Il était temps que José Parrondo fasse son entrée dans la prestigieuse collection Ciboulette, et il le fait de surcroît en quadrichromie, mais aux crayons de couleur. Nul doute que La Porte constitue l'un de ses travaux en bande dessinée les plus aboutis, et il serait bon que ce livre contribue à mieux faire connaître la personnalité de Parrondo, qui sous ses airs d'enfant sage, est l'un de ceux qui savent le mieux utiliser le langage de la Bande Dessinée pour aborder des contrées aussi rares en ce domaine que la Poésie ou la Philosophie. Le dessin de Parrondo, identifiable au premier coup d'oeil, est extrêmement synthétique, délicat et poétique. La Porte est en effet une sorte de récit initiatique décalé, que le dessin, lié à l'enfance (tant par le style que par la technique) rend d'autant plus effectif : les tribulations de ce personnage inséparable de sa porte nous paraissent dès lors comme autant de réponses à des énigmes éternelles et informulables.
Étienne Lécroart, un des grands maîtres de l'OuBaPo, nous présente ses Fifiches à gogo. Paru dans le journal Spirou depuis 1994, sous le nom Les Fifiches du proprofesseur, voilà 24 ans que l'auteur fournit de façon hebdomadaire une fifiche.Cette compilation, de 224 pages de saynètes absurdes, nous pousse à rire de nos habitudes, nos expressions et nos clichés. Grâce aux inspirations prises de la culture populaire et de notre quotidien, dans ces dessins humoristiques, Blanche- Neige, les vikings, nos super héros préférés mais aussi nous-mêmes sommes tournés en ridicule sous le pinceau farfelu de l'artiste. Toujours dans l'économie de moyens et dans la contrainte technique, une phrase accompagnée d'un dessin suffit à notre plaisir. Parmi cette sélection certains dessins sont totalement inédits ou ont été publiés dans le journal Fluide Glacial. Le format carré de cet ouvrage rappellera à ses adeptes l'amour qu'Étienne Lécroart porte aux mathématiques.
Enfant, il se pensait « nul en tout sauf en dessin » jusqu'au jour où le dessin est devenu son quotidien. Dans Edmond, un portrait de Baudoin, on retrouve Baudoin face à la vie, face à ses réflexions, ses rêveries de créateur, face à son besoin de peindre l'existence. Avec Éloge de l'impuissance, il défend son « impuissance de dire » ; pour lui tous ses livres lui servent finalement à exprimer cette fragilité.De fait, cet éloge fait écho à ses oeuvres les plus personnelles, paru pour la plupart à L'Association; Le Portrait, Couma acò, Éloge de la poussière et plus particulièrement Le Chemin de Saint-Jean dont le récit se situe à Villars. Edmond a grandi dans ce village de l'arrière-pays niçois, où il passe encore tous ses étés à dessiner et où la réalisatrice Laetitia Carton a tourné son portrait. Dans la nature, dans les montagnes, près de ses amis, de sa famille, sources d'inspiration inépuisables.Cette bande dessinée, contrepoint essentiel et indissociable du film, présente l'artiste bousculé dans ses retranchements les plus intimes. Du reste, les discussions complices avec la documentariste le poussent à exprimer son rapport passionnel au dessin, à la vie et aux Hommes. C'est le portrait d'un auteur atypique, d'un personnage unique, libre, humble et attachant, dont l'existence s'enchevêtre souvent avec ses récits.On le découvre ainsi poète, peintre et philosophe. Edmond demeure invariablement d'une grande générosité et d'une intense spontanéité aussi bien dans son éloquence que dans son art. Ce livre-DVD constitue un témoignage fort qui le montre comme un créateur permanent, à sa table à dessin comme dans sa vie de tous les jours. Le film peut tenir lieu de porte d'entrée dans son univers ou de document fascinant pour ses lecteurs de toujours.En somme, de la joie et du bonheur.
