Le premier numéro du mensuel Hara-Kiri paraît en septembre 1960, c est à dire pendant la décennie qui vécut une croissance fulgurante pour la publicité, en plein essor dans la presse écrite, comme à la radio et très bientôt à la télévision. La réclame, qui bat son plein avec son lot d arguments naïfs pour ne pas dire navrants, fait surgir des enzymes gloutons des paquets de lessive et métamorphose les chips en Blondes à croquer... Ces trompettes de la renommée qui s appliquent impunément à faire croire au public que les vessies font de merveilleuses lanternes irritent les francs tireurs d Hara Kiri. «La publicité nous prend pour des cons, la publicité nous rend cons», proclame le journal avec sa diplomatie légendaire. Les fougueux rédacteurs du journal, Cavanna en tête, dénoncent la publicité en la présentant comme la future aliénation d une société de consommation qui s éveille : il faut abattre la bête ! Et tandis que les marques s efforcent de composer avec soin un monde idéal supposé le plus attractif possible, le bras vengeur d Hara Kiri invente le détournement de publicité. Une mise en garde lucide et visionnaire. Affreux, méchants et bien entendu drôles, les protagonistes de ces falsifications outrancières transgressent tous les interdits du genre publicitaire dans un maelstrom de provocations où l absurde et le saugrenu rivalisent volontiers avec l indélicat. Dans cette entreprise de destruction sauvage, les produits en prennent pour leur grade, mais c est également les mécanismes de la publicité qui sont joyeusement éreintés, l envahissement des marques non seulement sur nos écrans mais aussi sur nous-mêmes, le racisme des campagnes qui normalisent les blondes, les jeunes, les riches, le faux progrès vanté par les annonceurs... Tout ça pour rire bien entendu, mais aussi pour réfléchir un peu... Ce qui après tout est toujours bon à prendre !
Le premier numéro du mensuel Hara-Kiri paraît en septembre 1960, né de la rencontre de François Cavanna, de Georges Bernier, alias le Professeur Choron, et de Fred. Le journal adopte immédiatement une ligne de conduite dont il ne se départira jamais : rire de tout. Autour de Cavanna se constitue rapidement une équipe de francs-tireurs d'élite composée, entre autres, de Reiser, Cabu, Wolinski, Gébé ou Delfeil de Ton.Première victime : la presse del'époque, que le mensuel pastiche avec entrain, en pervertissant les mièvres romans-photos de la presse populaire, les candides fiches cuisine des journaux féminins ou encore les fiches pratiques qui deviendront les délirantes « fiches bricolage du Professeur Choron », sans oublier l'érotisme édulcoré et hypocrite des revues spécialisées.Le mensuel invente aussi le détournement de la publicité : « La publicité nous prend pour des cons, la publicité nous rend cons », déclare le journal. Une démolition allègre, systématique et caustique de la société de consommation naissante.Dès les premiers numéros, la joyeuse bande proclame le journal « Bête et méchant » pour passer aussi à la moulinette, dans un humour absurde souvent noir et brutal, tout ce qui mérite ailleurs respect et compassion : la patrie, la religion, l'armée, la morale, la maladie, la vieillesse.Victime d'interdictions de publication pour ses outrances et ses insolences, et en dépit de nombreux procès et saisies, l'aventure Hara-Kiri se poursuit durant vingt-cinq ans (le petit frère Hara-Kiri Hebdo sera créé en 1969 par la même équipe).Ces guérilleros aussi motivés qu'incontrôlables élargiront épisodiquement leur cercle à de nombreux artistes comme Francis Blanche, Romain Bouteille, Renaud ou Coluche. On voit passer au journal les amis de l'époque : Serge Gainsbourg, Christian Clavier, Thierry Le Luron, Pierre Perret, Alain Souchon, Carlos, chacun à son tour protagoniste des provocants romans-photos.Hara-Kiri, une saga unique qui a révolutionné la presse et l'humour. Un humour dont la force n'a pas faibli, qui vit encore à travers les complices de la grande époque, Gourio, Vuillemin ou Berroyer et ses fils spirituels : ceux qui aujourd'hui à la télévision ou ailleurs propagent l'esprit de l'épopée féroce et éminemment inconvenante d'Hara-Kiri.