); Orientales (Voyage à Jeyhounabad); africaines (Kalimbass); latino (Yupanqui); rock, blues (Rock Wandering); espagnole (Bajo Flamenco). Renaud réalise ici son rêve de toujours : faire de la contrebasse un instrument à vocation universelle qui se suffit à lui même; Donner à entendre - et à voir - les mille et une voix, de la belle, en explorant toutes les techniques de l'archet au pizzicato. La musique est affaire de vibrations et c'est le prieuré de Marcevol de par son emplacement (proche de l'Espagne) et ses origines romanes, qui s'est imposé à lui comme lieu idéal pour donner corps à l'entreprise, tant par sa sonorité équilibrée - avec juste ce qu'il faut de réverbération naturelle - que par l'esprit qu'il s'en dégage favorisant une inspiration à la fois spirituelle et festive telles que son répertoire l'exprime.
1 - Good morning susie soho 2 - From gagarin's point of view 3 - Defi,ition of a dog 4 - The face of love 5 - Bowling 6 - Dodge the dodo 7 - 'Round midnight 8 - Bemsha swing
A une centaine de kilomètres au sud de Tanger, la petite ville de Jajouka, située dans les montagnes du Rif marocain, abrite la confrérie des musiciens de Jajouka. Pendant des siècles, ceux-ci officièrent à la cour royale; mais ils durent retourner dans leurs montagnes à l'arrivée des colons européens. Leur art, auquel on attribue des vertus de guérison, est ancestral, et prend sa source dans la Perse antique. Lancinante et mystérieuse, la musique des Masters Musicians of Jajouka mène inévitablement à la transe. Sollicités pour les mariages, les naissances et les circoncisions, les musiciens de Jajouka auraient pu n'être que les interprètes d'une des nombreuses musiques rituelles qui se perpétuent de par le monde, si une poignée d'artistes anglo-saxons n'avaient fait découvrir la magie de cette musique au monde occidental dans les années cinquante et soixante (Paul Bowles, Timothy Leary, William Burroughs, Brion Gysin et bien sûr Brian Jones). Cet album est un hommage à cette confrérie légendaire menée par Bachir Attar. Des artistes aussi éminents que Medeski Martin & Wood, Marc Ribot, DJ Logic, John Zorn, Flea, Bill Laswell, Ornette Coleman ou Howard Shore se sont réunis pour un album caritatif de soutien à la Fondation Jajouka (100% des bénéfices nets des ventes de cet album seront reversés à la Fondation). Ces nouvelles compositions ou remixes apportent un nouvel éclairage à une musique appartenant au patrimoine universel.
Dans The Renewal, un enregistrement qui date de juin 2007 à New York, les deux saxophonistes ténor David Liebman et Ellery Eskelin confrontent leur vision du jazz en compagnie du batteur Jim Black et du contrebassiste Tony Marino. « Nous avons couvert un large terrain avec Different But The Same » (OGY 615), explique Eskelin, « mais du fait que Tony et Jim contribuent maintenant aux compositions, je pense que l'album s'affirme comme une déclaration plus personnelle de la part du groupe. Pour ce qui est de mes propres morceaux, The Decider est une composition multidivisée, et Instant Counterpoint soulève la question de savoir s'il s'agit d'écriture ou d'une totale improvisation.... À vrai dire, je n'en suis pas certain moi-même. » David Liebman ajoute : « Les pièces attestent de la diversité des idiomes et des styles, unifiés par une approche esthétique commune. Avec ce groupe, le jazz straight ahead et le free s'entrecroisent clairement avec un sentiment d'immédiateté et d'urgence qui est palpable. C'est un agréable moment de musique...»
Compositeur aussi abondamment célébré de son vivant que pleuré à sa mort en 1497, Ockeghem demeure pourtant aujourd'hui un de ceux du XVème siècle dont la musique est la plus parcimonieusement fréquentée. Comme le montre sa Missa Prolationum, véritable tour de force d'écriture, elle atteint, en effet, un niveau de complexité tel qu'il ne peut qu'impressionner les interprètes, y compris les plus chevronnés. L'ensemble Musica Nova, auquel on doit une version de la Missa Cuiusvis Toni du même Ockeghem mais également un choix de Ballades et une intégrale des Motets de Machaut unanimement salués par la critique française et internationale, aborde ce chef-d'oeuvre avec l'audace qu'on lui connaît; en revenant aux sources manuscrites, en les recoupant et en les interrogeant, il livre de la Missa Prolationum une version proprement inouïe dont les réponses nouvelles aux problèmes que posent la partition se démarquent nettement de tout ce qui a été tenté jusqu'ici et font étinceler la profonde beauté de ce joyau du Moyen Âge tardif.