Sur un agenda ordinaire, tout au long de l'année, l'auteur a réalisé un dessin par jour, au feutre, au lavis, ou au crayon, symbolisant son univers graphique expressionniste.
En ce temps là, Joann était plus jeune, il faisait encore ses premières armes : des capes et des épées et se faisait les dents sur... TOUT. Déjà. Sa fringale ne connaissait pas de bornes et n'a jamais été rassasiée depuis. A (re ?)lire cet album édité pour la première fois en 1995, outre le pur plaisir de lecture que Joann Sfar a su nous communiquer par le pur plaisir de création qu'il a de toute évidence éprouvé à le faire, on est fasciné de voir la naissance d'un univers qui ira en se ramifiant, en se développant pour atteindre l'étendue que l'on sait aujourd'hui.Tout n'y est pas déjà, non, l'univers de Sfar est trop grand pour entrer tout entier dans les limites d'un seul livre, mais comme tout livre de Sfar, l'histoire qui se raconte, comme d'elle-même, toute seule comme une grande, nous parle d'autres histoires aussi, plante les germes d'autres univers, d'autres histoires, concomitantes ou à venir, évoque d'autres personnages, d'autres vies. Joann Sfar est, lui, déjà là tout entier, en revanche.Tout son enthousiasme, sa liberté, sa faconde. Dans les aventures picaresques du Borgne Gauchet (avec un T), mousquetaire plus Depardieu que D'Artagnan, plus Portos que Cyrano, brute lettrée, bretteur hors de pair qui baise à couilles rabattues la reine de Saba, tète des monstres, ferraille contre des spectres, le récit est débridé. Pas de limites à l'imagination, pas de bornes à la liberté.
Dans cet album mythique, Lewis Trondheim raconte la création du monde, l'invention de Dieu, la peur, la mort et répond en quelques pages aux grandes questions existentielles d'une humanité dérisoire qui prétend remettre l'univers a sa place ...
Une plongée angoissante dans un monde instable et énigmatique.Léo Quiévreux et JM Bertoyas, auteurs à L'Association, de : Agents dormants et Ducon, mêlent leurs univers dérangeants faits de romans noirs, de BD de gare et de collages.Sphinx Song s'attache à relater une intrigue complexe, sans en donner toutes les clés, pour mieux déstabiliser le lecteur.
Cette édition reprend les trois volumes que Fabio Viscogliosi avait publié au Seuil entre 1995 et 1998 : 'L' Oeil du chat', 'Du plomb dans l'aile' et 'Morte saison pour les poissons'. Silhouette filiforme, le chat en perpétuelle dérive, à la recherche d'un repas ou aux prises avec la police, évolue comme un hiéroglyphe dans un univers graphique minimaliste dont Fabio Viscogliosi tire le plus grand parti.
Les strips de José Parrondo fonctionnent comme des énigmes. Le trait est simple, les images épurées, le style minimaliste, l'attraction instantanée. Mais face à ces pages à priori muettes, les questions affluent : cette fenêtre est-elle un tableau ? Ce paysage est-il factice ou réel ? Cet arbre est-il plat ou en volume ? Y a-t-il un Eggman ou plusieurs ? Est-il ici ou ailleurs ? L'action se déroule-t-elle à l'extérieur ou à l'intérieur ? Ce qui nous regardons est-il vraiment ce que nous voyons ? Autant de questions que chaque lecteur devra négocier avec son moi profond pour en découvrir le non-sens qui mène au rire véritable.Eggman, petit oeuf doté de courtes pattes et de yeux ronds comme des billes, nous entraîne dans un univers insolite où les jeux d'échelle, le trompe-l'oeil et l'illusion règnent en maîtres. Tableau, longue-vue, fenêtre, escalier, serrure, bulles de bande dessinée, ronds, carrés, tirets parsèment ses aventures. En mêlant objets identifiables et éléments purement graphiques, José Parrondo s'amuse avec les signes et les codes de la bande dessinée pour créer un univers délicieusement absurde et plein de dissonances poétiques, tout en jonglant sans retenue avec la rétine et l'intelligence de ses lecteurs.Pour cet album, José Parrondo alterne à nouveau les techniques : aux strips muets en noir et blanc viennent s'ajouter une série de peintures à l'acrylique mélangeant dessins, jeux de mots ainsi que quelques photographies.
