David est un cadre moyen à la vie un peu routinière. Une femme, deux enfants,une petite maison mitoyenne. Lorsque sa soeur emménage dans une grande villa dans la banlieue chic, David cède peu à peu à la pression familiale et envisage à son tour de vivre l'american way of life. La vente de leur petite maison plonge pourtant sa femme dans une mélancolie inattendue.Du chez-soi décrit avec subtilité le jeu des apparences dans une société dominée par les valeurs matérielles. L'achat d'une grande maison dans un quartier chic semble être la garantie d'une vie familiale heureuse. Mais dans cette course au bonheur, chacun est mis au défi de vivre au-dessus de ses moyens, et au final : frustration, hypocrisie et isolement prennent la place du bonheur tant espéré.Le dessin au crayon d'Ariane Dénommé décrit parfaitement les intérieurs nord-américains tout de bois et de pierre, aussi bien que les émotions de ses personnages même les plus silencieux. Son dessin porte le récit avec efficacité et discrétion. Du chez-soi est la première coproduction entre l'Employé du Moi et La Mauvaise tête, jeune maison d'édition montréalaise.La grande qualité de Du chez-soi est d'être claire dans son propos sans jamais donner la leçon.
Hush-Hush est le premier recueil important du travail de Cole Johnson, quinze histoires courtes inédites traduites de l’américain, présentées sans chronologie. Cole Johnson se singularise par un dessin épuré, coloré et une écriture emprunte de poésie. Ses récits évoquent de manière récurrente des histoires d’amour brutalement avortées, se jouant de l’espace de la page, à la fois comme chronologie et simultanéité, et glissant en silence de la transcription d’une expérience personnelle à la métaphore.
Captivés par le travail au crayon de plusieurs auteures, l'Employé du Moi a décidé de les rassembler au sein d'un ouvrage. Le crayon est l'outil de l'hésitation, du repassage ; démocratique et spectaculaire par son absolue accessibilité et sa richesse plastique. Ce livre a été mis en chantier sous la forme de trois binômes d'auteures : Joanna Hellgren et Amanda Vähämäki ; Noémie Marsily et Julie Delporte ; Aisha Franz et Joanna Lorho.Si les duos se sont facilement accordés, rien ne garantissait que l'ensemble allait offrir plus qu'une juxtaposition de récits. Mais ceux-ci s'entrelacent et se répondent en de multiples échos par une forme de grâce qui tient de l'alchimie et qui créent la troublante trajectoire de ce livre singulier.Plutôt qu'un collectif offrant une juxtaposition aléatoire de courts récits, Échos rassemble 6 récits forts et contrastés, fruit d'une collaboration entre l'Employé du Moi et des binômes d'auteures totalement impliqués dans la démarche de création et de production du livre. Et qui nous permet de mesurer la richesse plastique et la diversité technique permise avec cet outil immédiat qu'est le crayon.
Un cow-boy aux manières frustes découvre un corps dans un ravin. L'homme semble mort, et à sa main est menotée une valise prometteuse. Couper la main ou couper la chaîne ? C'est le début des ennuis pour le pauvre héros de cette histoire de Far West. Très loin des mythiques justiciers de années 50', Une main en or est une fable sur l'avidité qui nous plonge sans préparation au coeur d'une histoire macabre, rude et chaotique comme le désert qui lui sert de décor. Le dessin maitrisé et élégant de Jordan Crane contraste avec la cruauté du récit et l'absence de finesse de son héros. De scène en scène, l'espace des cases se partage entre des noirs sans repli et des lavis monochromatiques tranchés : bleus, rouges, et oranges enferment le protagoniste dans une solitude sans clarté.
Chaque soir avant de s’endormir, le petit Pascal fait une prière en compagnie desa famille où il confie ses craintes et ses espérances. Lorsqu’il se retrouve seul pourtant, il prie encore une fois, afin de chuchoter ce qu’il n’ose pas dire tout haut : il a peur de la mort.Pascal est enfoncé est un récit muet d’inspiration autobiographique sous le trait d’un dessin délicat. Par petits détails et différentes anecdotes, le récit se développe et une évidence gagne l’esprit du petit personnage : ce sont des adultes qui écrivent les bandes dessinées pour enfants et le monde est plus compliqué qu’il n’y paraît.Après « le verre de lait », « Pascal est enfoncé » est le deuxième album de Pascal Matthey chez l’employé du Moi, ou comment un gag obscur de Boule et Bill et le décès d’un ami nous dessinent l’enfance en creux.
