Dans ce nouveau Patte de Mouche, on retrouve Tania, Nestor et Ratiba, déjà mis en scène par Alex Baladi dans Histoire de la balafre et L'Irrationnel et un café.Tania et Ratiba décident d'aller voir une vieille tireuse de cartes à l'accent genevois indéchiffrable. La magie des cartes opère, mais pas comme elles s'y attendaient...
Mattt Konture évolue dans cette nouvelle formule de Lapin avec l'aisance des au-teurs rompus aux revues, aux fanzines et autres publications collectives multi-formes.Il a réuni ses collègues de l'atelier En Traits Libres à Montpellier (Guillaume Pen-chiant, Frédérique Dupuis), et de nombreux dessinateurs qui l'ont accompagné dans les fanzines La Table, Burp, ou sa récente réalisation La Comète à quatre pattes, à L'Association. C'est donc naturellement que l'on retrouve les camarades Jacques Velay, Willy Ténia ou Jzef, dans ce Mon Lapin réalisé entre la Suisse et Montpellier.
Mattt Konture, qu'on ne présente plus, et Jacques Velay, son camarade de l'ex-fanzine La Table, de Montpellier (Fuméti d'un fumiste en collection Mimolette, Lapin) ont réalisé ensemble ce Jean de l'ours : vu les auteurs, on pourrait s'attendre à un manifeste punk et destroy, mais on a ici affaire à ce qui ressemble à une bande dessinée presque classique. Presque... Car si tout commence comme une aimable fiction bucolique de couple en vacances, admirablement dessinée par un Mattt Konture en pleine forme, prenant un plaisir évident à dessiner la végétation, les rochers ou les arbres, le récit part lentement mais sûrement vers des turbulences particulières. Au moment de tranquillement planter leur tente dans un coin rêvé de Lozère, la femme du couple est enlevée par un ours, et il ne semble pas que cela s'avère si malencontreux. Quant à l'homme, il va lui arriver d'autres espèces de choses particulières.Un livre insolite et décalé au sein de la bibliographie de Mattt Konture, et un Velay bien différent de ses Fuméti anarcho-lyriques.
Voilà presque vingt-cinq ans que L’Ouvroir de Bande Dessinée Potentiel creuse le sillon de la création sous contraintes. Si l’OuBaPo suit un rythme lunatique et erratique, son terrain d’expérimentation n’a cessé de s’agrandir.Cet Oupus 6 propose un regard rétrospectif et prospectif sur le champ en perpétuel défrichage qu’il s’est donné. Revenant sur plus de dix ans de travaux, ce sixième Oupus donne à lire les expérimentations de la plupart des treize membres de l’OuBaPo classés suivant la Table Approximative des Contraintes de Lécroart.Sont ici rassemblés une cinquantaine de travaux : itérations de Gilles Ciment, upside-down de Killoffer, divisions d’images d’Alex Baladi, ordonnancements de Matt Madden, recadrages d’Ibn Al Rabin, réordonnancements de François Ayroles, divisions séquentielles d’Andréas Kündig, réinterprétations de Jochen Gerner, substitutions de Lewis Trondheim et d’Anne Baraou, plurilecturabilité d’Étienne Lécroart, exercices collectifs avec J.-C. Menu, etc.Enfin, Etienne Lécroart, assisté de Matt Madden, a entrepris de débusquer l’Oubapo dans un certain nombre de travaux extra-oubapiens qui entrent en résonance avec ses recherches. On y retrouvera Chris Ware, Marc-Antoine Mathieu, Richard McGuire, Ruppert &Mulot, Benoît Jacques, Stéphane Blanquet et tant d’autres à découvrir ou redécouvrir.
D'après Sophocle, c'est en partance pour Troie qu'Ulysse et ses hommes abandonnent Philoctète à ses douleurs sur l'île de Lemnos. L'Argonaute, depuis qu'il avait été mordu par un serpent au sanctuaire de Chrysa ne cessait de souffrir, et ses cris insupportaient les Grecs. Philoctète, en Robinson antique, y passe donc dix années à survivre en maudissant Ulysse et sa lâcheté. Quand les Grecs comprennent qu'ils ne pourront faire tomber Troie sans les flèches d'Hercule, ils reviennent l'embarquer pour gagner la guerre.Voilà la version la plus connue, telle que racontée depuis toujours d'après Sophocle. Toute-fois Grégoire Carlé rapporte un détail d'importance omis dans la tragédie antique : l'île de Lemnos n'était pas déserte, mais peuplée de farouches amazones, obsédées sexuelles, qui menaient la vie dure au pauvre Philoctète ! Quand lui se contenterait bien de rester dans sa grotte et panser cette plaie qui l'épuise, les Lemniennes l'harnachent régulière-ment à une table pour le violer sous prétexte de rituels religieux. Épié, chassé, capturé, le pauvre doit sans répit satisfaire l'hystérie sexuelle des amazones déchaînées, jusqu'à ce que le bateau d'Ulysse ne revienne accoster au rivage...Dans ce péplum moderne, porté par une vraie érudition, Grégoire Carlé retrace rien moins que l'affrontement, dans la mythologie grecque, des visions du monde masculine et féminine, qui débouchera sur la victoire du monde patriarcal et sur la rupture avec l'ap-partenance cosmique au grand TOUT un et indivisible. Philoctète et les femmes nous donne à voir ce monde qui fut et qui pourrait être à nouveau.
Enfant, il se pensait « nul en tout sauf en dessin » jusqu'au jour où le dessin est devenu son quotidien. Dans Edmond, un portrait de Baudoin, on retrouve Baudoin face à la vie, face à ses réflexions, ses rêveries de créateur, face à son besoin de peindre l'existence. Avec Éloge de l'impuissance, il défend son « impuissance de dire » ; pour lui tous ses livres lui servent finalement à exprimer cette fragilité.De fait, cet éloge fait écho à ses oeuvres les plus personnelles, paru pour la plupart à L'Association; Le Portrait, Couma acò, Éloge de la poussière et plus particulièrement Le Chemin de Saint-Jean dont le récit se situe à Villars. Edmond a grandi dans ce village de l'arrière-pays niçois, où il passe encore tous ses étés à dessiner et où la réalisatrice Laetitia Carton a tourné son portrait. Dans la nature, dans les montagnes, près de ses amis, de sa famille, sources d'inspiration inépuisables.Cette bande dessinée, contrepoint essentiel et indissociable du film, présente l'artiste bousculé dans ses retranchements les plus intimes. Du reste, les discussions complices avec la documentariste le poussent à exprimer son rapport passionnel au dessin, à la vie et aux Hommes. C'est le portrait d'un auteur atypique, d'un personnage unique, libre, humble et attachant, dont l'existence s'enchevêtre souvent avec ses récits.On le découvre ainsi poète, peintre et philosophe. Edmond demeure invariablement d'une grande générosité et d'une intense spontanéité aussi bien dans son éloquence que dans son art. Ce livre-DVD constitue un témoignage fort qui le montre comme un créateur permanent, à sa table à dessin comme dans sa vie de tous les jours. Le film peut tenir lieu de porte d'entrée dans son univers ou de document fascinant pour ses lecteurs de toujours.En somme, de la joie et du bonheur.