Ce Patte de Mouche montre le retour de l'univers du Livre du Mont-Vérité de JC Menu. Réalisé lors des 24 h de la bande dessinée à la Maison des Auteurs d'Angoulême en janvier 2008, ce récit utilise la contrainte commune à tous les participants de la performance : inclure une réunion de famille en page 12. Du coup, Menu en a profité pour développer la question de l'origine des Moines du Mont-Vérité : ont-ils des origines biologiques communes ?
Créé pour l'hélas éphémère revue Strips, Le Pays des trois sourires est une série de 100 strips d'un Lewis Trondheim qui renoue avec l'univers métaphysique de Moins d'un quart de seconde pour vivre. Dans cet album le monde est plat. Dieu y a provisoirement l'apparence d'un plat de spaghettis à la bolognaise, et on se demande où va tout ça. Mais comme toujours avec Trondheim, les situations les plus abracadabrantes deviennent logiques.
Voyant sa maison s’engloutir dans le sol, Frank va se retrouver à accomplir un étrange travail d’usine pour en payer la reconstruction, puis subir une longue dérive, subaquatique ou souterraine, faite de métamorphoses et de menaces en tous genres. Cinquième volume de Frank à paraître à L’Association, Le Congrès des Bêtes montre une fois de plus l’aptitude de Jim Woodring à concrétiser son univers imaginaire et hallucinatoire, “cadeau énigmatique d’un homme à un monde énigmatique”, selon les termes de Francis Ford Coppola (préface à Frank 2).
Après Lars Sjunnesson et Max Andersson, L'Association poursuit dans sa veine scandinave avec la publication de l'anthologie de cet auteur indispensable. Pilier de la revue suédoise Galago, Joakim Pirinen y a développé un univers angoissé, d'une grande richesse graphique, qui a impressionné ses contemporains sans avoir fait l'objet jusqu'ici de traductions à la mesure de son talent. Constamment à la recherche d'une joie de vivre et d'une innocence qui lui font défaut, il soumet la bande dessinée aux plus grandes épreuves, pour donner corps à son mal-être d'humain et de père de famille.
« Il y a l'univers, et puis la Main ».La Main est faite d'une paume, d'un dos, de cinq doigts.Si les quatre lettres qui composent son nom s'ouvrent d'une majuscule, c'est qu'il ne s'agit pas d'une main banale, prolongation ordinaire du bras d'un corps plus vaste. La Main est autonome, et souvent solitaire. Elle aimerait avoir des amis. Elle peut se rêver autre. Elle n'est ni droite ni gauche, parfois agile, souvent maladroite.Bravant sa timidité, elle explore le monde qui l'entoure et quand elle rencontre son double, c'est pour mieux se reconnaître.Alternant les techniques, trait et pochoir, José Parrondo utilise ici son propre outil de travail comme personnage à part entière et poursuit de son esprit minimaliste et poétique sa quête de l'absurdité du quotidien.
Deuxième livre d'images de Killoffer à l'Association.À la différence du premier, qui proposait en couverture un titre énigmatique sans autres références, celui-ci se présente sous les auspices d'une composition abstraite et muette, bien en accord avec cet artiste qui refuse opiniâtrement de reproduire...Compilation de deux expositions : Mauvais plis à la galerie Anne Barrault et Charbons au musée de l'abbaye Sainte-Croix aux Sables d'Olonne, Charbons propose une plongée dans l'univers à la fois sombre et scintillant, céleste et souterrain de cet artiste qui cherche le ciel en creusant. Chaque chose se retournant et chaque page se tournant indéfiniment. À la mine de plomb ou au crayon, chaque dessin est comme un joyau tombé au fond d'un trou.À charge pour le spectateur d'inventer un trésor...