Quoi de plus plaisant qu’une promenade en amoureux le dimanche après-midi ? Monsieur s’adonne à la photo. En bon photographe amateur, il va choisir son modèle dans la rue avec l’aide de madame. Une fois qu’il l’à dans le viseur, il ne va plus le lâcher. Il va falloir user de méthodes dignes des meilleurs agents secrets. Ils vont le suivre partout tout. Mais si leur sujet était un dangereux criminel, un obsédé sexuel, un toxicomane ou bien pire encore : un psychopathe ?C’est avec un humour astucieux que Thomas Matthieu se livre à un étonnant jeu de piste avec ses deux personnages. Le type de la photo est une histoire prenante qui nous parle de voyeurisme et de ces jeux de l’imagination qui nous servent à transcender la banalité du quotidien. L’auteur a utilisé, pour son dessin, un logiciel de retouche photographique qui donne ce rendu graphique particulier et proche de la photographie.
Quel est le point commun entre Olive Booger et Franz Kafka, Thomas Jefferson ou encore Daniel Radcliffe ? L'AVF - L'Algie Vasculaire de la Face, un mal chronique qui inflige aux individus qui en souffrent une douleur extrême et handicapante dans leur vie de tous les jours.Pour Olive Booger, Tournevis est la représentation physique la plus évocatrice de son supplice. C'est juste un tournevis. Avec un long clou rouillé accroché au bout. Elle l'enfonce énergiquement dans mon oeil. « Elle », c'est La Mort qui veille, fantas-mée dans son habit traditionnel et sa faux, annonciatrice silencieuse d'une nouvelle crise. Une relation ambiguë que l'auteur dissèque au cours d'une autobiographie teintée d'humour et d'onirisme. Son dessin expressionniste, riche en métaphores, donne corps à ses épisodes migraineux.Tournevis est le dix-huitième livre de la collection Vingt-Quatre. Ce dernier se dé-marque par sa densité, ses couleurs acides et sa précision documentaire.
Stunt démarre sur une scène de vie quotidienne des plus étranges : à bord d'une péniche, un couple composé d'une jeune fille androgyne et d'une boule d'eau en lévitation, douée de parole, sont aux prises avec un problème d'antenne télé qui met en péril une soirée de foot. On y découvre ensuite uncascadeur amateur aussi audacieux que maladroit, une cascade entre train à vapeur et péniche, un sauvetage, et même un robot humanoïde détraqué qui vend des glaces... Stunt est un récit trépidant à la frontière entre réalisme, fantasmagorie et grotesque. La cascade est bien le centre du récit, puisque qu'on y entrechoque des personnages et des situations improbables, dans lesquelles Sacha Goerg fait fuir, sauter, tomber, courir ses personnages avec un plaisir communicatif. Travaillé en couleur directe, le dessin fluide donne corps au récit, enchante par la finesse et l'économie de ses traits, la grâce des corps en mouvement et l'évocation des matières.
Autres illustrations Sandra, une jeune montréalaise, découvre que l'inquiétant personnage qui l'observe régulièrement depuis le sous-sol de son immeuble est en fait Pascal Girard, un auteur de bande dessinée de seconde zone. Après une recherche sur le net elle découvre un auteur pas si pire et décide d'en savoir plus sur ce personnage. Elle échafaude alors un plan pour inspecter la tanière du dessinateur. Mais à peine s'est-elle introduite dans l'appartement, que celui-ci revient inopinément.Récit pathétique et drôle de Girard, dans la lignée de son récent Conventum chez Delcourt, on retrouve son dessin fin et rond, tout en économie et efficacité, et qui contraste avec ce récit d'une mordante autodérision. Adoptant le point de vue de la jeune fille, il porte un regard sans concession sur lui-même, se transformant en son pire cauchemar : un auteur pathétique, ventripotent, solitaire et barbu, vivant dans un sous sol miteux.
