Chhht ! se présente comme un volumineux recueil de somptueuses histoires muettes, toutes inédites en nos contrées. Ce recueil a comme protagoniste principal le personnage fétiche de Jason, une espèce d’homme-oiseau aux destins multiples, parfois légers, souvent tragiques.On y retrouve l’univers si particulier de l’auteur de Attends…, un univers décalé, à l’atmosphère pleine de mélancolie, et mâtiné de pointes d’humour décapantes.
Seule dans sa demeure bien trop grande, bien trop vide, Azolla vit des heures sombres ; l’être aimé est parti et l’attente est longue, trop longue… Oubliée, Azolla, abandonnée, ou pire ? Que peut-elle faire quand l’espoir lentement s’amenuise et que des rêves bien sinistres envahissent ses nuits… Se diviser, se multiplier, ou, comme une irrépressible faim devenue femme, se transformer en mangeuse d’hommes ?Karine Bernadou nous plonge ici dans un univers ouvertement fantastique, un univers où réalité et rêve se percutent et se mélangent sans cesse, un monde dont les tenants et les aboutissants se prêtent bien plus aux interprétations qu’aux explications.Bien que dénué de texte, le livre se lit et se vit avec une intensité folle, et cela grâce au travail impressionnant réalisé par Karine Bernadou – un travail à l’aquarelle, non seulement incroyablement efficace dans sa narration, mais d’une recherche et d’une beauté formelles subjuguantes – on ne plaisante pas !Quatre ans après Canopée et un détour chez Professeur Cyclope, où sa série Hystéria lui a permis de toucher un nouveau public, Karine Bernadou nous revient donc avec Azolla, un livre tout à la fois beau, cru, violent et ambitieux.
Situé dans le Japon des années 20, Panorama décrit les rel ations ambiguës qui lient deux jeunes gens, Yukio, un photographe provocant, et Hariyoshi, un étudiant solitaire. Alors que cette relation évolue, Panorama nous plonge dans un univers envoûtant, au climat parfois onirique, pour mieux nous parler d’un trouble intemporel et toujours mystérieux : le trouble de l’amour.
À travers Lupus, Frederik Peeters va trouver une nouvelle façon d'aborder l'intime, délaissant une certaine forme de naturalisme pour projeterdes questionnements qui lui sont chers dans un décor de SF, évoquant tout au long de ces 400 pages certains de ses sujets de prédilection, comme la figure du père, le renoncement, ou encore l'héritage des morts. Pourchassé par les sbires du mystérieux père de Sanaa, jeune femme avec laquelle il cavale à travers l'univers, Lupus n'en finit plus de s'enfuir, mais cette fuite en avant va rapidement prendre la forme d'une quête intérieure dont il ne sortira pas indemne.
Qui de Faust ou d'Icare saura discerner la part de l'homme de celle du monstre ? Qui saura tuer son propre Minotaure ? Icarus nous transporte d'un monde à l'autre , dans les univers parallèles de Dédale et Icare, prisonniers du labyrinthe, et de Sylvia et Faust, architecte prisonnier de ses tourments intérieurs... Dédale cherchant à sauver son fils, et Sylvia son amant...Ouvrage ambitieux et imposant mêlant mythologie et psychologie, cet Icarus, après Les Gens le Dimanche, montre une nouvelle facette du talent de Manuele Fior. Plus qu'une simple relecture du mythe d'Icare, c'est une oeuvre à tiroir, foisonnante, touffue, que nous offre ici le jeune auteur italien.
L’histoire est simple et connue. Lui, c’est un jeune poète sans le sou. Elle, c’est la fille d’un acariâtre aisé. Ils s’aiment. Mais le vieux grigou ne l’entend pas de cette oreille-là…En partant d’une formule pour le moins usée, Jason s’amuse et joue avec les limites d’un genre, et nous livre ici une tragique histoire d’amour passablement décalée. Il mélange allégrement les figures imposées d’une bluette lambda aux composantes de son univers insolite, et distille ainsi une atmosphère et des situations tout à la fois loufoques et chargées d’une étrange mélancolie. A travers une narration quasiment dénuée de texte, les quelques rares dialogues apparaissant dans des cases séparées et sur fond noir, Jason rend également un doux hommage au cinéma muet.