Sur un agenda ordinaire, tout au long de l'année, l'auteur a réalisé un dessin par jour, au feutre, au lavis, ou au crayon, symbolisant son univers graphique expressionniste.
Cette Chronographie est un livre qui fera date, et qui aura d'autant plus pris son temps que le temps en est le principal sujet, ainsi que le moteur. La réalisation de Faire semblant c'est mentir, le précédent livre de Dominique Goblet, avait pris douze ans ; la Chronographie, elle, avait été planifiée dès le départ pour être réalisée sur une période de dix ans. Tout commence par une idée a priori simple : Dominique Goblet propose un jour à sa fille Nikita Fossoul qu'elles fassent toutes deux le portrait l'une de l'autre. Cette séance effectuée, la mère propose à la fille qu'elles reproduisent l'exercice de façon régulière, et ce pendant dix ans. Les deux dessinatrices auront tenu leur promesse : Nikita a 7 ans quand commence l'expérience, en 1998, elle en a 17 quand le projet prend fin. Son évolution se voit donc aussi bien à travers les portraits que sa mère effectue d'elle, que dans les changements de son propre style, qui passe du dessin d'enfant à un dessin adolescent, puis adulte. Le résultat (environ 270 séances formant autant de double-pages, soit un livre de 560 pages en quadrichromie à l'italienne) ne ressemble à rien de connu. Ce livre impossible, matériau brut d'intimité et d'émotions, fascinera autant les amateurs de dessin que les curieux de toute nature. On semble loin de la Bande Dessinée, et on en est pourtant si proche, car comment mieux rendre compte narrativement de dix ans de vie qu'avec pareille expérience ?Dominique Goblet a publié Faire semblant c'est mentir à L'Association (nominé à Angoulême 2008) et Souvenir d'une journée parfaite au Frémok.
Le deuxième volet de la série spéciale Mon Lapin est dirigé par Alex Baladi.Celui-ci convoque ici les auteurs avec qui il anime La Fabrique de Fanzines, (Andréas Kündig, Benjamin Novello et Yves Levasseur), ainsi que quelques nouveaux venus issus de la petite édition (Gérald Auclin, Oriane Lassus et Charles Papier), afin de réaliser un numéro qui, derrière sa magnifique couverture en papier découpé, abrite des préoccupations politiques majeures.Mazen Kerbaj y résume les conflits du Proche-Orient en quelques bandes jouissives, tandis que Gautier Ducatez témoigne d'un pogrom ordinaire dans un train SNCF.Alex Baladi nous offre quelques pages flamboyantes sur les conséquences de la conquête napoléonienne en Egypte.
Recapitation est une collection dedessins dont la richesse, la diversit et l'inventivit ne sont pas sans voquer le talent d'un Topor ou d'un Steinberg. Dsespr, obsessionnel, obscne, dstabilisant, fascinant : ce petit livre est tout a. Killoffer se frotte au dessin pur, ni illustratif, ni narratif, et montre qu'il y excelle, comme ailleurs.
Pourquoi fais-je de la bande dessinée ?... Chez Olivier Josso, cette question récurrente a peu à peu tissé un noeud de frustration, où s'opposent l'incommunicabilité et le désir de dire. Y répondre tient alors de l'urgence, de la réelle nécessité... dont acte : Au travail. Abandonnant la gomme, le crayon à papier et les hachures peaufinées - jusque là, ses garde-fous habituels -, l'auteur se jette à l'encre sans filet et plonge dans les profondeurs de son passé. À la surface du même papier orange sur lequel il dessinait enfant, il fait remonter les manques et les silences, comblés par l'empreinte salutaire de lectures illustrées. Ces dernières font ici figure de tatouages, de madeleines voire de pierres angulaires, qu'il revisite au gré de son histoire personnelle. Et si la plume se lâche, au risque de gratter, c'est pour mieux respirer.Au travail est un jeu de piste et de construction, une quête de sens et d'identité autour de la création en bande dessinée : un vrai hommage à la bande-dessinée.