J'ai vu un truc raconte l'escapade de deux enfants un après midi d'été.Après avoir volé une barque, ils remontent laborieusement le courant et tentent de surprendre, cachés parmi les roseaux, ces nudistes dont ils ont entendu parler.J'ai vu un truc est un récit court, léger, graphiquement somptueux, avec une touche de nostalgie et d'érotisme. Dessiné au crayon gras sur papier imbibé, il restitue à merveille la moiteur du bord d'eau, sa végétation sauvage, ses clapotis et les plis du courant, le tissu mouillé. Ce traitement graphique somptueux complète parfaitement la douce ironie qui baigne le récit, centré sur deux enfants maladroits, curieux puis mutins.
Dans une forêt automnale, un couple cherche distraitement des champignons. Ils se taquinent, elle dessine à la craie l'ombre de l'homme sur un mur de briques abandonné, puis ils sont surpris par la pluie et s'abritent sous un abri improvisé. Dans un autre temps et ailleurs, le même homme est de retour du travail. Perdu dans ses pensées, il est soudain le témoin impuissant de la mort violente d'un passant.Ces deux anecdotes, seulement liées par leur protagoniste, se mélangent dans Barbecue, ou plutôt se fondent l'une dans l'autre comme dans un moment d'absence. Si le livre retrace avec précision deux moments vécus, le dessin de Bertrand Panier est le sujet même du livre. Les hachures fines qui saturent la surface de la planche font naître un espace indécis, à la fois profond et tout en surface. Les événements décrits par le récit deviennent, grâce au traitement graphique, à la fois des anecdotes légères et moments universels.
Un amoureux transi, une femme insaisissable. À leur rendez-vous, il patiente trop longtemps. Lorsqu’elle surgit enfin du tram, yeux baissés et pommettes rouges, les frustrations de l’attente disparaissent pourtant immédiatement. Après une ballade dans la ville, un retour à l’appartement et une étreinte passionnée comblent pour un temps les vides creusés par les non-dits.Le décor de Last Nite est la ville de Bruxelles et le coeur du récit, la trahison amoureuse. Mais le vrai sujet du livre est la transmission des émotions par le dessin et la couleur. Le carnet du protagoniste, qui se remplit de notes et de croquis tout au long du récit, en est le symbole et la mise en abîme.Last Nite qui a étéentièrement dessiné au marqueur, se construit sur des contrastes colorés et le jeu des hachures. Chaque page est une expérience pop et expressionniste jouissive, au service d’un récit teinté de nostalgie et d’amertume qui se lit comme on assiste à un feu d’artifice. C’est une gerbe de couleurs vives, une fusée qui explose en plein vol, une expérience courte et brutale qui laisse des traces sur la rétine.
I like short songs raconte la nuit sans retour de quatre paumés dans une petite ville de banlieue américaine. Un braquage raté, une beuverie dans un bar miteux, une fin de nuit dans un hall d'immeuble seront quelques unes des étapes de ce road movie sordide.Le dessin étouffant, noir et épais comme le pétrole d'Olive Booger sert une ambiance moite, chargée de sexualité perverse et frustrée. Son décor est celui des mythiques villes de province américaine, qui ressemble étrangement à la banlieue parisienne que connait bien l'auteur. Mais la principale qualité de Booger réside dans sa capacité à rendre crédible les situations les plus improbables, et à nous les faire ressentir parfaitement par son sens du détail et la justesse des dialogues. Une bd rock, brute, sans concessions.I like short songs, premier long récit de ce jeune auteur, prendra le lecteur aux tripes par ses personnages ambivalents, aussi touchants que déboussolés, décrits sans fards et avec une désarmante sincérité.
Michel, reporter radio d'une quarantaine d'années, surnagedans le monde moderne et disruptif des années Macron : crowdfunding, Tinder et marketing par internet font irruption dans sa vie plutôt rangée.Le moins que l'on puisse dire est qu'il ne partage pas l'enthousiasme du reste de sa génération. Ce deuxième album des aventures de Michel est l'occasion pour Pierre Maurel de mettre en scène la cruauté mais aussi la drôlerie des situations rencontrées par son anti-héros joufflu aux abois. Ainsi faire soigner une rage de dents par un ami d'ami vétérinaire de son état n'est probablement pas une bonne idée mais Michel ne le saura qu'après. Michel - Les temps modernes décrit avec un ton léger et mordant les plans débrouille et les galères de personnages attachants que Michel rencontre sur sa route. Ennuis d'argent, de santé, d'amour sont abordés avec une bonne dose de mauvaise foi. Comme dans Blackbird, le dessin vif et rond de Pierre Maurel restitue avec justesse les personnages et le tragi-comique de leur situation.