Où, on ne sait pas, mais on sait quand : nous sommes en 537218. Où, on ne sait pas, mais on sait qui : un homme seul et entravé à qui l'on rend sa libertémais qui ne sait pas quoi en faire. Un homme aux multiples facettes, un homme qui observe et se sait observé, un homme qui croit jouer et que la réalité rattrape. Entre combativité et impuissance, curiosité et crainte, courage et déception. Où, c'est l'histoire d'un type qui a perdu ses lunettes et qui se retrouve enfermé en lui-même. Dans ce récit onirique et quasi muet, Sébastien Lumineau nous livre une oeuvre singulière et envoûtante qui, sous couvert de nous dévoiler les méandres de son univers intime, nous invite à prendre du recul sur notre propre identité et notre manière d'appréhender le monde. Où, on ne sait pas, mais c'est quelque part où c'est beau, c'est profond, c'est souvent compliqué, décevant, et parfois drôle.
Jim Woodring nous prévient qu’il ne s’agit pas d’une suite de Fran ni de Frank et le congrès des bêtes (prix spécial du jury au FIBD 2012), mais il ne fait aucun doute que c’est dans le même univers psychédélique que Poochytown va nous replonger.D’ailleurs, on retrouve très rapidement Frank et ses deux compagnons, Pupshaw et Pushpaw, sur le seuil de leur maison. Un mystérieux instrument tombé du ciel permet au petit couple de rejoindre un monde orgiaque fait à leur image, mais Frank, incapable de les suivre, reste seul. Il se lie alors d’une amitié improbable avec L’Homme-porc. S’ensuit une succession de découvertes excitantes ou effrayantes, de festins douteux et de courses folles.Le graphisme si particulier de Jim Woodring, nous emporte tout au long de ces 100 pages muettes, nous laissant ivres de vertige, de surprise et d’émerveillement.
À peine remise de la parution du tome 1 de DungeonQuest en octobre dernier, livre qui était en quelque sorte son premier ouvrage de Fantasy, L'Association publie déjà le deuxième tome de cette trilogie, toujours en avant-première sur la future édition américaine de Fantagraphics.Les lecteurs ayant apprécié cette histoire inspirée de l'univers des jeux de rôles, aux parfums ésotériques et psychédéliques, ne seront pas déçus par la suite de la Quête : Joe Daly continue à dérouter son lectorat en parasitant allègrement les poncifs du genre, avec des scènes hallucinantes qui lui sont a priori totalement antinomiques. Néanmoins, on n'est pas ici dans la parodie : l'épopée vécue par Millenium Boy, Steve, Lash Penis et Nerd Girl relève d'un premier degré tout personnel du Sud-Africain Joe Daly. Dans ce deuxième volume, la mission de trouver Bromedes sera accomplie
Dans Elle, Masse revient avec un personnage de « bonhomme à gros nez » qui évolue dans une série de strips au dessin épuré. « Il ne peut l'avoir tuée. Il l'aimait. Trop, peut-être » prévient l'introduction et pourtant, installé sur un fauteuil qui fait office de cellule, le personnage purge bien une peine de prison. Ce fauteuil devient alors le théâtre des variations de la solitude et de l'ennui, une lorgnette qui dérègle la réalité où « le dehors du monde est maintenant retourné comme une chaussette dans le dedans de [La] prison ». Dans cet univers carcéral étrange et dévoyé, ce personnage au langage rudimentaire et laconique, use d'un humour déroutant, se joue du lecteur et de lui-même. Masse aime se jouer de son média ; Elle, dont l'identité n'est jamais dévoilée, rappellera une certaine « dame assise » et pourra laisser penser que l'on rencontre ici son pendant masculin désabusé et esseulé.
Après Quatre Yeux (Atrabile) et Insekt (Sarbacane) Sascha Hommer illustre six récits de Brigitte Kronauer, auteure allemande majeure traduite pour la première fois en France. Des récits que l'on pourrait qualifier de poèmes en prose, et qui abordent des souvenirs d'enfance, de sensations et de perceptions. Le trait net et épuré de Sascha Hommer dérange et contraste avec les réflexions mélancoliques de Brigitte Kronauer. Posée comme une goutte de rosée sur une toile d'araignée, l'écrivaine restitue à merveille le sentiment d'humilité et de petitesse que l'on éprouve face à l'univers. Elle rend compte d'une puissance supérieure qui régit la nature, gronde au loin, et qui nous dépasse. Sascha Hommer s'est attaqué avec ce livre à un défi périlleux : non pas réaliser une simple adaptation, mais transmettre en bande dessinée une écrituredu ressenti et de la sensation.Dri Chinisin est un livre envoûtant, alliant subtilement dessin et littérature.