HP est une grande fresque ayant pour sujet le milieu de la psychiatrie en France de-puis les années soixante jusqu'aujourd'hui. C'est par le petit bout de la lorgnette que Lisa Mandel choisitde raconter cette évolution historique, interrogeant parents et amis qui ont travaillé dans le secteur psychiatrique. Le caractère anecdotique de HP, ajouté au dessin léger et humoristique de Lisa Mandel, aurait pu édulcorer le propos, mais la véracité des faits est parfois si atroce ou si absurde que ce livre ne laissera personne indifférent.Dans ce deuxième volume, Lisa Mandel poursuit son exploration de l'histoire du mi-lieu psychiatrique en France. Ses parents et leurs amis ont chacun été affectés dans des services différents, certains adoptant des méthodes dites d'« avant-garde ». L'auteure aborde ici une période clé pour la psychiatrie qui sort de ses archaïsmes pour aller vers de nouvelles pratiques. Les années 70 ouvrent une période de libéra-tion morale, qui touche aussi le monde médical. Encore une fois Lisa Mandel s'ap-puie sur les témoignages de ses proches ayant travaillé dans cet univers. C'est la rencontre entre le dessin léger et humoristique de Lisa Mandel et la gravité des faits rapportés qui fait tout l'intérêt de ce second opus.
Envoyé pour trois mois à Shenzhen, en Chine, pour superviser un studio de dessin animé, le Canadien Guy Delisle raconte par le menu les rapports parfois incongrus, souvent drôles, toujours enrichissants qu'il entretint tout au long de son séjour avec ses collègues et amis, malgré la barrière de la langue et avec un style unique, incisif et observateur.
Premier volet de la collaboration entre la scénariste et chroniqueuse Anne Baraou, et Fanny Dalle-Rive, dont le dessin subtil et fragile convient à merveille aux scènes sociales et contemporaines que Baraou sait si bien raconter. Des histoires de filles donc, pas si légères qu'elles en ont l'air, avec chaque fois un personnage mis en valeur, parmi les six personnages prévus (et autant de volumes), qui s'entrecroiseront aussi dans chacun des livres.
Quelle est exactement cette rumeur selon laquelle Lewis Trondheim arrêterait de dessiner? On en saura peut-être plus avec Désoeuvré, qui comme son titre l'indique, est le livre qui vient après la décision de ne plus faire de livres, et qui vient plus ou moins l'expliquer. En effet on y comprendra que pour Trondheim, personne ne vieillit plus mal qu'un auteur de bande dessinée. Il s'en explique dans ce premier volume de la collection ÉPROUVETTE, et on ne s'étonnera pas, avec un sujet pareil, de ne pas trouverde dessin en couverture.
En 108 dessins, Andréas Kündig décrit, d'un trait minimaliste, un monde étrange qui prend forme au fil des pages. Andréas Kündig égrène ses pensées au gré de son crayon, prenant des notes sur les associations d'idées qui traversent son cerveau et forment un inventaire de l'absurde, du saugrenu ou de l'impossible.Merveilles d'inventions graphiques, humour unique, réflexions métaphy-siques : Un coup de vent contre un bout de viande est avant tout un livre de dessin, et des chemins qu'il peut tracer.
Voilà un livre qui ne ressemble à rien du catalogue de L'Association, annonçait-on en 2006, lors de la première édition de Papa.Aude Picault, qui a depuis fait son chemin dans la bande dessinée avec Transat, ou Fanfare (Delcourt), avait rempli les pages de ce carnet, sans volonté de publication, en guise d'exorcisme, après le suicide de son père. Le résultat est d'autant plus bouleversant que son dessin frêle contraste de façon saisissante avec la violence du propos.L'Association souhaitait rendre ce livre, épuisé depuis 2009, à nouveau disponible.