Se peut-il que l’homme qui a inspiré le film Les dents de la mer, Herbert Pan-zom, soit notre voisin ? Rémi Lucas, l’auteur et héros de ce récit, en est per-suadé. Il l’a reconnu dans une vidéo trouvée sur le net. Bon, il aurait aujour-d’hui cent ans, et son voisin n’a pas la moindre trace d’accent américain, mais peu importe, L’Amer édenté est l’occasion pour Rémi de mener une enquête fantasmatique qui fera se rejoindre pêle-mêle son voisin édenté, sa femme, son bébé et un des films les plus célèbres des années 70’. La place grandissante de l’industrie culturelle, sa proximité et son intégration dans nos vies grâce à la télévision et le net sont interrogés par l’humour échevelé de l’auteur.Rémi Lucas est un des membres fondateurs de la maison d’édition Flblb. Il y a publié de nombreuses autofictions et bâti un univers personnel, mélange étrange de son quotidien d’auteur de bande dessinée, de jeune père, de professeur, et de ses rencontres artistiques. Son dessin nerveux en noir et blanc croque avec efficacité cette enquête improbable au fumet de complot, avec de multiples rebondissements et même un dénouement.
Imaginez : le gouvernement abroge la loi surle prix unique du livre et déclare illégale l'auto-édition afin de contrôler au mieux les discours dissidents. Que faire ? S'organiser, pardi ! Voici le point de départ de ce récit d'anticipation qui survient dans un futur pas si éloigné. C'est dans cet environnement que Pierre Maurel nous invite à suivre un petit groupe de jeunes artistes qui ont décidé de s'engager clandestinement pour produire et diffuser leurs bandes dessinées afin de lutter contre le totalitarisme du pouvoir en place. Blackbird se lit comme un manifeste politique en faveur de l'expression libre et de la gratuité. Il se présente comme un remède contre l'oppression, les régimes sécuritaires et la consommation forcée. Par-dessus tout, Blackbird est un hymne au fanzinat, à ces bulles de libertés qui naissent hors contrôle et qui, parce qu'elles sont autonomes, secrètes et inattendues nous disent quelque chose d'essentiel sur le monde qui nous entoure. Le dessin au trait, précis et maîtrisé, prend souvent le pas sur le dialogue et renforce la dynamique de ce thriller militant !
400 pages pour se faire peur et tester les genres classiques du thriller au gore, mélangez avec un peu de second degré afin d'obtenir de l'épaisseur, voici Crrisp ! Fidèle à sa méthode de prépublication sur internet, l'employé du Moi fête le premier collectif papier sur le thème de la peur et issu d'une sélection du site Grandpapier.org, portail de bande dessinée en ligne. Après 40075km comics, Crrisp ! se démarque de son grand frère : il se veut encore plus sexy, toujours select et un peu moins volumineux. Avec ses 25 récits, Crrisp ! rassemble des dessinateurs confirmés aux styles variés - de Jeffrey Brown à Cédric Manche en passant par Matt Broesma ou Max de Radiguès - tout en mettant l'accent sur la découverte d'une large sélection rafraîchissante de jeunes auteurs talentueux. Le tout est préfacé par l'écrivain Thomas Gunzig et présenté sous une couverture de Morgan Navarro.