Démarré il y a quelques années dans l'éphémère revue Black (Coconino), Le Mort détective est un feuilleton composé uniquement des têtes de ses chapitres. Chaque page contient un titre, une (sublime) illustration, et une phrase « extraite » d'un texte auquel nous n'aurons pas accès. C'est tout. Guidés par les indices que David B. nous fournit, c'est à nous, lecteurs, de deviner, d'imaginer ce qu'il se passe entre les moments clefs. Loin de nous perdre, c'est avec ferveur qu'on suit les péripéties du mort détective, de la fille aux 1000 poignards, du poulpe géant et de tous ces personnages étranges, effrayants ou grotesques, qui peuplent l'univers graphique de l'auteur. On retrouve avec bonheur le trait noir précis et puissant de David B, et on partage avec lui le plaisir d'animer ces infatigables gargouilles. Avec Le Mort Détective, David B pousse l'ellipse de l'espace inter-iconique à son paroxysme, mais c'est bien à vivre une incroyable épopée plutôt qu'à un exercice de style qu'il nous convie.
Commencée en 2004 dans Charlie Hebdo, la parution de La vie secrète des jeunes fête déjà sa huitième année avec ce troisième opus. Fidèle à sa ligne de départ, Riad Sattouf développe une taxinomie sans appel des tares de nos contemporains, basées sur une stricte relation des conversations entendues dans les lieux publics. L'accumulation des planches donne une consistance impressionnante à l'ensemble, et la chronique devient autobiographie quand on commence à saisir les coïncidences et les obsessions personnelles de l'observateur.Sa fascination pour les dialogues aberrants ou son attrait pour les scènes de ménage misérables nous ramènent alors bien évidemment vers les thèmes favoris que Riad Sattouf développe dans son oeuvre de fiction (Pascal Brutal, Les Beaux Gosses...). Couples en débâcle ou insupportés par leurs enfants, célibataires dépressives, musulmans concupiscents, adolescents incultes : derrière le rire, c'est bien l'inquiétude qui pointe.La vie secrète des jeunes est donc plus qu'une légère rubrique de presse, et pourrait bien être la clefde voûte de l'univers de l'auteur.
Quel est le point commun entre Galilée, Robert Bresson, Ettore Sottsass, saint François d'Assise et Robert Walser ? Rien a priori, si ce n'est de se retrouver convoqués par Fabio Viscogliosi dans son dernier ouvrage, Cascade. Réflexions métaphysiques, bribes de souvenirs, références au cinéma et à la littérature se trouvent mêlées dans ce livre album haut en couleurs. Les 103 planches du volume constituent autant de tentatives d'arrêter le temps en isolant une idée, un souvenir ou une sensation et fonctionnent comme des variations regroupées sous une même atmosphère colorée. Fabio joueavec des formes aux couleurs franches et aux contours bien délimités pour bâtir des visuels ludiques à la limite de l'abstraction.Un travail qui évoque ses oeuvres à la peinture acrylique. Il met également en scène le fameux âne, alter-ego de papier et personnage récurrent de son univers graphique - figure que l'on retrouve également sur les pochettes de ses albums, car Fabio est également musicien. À la fois livre de notes et de souvenirs, Cascade s'attaque au joyeux chaos de la pensée pour tenter de le mettre en forme(s).Il s'agit de son troisième ouvrage publié par L'Association.