Comme l'indique son titre, Madame Goldgruber n'apparaît pas dans ce second volet des mésaventures autobiographiques et artistiques de Mahler. Il nous livre ici une seconde somme d'anecdotes vécues dans le milieu de l'Art autrichien et international. Aux microcosmes de la Bande Dessinée et de l'Art Contemporain s'ajoute celui du dessin animé, que Mahler a eu l'occasion de fréquenter assidûment ces dernières années, ayant réalisé plusieurs films d'animation, dont Flaschko primé à plusieurs occasions. Grâce au détachement et à la causticité qui lui sont propres, les perles recueillies par Mahler accèdent instantanément au statut de scènes d'anthologie.
Publié dans sa version originale suédoise en 2016, La Perruche noire révèle la grande confusion qui règnent chez l'être humain face aux aléas du réchauffement climatique et à ses conséquences sur les sociétés contemporaines. Observant un nuage se diriger vers eux, les personnages s'inquiètent : « On est foutus ». Le phénomène naturel est confondu avec un nuage chimique menaçant. La situation fait alors l'objet de nombreuses spéculations et théories scientifiques farfelues que nous retrouverons tout au long de l'ouvrage. Un sentiment de persécution qui donne lieu à des raccourcis où « se présenter comme handicapé est une technique de domination masculine typique destinée à maintenir la hiérarchie établie entre les sexes ! » amenant les personnages à consulter le livre En cas de guerre des sexes. Se croisent alors des situations incongrues comme celle d'une perruche s'avérant, après consultation, être un moineau, s'interrogeant « les oiseaux sont-ils aussi innocents qu'ils en ont l'air ? ».
De nouveau en coproduction avec les Éditions Moderne de Zürich, ce livre de Thomas Ott compile les meilleurs récits de ses trois premiers albums cartonnés, parus aux Éditions Moderne dans les années 1990 : Tales of error, Greetings from Hellville et Dead End, dans le même petit format cartonné avec dos toilé que les récents Cinéma Panopticum et 73307-23-4153-6-96-8. Les premières histoires de Thomas Ott, parues dans Strapazin puis dans Tales of error, ont marqué toute une génération par leur technique imparable à la carte à gratter, leur science de la lumière expressionniste, la noirceur insondable de leurs histoires, désespérées mais jamais dénuées d'une pointe d'humour. Explorant avec acuité tous les aspects du Mal (sexe, argent, crimes, jeu, etc.), Thomas Ott est une sorte de moraliste Rock'n'Roll : pas la peine de s'adonner au culturisme pour défendre la veuve et l'orphelin si c'est pour se prendre une bastos dans le buffet à la première occasion.
Ce livre forme le recueil des 6 Comix de Pascin parus dans la Collection MIMOLETTE. La biographie imaginaire du peintre Julius Pinkas est pour Sfar le moyen idéal de développer les thèmes de la création artistique, de l'amouret du sexe, dans le Montparnasse des années 1920, transcendé dans sa Bohème misérable et sublime. Le dessin de Sfar n'a jamais été aussi vivant et habité, les dialogues sont d'anthologie: il était temps que ce chef-d'œuvre trouve sa forme définitive au sein du catalogue de L’ASSOCIATION.La totalité des épisodes est en outre parue en six volumes dans la Collection MIMOLETTE de L'ASSOCIATION entre 2000 et 2001.
Il y a quelques années, Baladi et son ami musicien Brice Catherin ont imaginé le principe des partitions dessinées qu'ils ont multiplié en guise de performances dans de nombreux festivals. Le principe : demander à des dessinateurs ne connaissant pas le solfège de dessiner ce qu'ils veulent sur du papier à portées, Brice Catherin et son Car de thon improvisant ensuite musicalement en public sur ces partitions. Baladi avait déjà dessiné de nombreuses partitions courtes.