Les têtards est un récit divisé en cinq parties et se compose d'un ensemble d'anecdotes, rassemblées par ordre chronologique, qui raconte la vie d'un garçon d'une dizaine d'années, ponctuée de petits drames anodins dont l'accumulation nourrit la construction dela personnalité. Ces micro-événements tissent un réseau de symboles qui accompagnent la perception du cycle de la vie et l'éveil de la sexualité. Parmi eux, la croissance de têtards, qui permet d'évoquer la sexualité et donne son titre au livre. L'approche narrative est minimale et se passe de texte, mais ce récit de basse intensité est néanmoins traversé, sous la surface, par les troubles à venir de l'adolescence.Les Têtards est un projet d'inspiration autobiographique qui fait suite aux deux précédents ouvrages de l'auteur publiés à l'employé du Moi, Le verre de lait (2004) et Pascal est enfoncé (2007). Les Têtards traite quant à lui de la découverte du cycle de la vie du point de vue d'un pré-adolescent, de l'apparition des premiers actes indépendants, de la cruauté, de la moralité, et des premiers signes de troubles amoureux. Ce quatrième livre à l'employé du Moi confirme la cohérence plastique et narrative de Pascal Matthey, qui bâtit depuis le début de sa carrière d'auteur une oeuvre fine dans son écriture, délicate dans son dessin, riche dans sa signification.
Toujours à la recherche de leur capitaine, Janos Cola, l'équipage du Plescops commence à manquer de pistes concrètes et semble proche de l'impasse !La célèbre présidente de la pègre de Fujiii a bien laissé quelques notes au sujet de Janos dans son carnet de bord, mais ses informations demeurent confuses et inutilisables. Et, comme si tout n'allait pas assez mal, un étrange brouillard gamma coupe le vaisseau du monde extérieur, condamnant l'équipage à manger des pizzas synthétiques pendant de longues semaines !Alors qu'une routine monotone s'installe entre les camarades de la mission, un personnage inquiétant et surpuissant débarque à l'improviste : le porteur de la flèche d'argent. Le troisième épisode de Dr Cataclysm fait une fois de plus la part belle aux digressions narratives. Grâce aux flash-back qui éclairent certains éléments clés du récit, nous en apprendrons plus sur l'origine des Maîtres Invisibles. Alors que nous étions habitués à un rythme paisible, l'histoire s'emballe par une course poursuite haletante qui annonce un dernier volume animé. Le dessin de Mortis Ghost s'affûte au fil des pages pour donner corps à cette saga interstellaire située à des années-lumière de la science-fiction traditionnelle.
Printemps 1937. Deux hommes battent le pavé d'Istanbul. Un grand journal londonien leur a commandé un reportage illustré, le portraitde la capitale turque en cité moderne dans un pays laïque. Simon, l'écrivain terre à terre, ne voit rien qui y corresponde et aurait préféré être ailleurs. Aillil, le dessinateur épicurien, espère quant à lui de nouvelles expériences. C'est précisément ce que leur propose Abdolfaz, un prince autoproclamé rencontré sur les quais. Dans la citerne imposante qu'il a aménagée en lieu de débauche dans les bas-fonds de la ville, il leur fait entrevoir un autre Istanbul, qui n'a jamais coupé les racines de son passé, et les plonge dans une ivresse trouble dont on ne sait s'ils sortiront.Dérive orientale est un récit d'aventure envoûtant et une réflexion sur l'exotisme.Les deux protagonistes incarnent des positions diamétralement opposées dans la rencontre entre deux cultures, refus méprisant d'un côté, quête d'exotisme consumériste de l'autre. Le dessin de Younn Locard sied à merveille à la représentation orientalisante d'un Istanbul du début du 20e siècle, où les fastes de la bourgeoisie pro-occidentale côtoient l'indigence la plus crasse, et où la rationalité peut tout à coup s'effacer dans un tourbillon de fumée.
Leem est un bibendum géant à la peau laiteuse, un cyclope sans bouche qui court sans relâche à travers des paysages de campagne et aux abords des villes dans un but mystérieux. Il se nourrit d'eau et de soleil, s'effondre pour dormir avant de repartir, jour après jour. La course de Leem est remplie d'obstacles. Prédateurs, steppes désertiques, orages, villes, montagnes, sécheresse, et humains sont autant de dangers sur sa route.Leem ne les anticipe pas, il court. Naître, grandir, se reproduire, puis vieillir et mourir, chacune des 140 pages du livre est conçue comme un moment scandé et circonscrit, une unité graphique avec son propre rythme narratif, ce qui fait du récit un étrange documentaire animalier, à la fois grave et fantaisiste, dans lequel chacun peut retrouver une part de ses souffrances, ses difficultés mais aussi ses moments d'insouciance et de grâce.La diversité des situations nous amène dans les montagnes enneigées, au fond de l'océan, sur des îles paradisiaques, et n'épargne pas le lecteur ! Stéphane Noël est un des membres de l'Employé du Moi. Après avoir participé à plusieurs collectifs et dessiné Ressources humaines dans la collection Vingt-Quatre de l'Employé du Moi, il livre ici un récit de plus de 140 pages au dessin fin et régulier, entamé il y a plusieurs années et en partie pré-publié sur le site Grandpapier.