Derrière l’apparente simplicité du dessin et de l’oeuvre de Graham Annable, peuplé d’êtres filiformes mais ô combien expressifs, se cache un narrateur hors pair et un observateur attentif des relations humaines. Ses histoires forment souvent de petits contes noirs et « humoristiques », ses personnages évoluant dans un univers éclairé par une certaine ironie mais toujours attachant. Et puis surtout, comme on aime à le dire chez Atrabile, Graham Annable est sans doute l’un des auteurs les plus drôles de l’hémisphère nord.La force des choses, son premier livre traduit en français, met en scène un couple au bord de la rupture et une paire de canidés qui vont malgré eux précipiter les choses. Plus en dire serait trop en révéler…
Au Recommencement, est un récit fantastique narré par un homme-dont-le-visage-est-l’Univers, mais vécu avant tout par son épouse, qui, toujours un peu perdue, toujours un peu intruse, mais jamais suffisamment paranoïaque, emménage dans une nouvelle ville. Psychogéographie de bazar, angoisses de fin du monde, hésitations spatio-temporelles, confusion d’identités, métamorphoses d’objets, néologismes barbares, rien ne lui sera épargné...Est-ce que tous les autres habitants sont au courant de quelque chose qu’elle ignore ?Pour son premier ouvrage chez Atrabile, Thomas Gosselin renoue avec une certaine science-fiction façon Quatrième Dimension, tout en la portant hors des limites du genre, grâce à une inventivité débridée et un goût marqué pour les logiques folles.
Tout juste à l’orée de l’adolescence, Jon et Bjorn semblent baigner dans la plus pure insouciance. Bonbons trop sucrés ou acidulés, considérations sur le futur et les grandes personnes, blagues stupides et le Batman de Neal Adams sont les principales préoccupations de ces deux enfants ; tout irait donc pour le mieux s’il n’y avait pas ces affreux loubards décomposés… ou encore le regard d’Ingrid qui laisse Jon tout chose et paniqué… Seulement voilà, en une fraction de seconde, le pire arrive, un univers bascule, pas même le temps de dire « attends… » et il est déjà trop tard. Une vie est perdue et une autre changée… à tout jamais… Pour son premieralbum en français, Jason, auteur norvégien, nous livre une histoire en demi-teinte, passant d’une douce mélancolie au constat d’une existence brisée, prisonnière de souvenirs indélébiles et coincée dans une monotonie inextricable. Une oeuvre poignante et attachante. Une oeuvre unique.
Le train, composé d’innombrables wagons, roule sans s’arrêter. De temps à autre, retentissent des haut-parleurs des annonces répétitives : de nouveaux wagons vont venir s’ajouter à ceux déjà présents - amenant avec eux leurs lots de nouveaux passagers. Les voyageurs ne semblent pas se soucier de leurs destinations, se questionnent parfois sur le monde extérieur, remettant même en question son existence. Quelque part, une locomotive doit bien tirer le train, mais personne de l’a jamais vue. Pourtant règne ici une étrange ambiance, faite d’abandon et de fatalisme. Dans cet univers clos et en perpétuel mouvement, des gens se croisent, des couples se perdent, avec bien peu de chance de se retrouver…Pour son premier récit d’envergure, Chihoi, auteur hongkongais, s’est librement inspiré d’une nouvelle du poète taiwanais Hung Hung. En fin de volume sera présentée la nouvelle originale de Hung Hung, permettant ainsi une comparaison enrichissante et ludique entre le texte et son adaptation.
Les précédentes éditions de cette intégrale de Lupus étant désormais épuisées, voilà donc une nouvelle chance de découvrir un des titres phare du catalogue atrabilaire, et ce coup-ci dans une maquette passablement repensée et à un prix sensiblement plus bas. Pour rappel : bien avant Aâma et peu après Pilules bleues, Frederik Peeters s'est frotté à la science-fiction avec Lupus, désarçonnant alors certains de ses lecteurs, avant d'en gagner bien d'autres.à travers Lupus, Frederik Peeters va trouver une nouvelle façon d'aborder l'intime, délaissant une certaine forme de naturalisme pour projeter des questionnements qui lui sont chers dans un décor de science-fiction, évoquant tout au long de ces 400 pages certains de ses sujets de prédilection. Pourchassé par les sbires du mystérieux père de Sanaa, jeune femme avec laquelle il cavale à travers l'univers, Lupus n'en finit plus de s'enfuir, mais cette fuite en avant va rapidement prendre la forme d'une quête intérieure dont il ne sortira pas indemne.
Attention, grosse claque ! Julio, c'est tout à la fois un tour de force narratif éblouissant, et l'un des livres les plus forts, les plus poignants de Gilbert Hernandez. Sur 100 pages, Julio retrace la vie du personnage éponyme, de sa naissance à sa mort, de 1900 àl'an 2000. Ce sont donc 100 ans d'histoires et d'Histoire qui sont racontés en 100 pages, puisqu'à travers les personnages de Julio, c'est tout le XXe siècle qui est revisité.Grâce à sa maîtrise de l'ellipse et son talent consommé pour les récits fragmentés, Gilbert Hernandez nous promène tout au long de son livre par grands sauts temporels, et derrière le portrait de Julio, c'est celui de toute une communauté qu'il dresse, mais également celui de tout un siècle, à travers certains de ses événements majeurs, événements qui toucheront, directement ou indirectement, Julio et son entourage. Tout comme La Saison des Billes, Julio est un livre indépendant de l'univers élaboré par Gilbert Hernandez dans Love & Rockets, et l'on pense à Gabriel García Márquez lorsque l'on suit Julio et toute sa famille à travers plusieurs générations, faisant face aux quelques bonheurs et aux nombreux drames que peuvent offrir la vie. Une grosse claque, on vous dit !