Premier livre en France de cet étonnant auteur croate : Igor Hofbauer. Repéré il y a déjà quelques années, il aura fallu être patient mais ça valait le coup d'attendre !En présence de Mister Morgen, on sent que l'on se trouve face à ce genre de livre impérieux, nécessaire et rare dans lequel l'auteur veut se projeter intégralement, charger la barque au maximum, tout dire.Dans un univers nocturne, glacé, pollué, finissant, malade, peuplé d'êtres déchus, corrompus, de mutants, voir de zombies, de l'auteur lui-même... et de Staline, une suite de courts récits dans lesquels le plus inquiétant réside dans les non-dits et les flous savamment distillés, sans sacrifier à la clarté, la cohérence et la limpidité.Igor Hofbauer est aussi un affichiste accompli et les superbes compositions de ses planches en noir et rouge, entre dessin contemporain, expressionnisme, constructivisme, réalisme socialiste, comics américain ou bandes dessinées européennes, en attestent. Du cinéma noir, très noir, trempé dans un cambouis post-communiste, post-catastrophiste... post-tout.
Avec Silvia Regina, Matti Hagelberg dresse un portrait lugubre de la Finlande, le pays qui l’a vu naitre.En employant habilement l’art de la parabole et en mêlant des références culturelles populaires et classiques, il dénonce l’absurdité des sociétés modernes déchirées par le libéralisme, la détresse des classes opprimées et l’avidité des élites. Avec finesse, il détourne les institutions pour mieux les corrompre. C’est ainsi que le drapeau finlandais abandonne son bleu roi et son blanc immaculé au profit d’un marron-caca et d’un jaune-pisse. Ce n’est pas pour rien que le titre du livre est un emprunt au nom d’un bateau de croisière, Le Silvia Régina, qui fut un temps le fleuron de l’industrie nautique scandinave. Tout un symbole qui fait naufrage !Silvia Regina clôt la trilogie entamée par Matti Hagelberg en 2002 avec Holmenkollen, suivi par Kekkonen en 2007. Son oeuvre est indéfinissable, elle associe à la fois réalisme et surréalisme, l’esthétique de la carte à gratter et l’écriture poétique, le cynisme et l’humour. De publication en publication, il affirme un univers singulier, volontairement chaotique et marginal. Près de 20 ans après sa première publication en français dans les pages de La Monstrueuse (Chacal Puant), l’auteur finlandais n’a rien perdu de son inventivité et de sa férocité.
Renouant avec la veine parodique de ses débuts (Lame Ryder, Emmanuelle’s Last Flight, Lone Racer, Série Z,etc), Mahler nous propose probablement ici sa “revisitation” la plus poussée et la plus efficace : Engelmann s’attaque ni plus ni moins au Mythe tout puissant du Super-Héros. Certes, ce n’est pas la première fois que l’univers des Super-Héros est la cible de moqueries bien légitimes, mais grâce à son minimalisme et son acuité imparables, Mahler signe avec Engelmann un de ses examens critiques les plus grinçants et les plus drôles. On pourra y découvrir (notamment grâce au témoignage de l’employé de la cantine du Consortium, la maison de production) les coulisses de l’industrie des Super-Héros ; comment le Bureau des Scénarios gère les emplois de couverture (Engelmann se dissimule de jour dans la rédaction d’un magazine féminin), détermine les super-pouvoirs, ou change la cible de lectorat du malheureux Super-Héros, dès lors sujet aux problèmes d’identité et de psychotropes.Engelmann, l’Homme-Ange, et son camarade la Capitaine Analpho, nous instruisent sur la vie, la mort et la misère de ce métier méconnu, dans cette première Ciboulette en quadrichromie de Mahler, idéale pour découvrir le meilleur humoriste autrichien, l’auteur lui-même définissant ce livre comme un album mainstream.
S'il s'est récemment illustré avec talent dans la bande dessinée de reportage (Feuillle de Chou, Journal d'un journal, Campagne présidentielle), Mathieu Sapin est aussi un merveilleux conteur qui cultive depuis longtemps un univers personnel fécond, comme le prouvent ses séries Supermurgeman, Salade de fluits, et le récent Saga Poche, ouencore ce Journal de la jungle, paru précédemment en plusieurs tomes dans la collection Mimolette.Mathieu Sapin est un dessinateur médiocre, qui ne doit son succès qu'au vol, au mensonge et au meurtre. Vivant reclus sur son île natale, ressassant le moment de gloire rencontré avec sa série Rififi et Biscoto, il fait l'erreur d'ouvrir la porte à un jeune scout venu lui vendre des calendriers. C'est le début des complications pour cet auteur aigri qui tente un énième come-back. Cherchant à retrouver la pipe de Lovecraft, les différents personnages qui se croisent dans cette œuvre de fiction – Mathieu Sapin est bien évidemment une projection – vont mettre à jour un passé peu glorieux, des histoires sordides, de bien sombres mystères, et vivre des aventures inattendues.Une histoire feuilletonnesque à souhait, pleine de rebondissements et d'humour, bref, un fantastique récit d'aventure comme on aimerait en lire plus souvent.