Deuxième livre d'images de Killoffer à l'Association.À la différence du premier, qui proposait en couverture un titre énigmatique sans autres références, celui-ci se présente sous les auspices d'une composition abstraite et muette, bien en accord avec cet artiste qui refuse opiniâtrement de reproduire...Compilation de deux expositions : Mauvais plis à la galerie Anne Barrault et Charbons au musée de l'abbaye Sainte-Croix aux Sables d'Olonne, Charbons propose une plongée dans l'univers à la fois sombre et scintillant, céleste et souterrain de cet artiste qui cherche le ciel en creusant. Chaque chose se retournant et chaque page se tournant indéfiniment. À la mine de plomb ou au crayon, chaque dessin est comme un joyau tombé au fond d'un trou.À charge pour le spectateur d'inventer un trésor...
Parmi les bonnes résolutions que Lewis Trondheim a formulées devant sa bûche au Grand-Marnier le premier janvier 2018, il y avait celle-ci : faire un dessin par jour dans un petit carnet moleskine, mis en couleur à l'aquarelle par ses propres soins. Et c'est Lapinot qui est naturellement apparu sous sa plume. Homme de parole, il réalise depuis, chaque jour, une nouvelle case de ces nouvelles aventures de Lapinot, qui est rejoint par l'incontournable Richard dans une épopée échevelée dans laquelle il est question de dimensions parallèles, de nature qui reprend ses droits (et un peu plus encore), avec de l'amour et des bagarres, des phénomènes surnaturels et du vomi, de l'émotion et des coups de théâtre Ce recueil des 365 cases (on regrettera qu'il n'ait pas choisi une année bissextile) est publié au format des originaux.
C'est à la fin des années 1980 que Lewis Trondheim a dessiné les premières planches de Psychanalyse, dans son fanzine ACCI H3319, puis dans l'éphémère mais fondatrice revue Labo. Édité ensuite chez Le Lézard, Psychanalyse s'est vu augmenté en 1992, d'une deuxième partie intitulée Monolinguistes. Après deux rééditions, ce petit opuscule était devenu introuvable. Chef-d'oeuvre du courant minimaliste du début des années 1990, Monolinguistes & Psychanalyse illustre à merveille la force et la radicalité du procédé le plus simple qui soit, l'itération iconique, ou la répétition d'une même case tout au long de l'album.À rebours total de l'esprit de l'époque, Lewis Trondheim y affirmait ainsi qu'il n'est plus besoin d'être un virtuose du dessin pour s'imposer comme un auteur de bande dessinée : le talent et l'audace suffisent.
Jusqu'où est monté le King avant sa chute finale ? Spiderman ferait-il un circassien de talent ? À quoi ressemblera Paris en 2050 ? Lucky Luke ressemblerait-il toujours à un cow-boy s'il portait un tailleur trop serré ? Vousintéressez-vous à l'art contemporain, au sexe, aux états seconds, au droit des animaux, aux mutilations ?Dans la lignée de Panier de Singe (prix Révélation au FIBD 2007) et Safari Monseigneur, Les petits boloss est un recueil de travaux où l'on retrouve avec bonheur la créativité et l'humour cru de Florent Ruppert et Jérôme Mulot. Courses poursuites, séances photo, faux making-of de vraies performances, ils mettent en lumière la trivialité des situations les plus extraordinaires, et jouent de leurs personnages comme du dessin : anamorphoses, coloriage, jeu de société et phénakiscopes sont aussi au sommaire.Sortez votre boîte à outils, vous avez du travail !
Mon Lapin Quotidien se lance dans les affaires ! Les affaires à ne pas rater, les aubaines à saisir. Ce numéro printemps-été, c'est des centaines d'affaires bien juteuses comme des fruits gorgés de soleil ! Des wagons de petites annonces à foison. Des choses que l'on cherche, dont on cherche à se débarrasser, des choses à vendre, à donner, à échanger, des gens qui se vendent, qui se donnent qui s'échangent, toutes sortes de choses, les choses de l'esprit y compris, toutes sortes de gens, d'esprit exclusivement. C'est une manière de «MLQ BOUM BOUM» qui va faire un bruit du tonnerre. Et les affaires de nos lecteurs ! Sans oublier, évidemment, les plus belles plumes de la littérature, de la bande dessinée et du dessin contemporain ! Ce qui, on en conviendra aisément, ne gâche rien, au contraire. MLQ, ou comment faire des affaires tout en se rinçant la rétine et en se musclant les méninges. MLQ est copain avec radio NOVA.
