Dans son Histoire Naturelle, Pline l'Ancien rapporte la naissance de la peinture : le bien-aimé de Dibutade, une jeune corinthienne, fille d'un potier de Sycione, va partir à la guerre. Elle profite de son sommeil pour tracer sur le mur, à l'aide d'un bout de charbon, le contour de son ombre pour pouvoir en garder le souvenir. À partir du récit légendaire de Pline et du multiple sens du mot du mot latin «filum», qui peut signifier intrigue tout autant que forme, Max imagine un récit où image et narration sont une seule et unique chose, où ce trait au charbon se déroule, se tend, se relâche et s'enroule comme un fil dans flux hypnotique et ininterrompu. Une plongée dans l'essence même du dessin, dans son sens primordial, que Max mène avec rigueur, virtuosité et humour.
Les pensées d'un mort errent au-dessus du Canal Saint-Martin. Les échos d'un destin absurde et cruel resurgissent. Charles, provincial monté à Paris, a en apparence tout réussi. Un travail, des maîtresses et une femme superbe, il accumule fièrement les succès. Tout va basculer le jour où débarque dans sa vie bien rangée son frère Serge, paumé et mal dans sa peau... Après un remarquable premier album, En série, paru en 2002 aux éditions Frémok, Aude Samama revient avec un livre qui confirme son goût pour les intrigues intimes et passionnelles. Dans la lignée de Breccia ou Mattotti, elle affirme une sensibilité unique empruntant les flammes de la peinture expressionniste pour transcrire des tragédies où plane l'ombre du désir. Simple et terrible, L'intrusion est un drame ardent qui vient confirmer une nouvelle voix dans la bande dessinée d'aujourd'hui.
« Tu poursuivras la bête et la transperceras de ta flèche. Tu couperas sa tête, mangeras son coeur et boiras son sang. Elle t'apprendra à voir le vrai visage du monde ».Obéissant à l'oracle, l'homme se met à traquer l'animal, gibier capable de sustenter toute sa famille, toute sa tribu. S'enfonçant dans la forêt inhospitalière, nécrosée, le chasseur flaire sa pâture, perd sa trace puis la retrouve. La quête devient alors initiatique : la proie se fait guide, l'homme et l'animal, s'agrègent pour écrire, par-delà l'espace et le temps, leur tragédie commune.Dans ses précédents travaux de bande dessinée (Psychonautes) et de cinéma d'animation (Psiconautas, los niños olvidados et Decorado), Alberto Vázquez dénonçait les ravages de la pollution massive et la déshumanisation croissante de notre modèle social. Autant de métaphores dystopiques qui lui ont permis de mettre en évidence l'échec de la modernité, que la science et le progrès, ces mythes, ne peuvent désormais plus enrayer.Ces thèmes constituent de nouveau le coeur de La chasse, haletant récit de traque et de survie mêlant rites primitifs et initiatiques où Vázquez recompose le couple ancestral homme/ animal, lui seul qui pourrait endiguer la destruction du vivant. Tissées d'échos à l'art pariétal, à la peinture classique chinoise ou encore à l'expressionnisme sombre de Lynd Ward et Frans Maaserel, les pages de La chasse sont de plus émaillées de lavis saisissants. Le tout est mis au service d'une allégorie puissante à la poésie déchirante, qui incite à la réflexion.