Un graphisme dépouillé, terriblement efficace. Des idées d'une violence inouïe. Cavanna Si, comme le professait Hara-Kiri, un bon dessin, c'est un coup de poing dans la gueule, Willem est l'un des maîtres en la matière. Partant du principe qu'une planche de portraits en dira plus sur le monde comme il va qu'une dissertation amère, Willem rassemble sur de grandes pages thématiques - autour d'un personnage, d'une région ou d'un phénomène, des scènes glissant d'une époque à l'autre.Ainsi, en quelques cases, on passe de la presse allemande des années 1930, aux reportages à oeillères de Fox-news et Al-Jazeera sur la guerre en Irak, pour aboutir au spectacle servile des carrioles de journalistes quémandant une interview du président Sarkozy paradant à cheval en Camargue.Quasiment sans parole, reposant sur la force visuelle des images et du dessin pour toute narration, le trait de Willem en dit définitivement plus qu'un long discours.
Chaque semaine, les dessinateurs de Charlie Hebdo consacrent la journée du lundi à la réalisation et au choix du dessin qui sera ensuite mis en « une » du journal. Pendant des années, tous les lundis, Cabu a été présent à la table de la salle de rédaction. Quand un de ses dessins était choisi, il sortait ses ciseaux, son tube de colle, coupait, collait, recoupait et recollait pour ajuster le dessin original au format de la « une ».Et pour ceux qui n'avaient pas été sélectionnés, la traditionvoulait qu'ils soient publiés dans la rubrique « Les couvertures auxquelles vous avez échappé ».Des « échappées », Cabu en a réalisé des quantités prodigieuses. Beaucoup ont fait la couverture de Charlie Hebdo, certaines ont été publiées dans les pages intérieures du journal, d'autres sont retournées dans ses archives à l'abri des regards.À travers un millier de dessins originaux puisés dans ses archives, Cabu s'est échappé ! retrace plus de 45 ans d'histoire et donne la mesure de l'imagination, des convictions et de l'humour de Cabu.
Ces doubles pages sont consacrées à une personnalité politique, un anniversaire, la grippe aviaire, Catherine Deneuve et le festival de Cannes, une guerre, à l’émission de télévision « Le Loft », à la première salle de shoot de France, au dernier réveillon à l’Élysée de notre président, au bug de l’an 2000...Elles rebondissent sur l’actualité, en conjuguant humour et sens critique.Ce format généreux permet aux dessinateurs de déployer tout leur talent. Cela leur demande aussi de penser l’espace dont ils disposent à la façon d’un architecte, ou d’un scénariste : conceptualiser, scénariser, distribuer l’espace, les bulles (quand il y a des dialogues), gérer la palette de couleurs ou, au contraire, composer en noir et blanc, etc. Ce format offre aux dessinateurs autant de possibilités, impensables avec la « taille standard » d’un dessin dans Charlie, qu’il ne se montre exigeant. C’est ce que nous explique en introduction le dessinateur et journaliste Riss.