HP est une grande fresque ayant pour sujet le milieu de la psychiatrie en France de-puis les années soixante jusqu'aujourd'hui. C'est par le petit bout de la lorgnette que Lisa Mandel choisitde raconter cette évolution historique, interrogeant parents et amis qui ont travaillé dans le secteur psychiatrique. Le caractère anecdotique de HP, ajouté au dessin léger et humoristique de Lisa Mandel, aurait pu édulcorer le propos, mais la véracité des faits est parfois si atroce ou si absurde que ce livre ne laissera personne indifférent.Dans ce deuxième volume, Lisa Mandel poursuit son exploration de l'histoire du mi-lieu psychiatrique en France. Ses parents et leurs amis ont chacun été affectés dans des services différents, certains adoptant des méthodes dites d'« avant-garde ». L'auteure aborde ici une période clé pour la psychiatrie qui sort de ses archaïsmes pour aller vers de nouvelles pratiques. Les années 70 ouvrent une période de libéra-tion morale, qui touche aussi le monde médical. Encore une fois Lisa Mandel s'ap-puie sur les témoignages de ses proches ayant travaillé dans cet univers. C'est la rencontre entre le dessin léger et humoristique de Lisa Mandel et la gravité des faits rapportés qui fait tout l'intérêt de ce second opus.
Avec Famille royale, Ruppert et Mulot reviennent avec une histoire au substrat psychanalytique où Eros et Thanatos s'immiscent dans l'univers feutré des têtes couronnées.Une princesse danoise délaissée par son prince, profite de son passage à Paris pour consulter, avec son amant qui ne la délaisse pas moins, un célèbre sexologue. On ne tarde pas à découvrir que le sexologue et l'amant sont de mèche pour se faire offrir par la riche princesse, pistolet incrusté de diamants et autre canne en or sertie d'émeraudes, autant d'accessoires ostentatoires et suggestifs qui donnent le ton de l'analyse entreprise par le couple. Mais bientôt l'irruption vaudevillesque du prince en pleine séance met brutalement fin à la thérapie. S'ensuivront prises d'otage, meurtres, kidnapping et se mêleront à cette histoire un bijoutier installé dans un théâtre qui veut faire régler ses factures, une jeune princesse aux pouvoirs étranges, une ribambelle de danseuses, tout cela sous la vigilance de la police secrète royale.Dans ce récit où le sexe et l'argent sont les ressorts d'une intrigue fantasmagorique, Ruppert et Mulot font de cette famille royale tenaillée par les conventions, des héros de la transgression. Tout est mise en scène, métaphore et symbole, et le lecteur goûtera aussi bien l'humour corrosif du duo que son sens des compositions qui lui est si caractéristique.
Janvier 1855,Gérard de Nerval est retrouvé pendu aux grilles d'une bouche d'égout. Cette fin tragique aux allures de suicide mal maquillé, a éveillé les soupçons des plus hautes instances. Une brigade littéraire est créée pour enquêter. Les années pas-sent et les agressions, tentatives d'assassinats et notamment les coups de couteau se multiplient aux quatre coins de la France à l'encontre des gens de lettres : Luc Dietrich, René Char, Antonin Artaud.Janvier 1938, c'est au tour de Samuel Beckett d'être sauvagement poignardé, le laissant gravement blessé avec un poumon perforé. La brigade littéraire se rend à son chevet et reprend du service. Pourquoi les lames s'acharnent-elles dans les chairs des meilleures plumes ? Qui sont ces agresseurs anonymes qui disparaissent sans laisser de traces. Hasards, fatalité, complot. Quel sens donner à ce puzzle macabre ?David B. réécrit l'histoire littéraire du début du XXème siècle sur fond de roman noir en explorant les recoins de biographies ignorés des Lagarde et Michard. Hanté par la littérature et les écrivains, le Mon Lapin de David B. est une arborescence de plus à son univers. Dessiné à quatre mains avec Andrea Bruno (connu pour sa collabora-tion à la revue italienne Canicola et ses ouvrages publiés aux Éditions Rackham), les deux dessinateurs se partagent en quinconce, les pages, les cases, dans un va et vient qui rend d'autant plus ténébreuse cette enquête policière.