Maître incontesté de l'autoédition US, John Porcellino représente une influence majeure pour les auteurs de bande dessinée indé des deux côtés de l'Atlantique. Hélas, trop peu traduit, il reste méconnu du grand public en France. Depuis plus de 25 ans, il publie des histoires dans son célèbre fanzine King-Cat Comics. Issu de cette revue,Tueur de Moustiques compile ses histoires d'exterminateur de moustiques. Un métier pour le moins original qu'il a exercé dans les marais et les forêts du Colorado et de l'Illinois entre 1989 et 1999. C'est l'occasion pour lui de revenir sur les événements qui ont affecté sa vie, sa santé et sa vision du monde.Durant ces années, il a documenté son expérience de travail en toute honnêteté avec beaucoup de grâce, d'intelligence, de pureté, de poésie et parfois de naïveté. Porcellino utilise la bande dessinée comme un journal intime. C'est pour lui une pratique quotidienne, essentielle à son existence. Les différents récits publiés dans Tueur de Moustiques s'étalent sur une longue période de sa vie et permettent de saisir l'évolution de ses réflexions et de son dessin : de ses débuts bruts et hésitants, à l'affirmation d'un trait raffiné qui marque sa singularité. Selon Chris Ware : « Avec seulement quelques mots et quelques lignes, les bandes dessinées de John Porcellino dépeignent avec simplicité, la sensation d'être vivant ».
Le chaos s'installe dans un étrange troupeau d'herbivores lorsque son leader, vieux et affaibli, s'isole pour agoniser. Avant de mourir cependant, il choisit son successeur et l'envoie chercher la compagnie des hommes, seule à même de le former à reprendre la tête du groupe. La rencontre entre l'animal et un jeune couple occupant un phare sera en effet pour lui riche en enseignements. Ce que l'animal comprend au contact de la société des hommes le rend capable de devenir le leader de son groupe. Mais l'a-t-il appris en mimant le comportement de ses maitres ou par rejet de ce qu'il a vécu à leurs côtés ? Le récit, riche en métaphores, donne autant de réponses qu'il pose de questions. Bien que court, il adopte tour à tour le point de vue animal et humain. Chacun reçoit un traitement graphique particulier : le premier chapitre adopte le point de vue de l'animal, le second celui des hommes et le troisième fusionne les deux.Ressources humaines a été dessiné lors des 24 heures de la bande dessinée 2010, et entièrement redessiné pour l'édition papier.
Du Moyen Âge à nos jours, chansons et ballades, pièces de théâtre et comédies musicales, films et séries télévisées ont façonné un mythe en résonance avec leur temps, fredonné par le peuple ou par le pouvoir en place. Les récits s’étoffent de péripéties et finissent par s’associer. Mais connaissez-vous la véritable légende de Robin des bois ? Ce qui relie ces « différentes » versions est en fin de compte l’idée de liberté, une valeur abstraite et l’un des fondements de la culture occidentale. Réévaluée d’époque en époque, cette liberté s’exprime dans l’histoire du personnage, raturée, copiée/collée, remaniée, adaptée sans vergogne à travers les âges. Reprendre Robin Hood aujourd’hui, c’est donc à la fois revendiquer le refus de propriété de ce mythe et questionner ce que peut signifier la liberté dans notre culture !La nostalgie qui se dégage de l’ensemble du Robin Hood de Simon Roussin n’est pas sans écho avec notre génération. Le déchirement de Robin entre loyauté et pulsions est un lourd prix à payer. Cela dit, le moteur de Robin Hood, au-delà de sondésir de justice, correspond bien à un sourd appétit de vie que les feutres fauves de Simon Roussin font pulser dans la matière même du dessin, à chaque page de ce récit !Pour l’occasion de cette réédition, Robin Hood s’offre de nouvelles pages. À l’époque de la première parution, Simon Roussin était encore étudiant aux Arts décoratifs de Strasbourg. Aujourd’hui, il figure parmi les créateurs les plus audacieux de sa génération.