Cosimo n'est pas un jeune homme comme les autres : il parle très peu, réfléchit beaucoup et n'aime pas qu'on le touche. Celui que l'on surnomme Cosmo, à cause de sa fascination pour l'astronomie, vit dans son propre monde, bien qu'il ne semble pas y être tout-à-fait seul. Arrivé à l'âge de 15 ans, Cosmo décide de prendre la route pour un périple qui s'avérera, évidemment, des plus mouvementés.Si l'univers mental de Cosmo paraît compliqué, le monde « réel » auquel il va se trouver confronté n'aura rien de plus facile, puisque le voyage qu'il va entreprendre à travers l'Italie, petite odyssée périlleuse, va le propulser à travers des banlieues désolées et une campagne pleine de mystères, à la rencontre de chasseurs belliqueux, de marginaux de tout poils, et d'une nature tantôt hostile, tantôt complice.Récit initiatique par excellence, orchestré de main de maître par Marino Neri, Cosmo subjugue aussi bien par sa réussite formelle que par sa description d'un esprit (trop) sensible plongé dans une société tourmentée et violente. Tout comme Francesco Cattani ou Manuele Fior, Marino Neri fait partie d'une génération d'auteurs qui sait s'ouvrir à la modernité tout en affirmant sa filiation avec une certaine « école italienne ».
Alors que le succès de Lupus ne semble pas vouloir s'assagir (plus de 60000 exemplaires vendus toutes éditions confondues) et que la plupart des volumes de cette belle série sont désormais épuisés, les éditions Atrabile proposent aujourd'hui un concept incroyablement novateur pour tenter de contenter tous les lecteurs laissés en rade par la disparition de certains volumes, à savoir : un pack avec les 4 volumes de Lupus !Épopée intimiste, autobiographie déformée, science fiction décalée, Lupus a le mérite de n’entrer dans aucune case, de ne correspondre à aucune définition.Lancé deux ans après la publication de Pilules bleues, Lupus à tout d’abord désarçonné certains lecteurs (avant d’en séduire bien d’autres), puisque Frederik Peeters quittait les rivages de l’autobiographie pour se plonger dans quelque chose de diamétralement opposé, une série de science fiction. Pourchassé par les sbires du mystérieux père de Sanaa, jeune femme avec laquelle il cavale à travers l’univers, Lupus n’en finit plus de s’enfuir, mais cette fuite en avant va rapidement prendre la forme d’une quête intérieure dont il ne sortira pas indemne…Une oeuvre emblématique d’un auteur en perpétuel mouvement.
Attention : un livre peut en cacher mille autres !Lettres d'amours infinies, le nouveau livre de Thomas Gosselin, se compose de plusieurs lettres et histoires d'amour, autant de pistes et de récits laissés en suspens, inachevés et donc « infinis ». A travers une narration qui fait la part belle à la forme épistolaire, le livre nous entraîne dans un labyrinthe d'aventures à tiroirs, rempli de divagations sur des univers parallèles et des enquêtes fractales, où se bousculent et se chassent exotisme et quête d'exil, animaux artificiels, centre de tri postal, le tout enchâssé par des forces (orages, frustrations), traversé de motifs (feuillages, cachemire) et d'objets (cicatrices, amphores), dans un jaillissement ininterrompu d'idées, de concepts et de couleurs. De bout en bout, Lettres d'amours infinies offre une lecture aussi déstabilisante qu'excitante, un tour de force narratif bluffant sans réel équivalent - bien que l'on pourrait, sans doute, y trouver des échos à des oeuvres comme Si par une nuit d'hiver un voyageur d'Italo Calvino, Manuscrit trouvé à Saragosse de Jean Potocki ou Les Mille et Une Nuits. Derrière tout ça se cache ce que l'auteur appelle « l'ivresse des débuts incertains », cette ivresse qui nous envahit lors des premiers pas dans une histoire - et que l'on cherche à retenir par des jeux gigognes de tiroirs dans des tiroirs, mais des tiroirs qui, activement incomplets, peuvent être remplis et poursuivis à volonté.