Enfant, il se pensait « nul en tout sauf en dessin » jusqu'au jour où le dessin est devenu son quotidien. Dans Edmond, un portrait de Baudoin, on retrouve Baudoin face à la vie, face à ses réflexions, ses rêveries de créateur, face à son besoin de peindre l'existence. Avec Éloge de l'impuissance, il défend son « impuissance de dire » ; pour lui tous ses livres lui servent finalement à exprimer cette fragilité.De fait, cet éloge fait écho à ses oeuvres les plus personnelles, paru pour la plupart à L'Association; Le Portrait, Couma acò, Éloge de la poussière et plus particulièrement Le Chemin de Saint-Jean dont le récit se situe à Villars. Edmond a grandi dans ce village de l'arrière-pays niçois, où il passe encore tous ses étés à dessiner et où la réalisatrice Laetitia Carton a tourné son portrait. Dans la nature, dans les montagnes, près de ses amis, de sa famille, sources d'inspiration inépuisables.Cette bande dessinée, contrepoint essentiel et indissociable du film, présente l'artiste bousculé dans ses retranchements les plus intimes. Du reste, les discussions complices avec la documentariste le poussent à exprimer son rapport passionnel au dessin, à la vie et aux Hommes. C'est le portrait d'un auteur atypique, d'un personnage unique, libre, humble et attachant, dont l'existence s'enchevêtre souvent avec ses récits.On le découvre ainsi poète, peintre et philosophe. Edmond demeure invariablement d'une grande générosité et d'une intense spontanéité aussi bien dans son éloquence que dans son art. Ce livre-DVD constitue un témoignage fort qui le montre comme un créateur permanent, à sa table à dessin comme dans sa vie de tous les jours. Le film peut tenir lieu de porte d'entrée dans son univers ou de document fascinant pour ses lecteurs de toujours.En somme, de la joie et du bonheur.
Chasse aux requins, mâles dominants, beuveries, défonce, désoeuvrement et inertie, le chaos règne sur le monde. Jeune ouvrier dans une usine à papier, Éric Palmer emménage en colocation avec Perry, un coureur de jupons désinvolte. Jusque-là, il supportait les dérives décadentes de ses amis, mais sa vie va prendre une tournure particulière lorsqu'il sympathise avec un de ses collègues, un marginal dénommé Billy Boy.Sous son influence, il plonge alors, tête baissée, dans un univers mystérieux et sinistre où triomphe la sorcellerie. Face au complot maçonnique, aux organisations souterraines, aux conspirations occultes, aux manipulations psychologiques et aux gnomes errants, notre héros n'a d'autres choix que de se lancer dans une quête moraliste impossible pour sauver l'humanité. Pour cela, il s'impose une discipline rigoureuse à grands coups d'introspection mystique, de gonflette et de régimes constitués uniquement de navets et d'huile de poisson.Tant que l'ordre des choses ne sera pas rétabli, le néant dominera la terre. Moïse des temps modernes, Palmer apprendra à ses dépens que nul n'est prophète en son pays. Highbone Theater raconte une saga étrange et hilarante imaginée par Joe Daly, l'auteur de la série Dungeon Quest. On retrouve dans cette fable psychédélique de 580 pages le goût du sud-Africain pour les blagues débiles, les personnages maladroits et les quiproquos vaudevillesques.Son style visuel troublant associé à son écriture, qui entremêle à outrance délires paranoïaques, références bibliques et ésotériques, évoque une série B hallucinée. Assurément, cette histoire aurait pu être une comédie « stoners», un genre cinématographique populaire aux États-Unis, prenant pour sujet de jeunes consommateurs de cannabis à qui il arrive de surprenantes péripéties.