Michel, le quarantenaire râleur et hirsute créé par Pierre Maurel nous revient pour un troisième épisode. Cette fois, l'amour, le vrai, celui pour lequel on passe l'aspirateur, semble bien avoir frappé à sa porte. Mais les emmerdes ne cessent pas de pleuvoir pour autant. Dans une France traversée par les conflits sociaux, impossible pour Michel de rester indifférent et de garder son matériel de reporter en poche, ni sa langue d'ailleurs.Comme il n'est pas vraiment taillé pour l'aventure, c'est aussi sous une pluie de coups durs, pas toujours métaphoriques, que notre antihéros bedonnant va courir. Qu'il nous promène au milieu des lacrymogènes pendant une manifestation des gilets jaunes, dans un vernissage d'art contemporain, dans les petits boulots d'intérim ou le long d'un sentier de campagne verdoyant, Michel est toujours furieusement proche de nous, de nos espoirs, de nos coups de gueule et interrogations sans réponses sur ce monde hyperconnecté et pourtant bien terre à terre qui est le nôtre.Pierre Maurel décortique, avec son dessin nerveux et ses figures saisies sur le vif, les travers de notre époque. Avec drôlerie, intelligence, et au travers de situations et d'un personnage plus complexe qu'ils n'en ont l'air. Michel, Le Grand schisme est le dernier opus de la trilogie entamé avec Les Temps modernes en 2018. Pour l'auteur, c'est l'occasion d'aborder sous l'angle d'une comédie de moeurs à la fois sympathique et grinçante des thématiques liées à l'actualité.Les mouvements sociaux d'aujourd'hui, les trottinettes géolocalisées, mais aussi un furieux désir de changer le modèle de notre société. Ce dernier opus se veut plus jovial et ouvert sur l'inconnu.
Alors qu'une nouvelle antenne-relais est en construction aux abords de la ville, des morts inexpliquées se multiplient. La thèse de l'accident est rapidement écartée car auprès de chaque victime, est retrouvée une pierre parallélépipédique qui semble relier les affaires entre elles. S'il s'agit bien de meurtres, l'identité et la motivation de leursauteurs (un tueur en série, des opposants fanatiques au projet d'antenne-relais ? ) restent mystérieuses.Mais pour les autorités légales, il s'agit de rationaliser, de trouver des causes, de protéger l'industrie des télécommunications et de dénicher des coupables. Entre un mari énigmatique et en retrait et ses collègues lourdauds, la gendarme Loreleï Soares se fie à son instinct pour faire avancer l'enquête dont les premiers suspects sont un sanglier et un lynx. S'agirait-il d'une nouvelle étape dans la guerre ancestrale entre l'homme et la nature ? Auteur de nombreux ouvrages singuliers (chez Atrabile ou la Cinquième Couche entre autres), Thomas Gosselin s'associe à Isao Moutte au dessin pour ce polar énigmatique qui questionne habilement les rapports entre l'homme et la nature, la fragilité de leur cohabitation, les luttes de pouvoir et l'équilibre des forces.Entre scènes d'action et pages contemplatives, La trêve, chérie livre un épisode tendu de ce face-à-face éternel et sans pitié. Le thème du rapport entre l'homme et la nature a été de nombreuses fois traité mais La trêve, chérie propose une tout autre approche. Construit sous la forme d'une enquête policière, le récit change régulièrement de rythme au fil des soubresauts de l'enquête ou des réflexions de ses personnages.Les courses poursuites s'enchaînent avec les questionnements identitaires dans ce polar métaphysique qui ne se refuse rien, ni la symbolique limpide d'une écluse, ni les discours menaçants d'un perroquet. La trêve, chérie a quelque chose du tour de force car en un peu moins de 90 pages, il aborde, de manière brillante, originale et décomplexée, rien de moins que l'avenir de l'humanité et sa cohabitation avec la nature.La richesse des textes de Thomas Gosselin joue d'ailleurs un rôle central dans cette réflexion et cet étonnant récit.