Tout d’abord, J&K, ça a été une poignée de numéros d’un fanzine nommé Epoxy, auto-publié par son créateur, l’Américain John Pham, et imprimé avec toutes les qualités et les défauts de la risographie. Aujourd’hui J&K est un livre – et quel livre – dont le contenu a été revu, repensé, retravaillé et complété pour l’occasion. Dans J&K, se dévoile un univers sans réel équivalent, faisant parfois écho aux Peanuts de Schulz mais avec une atmosphère bien plus viciée, un mélange de charme rétro et d’expérimentation actuelle, et une bonne dose de folie et de mordant. Jay et Kay, donc, évoluent dans un monde pop et imprévisible, où un méchant bouton dans le cou donne naissance à une créature indescriptible, et où des vampires dépressifs squattent les centres commerciaux. Les rêves sont peu flamboyants – devenir serveuse chez Orange Julio, compléter sa collection de Cool Magazine – les déceptions souvent cruelles mais l’humour, salvateur, bien présent, et la critique sociale jamais bien loin. Portrait d’une certaine Amérique, celle des malls géants et du consumérisme à tout crin, J&K joue jusqu’à l’extrême la cohérence du fond et de la forme, et se présente comme un objet complètement hors norme. Le petit monde de J&K est ainsi prolongé dans la fabrication même du livre, et plus spécialement dans ses nombreux suppléments (vinyl, petite revue, mini-poster, stickers), suppléments qui font écho aux pérégrinations de Jay et Kay et offrent ainsi une expérience « totale » et jubilatoire.
Helge Reumann est un artiste aussi discret que précieux et qui n'a pourtant pas démérité durant les deux décennies passées : présent chez nous dans la revue Bile noire et essaimant des pages chez divers éditeurs, du Rouergue à UDA, en passant par L'Association ou le Dernier Cri, sans oublier l'incroyable Elvis Road, concocté avec son complice d'alors Xavier Robel, magnifique leporello de 9 m de long. On désespérait de ne pouvoir concrétiser une collaboration plus conséquente avec cet auteur unique, nous voilà enfin comblés avec cet imposant Black Medicine Book. à travers ses travaux les plus récents (peintures, moulages et dessins), c'est tout l'univers de Reumann qui se déploie ici, un monde plein de tension et de violence, à la fois physique quand des hordes de loubards attaquent, armés de battes cloutées ou d'armes blanches, mais aussi plus sourde - cette violence qui agit en uniformisant le monde, en le transformant en un désert géant, une Terre aride et froide, dénuée de sentiments, et livrée à la loi du plus fort. Et puis il y a cette violence mentale aussi, celle qui lave les cerveaux et annihile le libre arbitre, qui créé les fanatismes et engendre encore plus de violence... S'il y a souvent de l'humour, il y a peu d'espoir dans les images de Reumann, et les hordes de fous anonymes qui traversent ces paysages aussi colorés que désolés semblent nous souffler que si l'enfer existe, il est peuplé de démons à visage humain. Introduction de Charles Burns, préface de Christian Rosset.
On assiste depuis quelques années à un mouvement plutôt intéressant dans la bande dessinée (mais aussi dans la littérature et au cinéma) qui voit des auteurs délaisser les récits réalistes et l'auto-fiction pour se réapproprier certains thèmes et genres qui avaient été comme confisqués par de grosses «machines» commerciales ou des oeuvres formatées et sans imagination. Ainsi, Sascha Hommer, qui après deux récits ouvertement autobiographiques (Quatre Yeux et ... en Chine, tous deux chez Atrabile) nous revient avec La Forêt des araignées, un livre qui baigne ouvertement dans la fantasy et joue avec les codes et poncifs inhérents au genre.C'est bientôt le moment de lachasse pour ceux qui vivent sur les rochers. La chasse les amènera dans la forêt des araignées, à la recherche des Sylvestres, espèce de grosses limaces gluantes qui abritent dans leur mucus les Punkis, principale nourriture du peuple des rochers. Mais la présence des Yeux, démiurges géants et tyranniques, qui ont interdit au petit peuple l'accès à cette réserve de nourriture potentielle, rend la chasse dangereuse. Le seul espoir d'une vie paisible et plus juste serait, comme le prédit la Prophétie, l'avènement du Messager, qui pourrait libérer le peuple des rochers et le porter au-delà de la Grande Muraille, et vers le Royaume des nuages...Univers fantasque et fantastique, dessin tout en rondeur, personnages kawaï et sous-texte politique, La Forêt des araignées est donc une oeuvre hybride, un livre d'auteur mais aussi un récit d'aventure, un ouvrage qui vous transporte ailleurs mais qui refuse également de tout prémâcher et ose faire confiance à l'intelligence, et l'imagination, du lecteur.