Dans Elle, Masse revient avec un personnage de « bonhomme à gros nez » qui évolue dans une série de strips au dessin épuré. « Il ne peut l'avoir tuée. Il l'aimait. Trop, peut-être » prévient l'introduction et pourtant, installé sur un fauteuil qui fait office de cellule, le personnage purge bien une peine de prison. Ce fauteuil devient alors le théâtre des variations de la solitude et de l'ennui, une lorgnette qui dérègle la réalité où « le dehors du monde est maintenant retourné comme une chaussette dans le dedans de [La] prison ». Dans cet univers carcéral étrange et dévoyé, ce personnage au langage rudimentaire et laconique, use d'un humour déroutant, se joue du lecteur et de lui-même. Masse aime se jouer de son média ; Elle, dont l'identité n'est jamais dévoilée, rappellera une certaine « dame assise » et pourra laisser penser que l'on rencontre ici son pendant masculin désabusé et esseulé.
En 1994, Emmanuel Guibert, alors en vacances, rencontre par hasard Alan Ingram Cope, un américain retiré sur l'île de Ré. C'est le début d'une profonde amitié entre ce retraité de 70 ans, et le dessinateur âgé d'alors 30 ans. Très vite, Alan, en fabuleux conteur, se met à raconter sa vie à un Emmanuel Guibert émerveillé.Après La Guerre d'Alan, consacré aux périple du jeune soldat Alan durant la seconde Guerre Mondiale, Emmanuel Guibert s'attache à retranscrire ses souvenirs d'enfance. L'Enfance d'Alan est aussi un formidable témoignage sur la vie quotidienne aux Etats-Unis avant-guerre. On y découvre la vie d'une famille ordinaire, humble, et l'éveil d'un enfant à l'existence. Dans la description des jeux avec les enfants du voisinage, des moments vécus en famille, ce travail de mémoire touche à l'universel. Le talent de conteur d'Alan, et la grâce du dessin d'Emmanuel Guibert, apportent à ce témoignage une douceur pleine de l'innocence de l'enfance, et de la joie du souvenir.
Rencontre au sommet entre Guy Delisle (fauve d'or en 2012) et Jean Echenoz (prix Médicis en 1983 et Goncourt en 1999).Accordant tous les deux une grande importance à l'environnement et l'atmosphère des lieux dans lesquels ils placent leurs récits, c'est la Corée du Nord, respectivement à travers Pyongyang, et Envoyée spéciale, qui a amené les deux auteurs à se rencontrer. Et c'est à Marseille, pour le Festival Oh les beaux jours ! en 2018, qu'est né le projet Ici ou ailleurs. Guy Delisle propose une promenade au gré des rues citées dans l'oeuvre d'Echenoz, en illustrant de son trait précis et ses gris légers les textes au style réputé minimaliste de l'écrivain.Dans un même mouvement, au travers de la graphie manuelle, les traits de l'écriture rejoignent les traits du dessin. À Paris souvent, mais pas seulement, les décors volontairement déserts évoquent sans les figer les scènes qui s'y déroulent, et permettent au lecteur d'y pénétrer et s'approprier les lieux.
« C'est un arbre qui a comme des mains au bout. Des mains qui offrent. C'est un des arbres les plus vieux de la planète. » L'arbre décrit ici par Baudoin, c'est l'araucaria, un arbre originaire du Chili, pays qu'il va découvrir un mois durant, en 2003.Invité par la bibliothèque de l'institut franco-chilien, il est là pour donner des cours de dessin, et pourtant, il découvre et apprend autant qu'il enseigne. Dans les pages de ce carnet, on le retrouve en voyageur insatiable, curieux de tout, des paysages et des autres. Il est avide de mieux connaître ce pays encore meurtri par les terribles années de la dictature de Pinochet, lui qui avait tant cru à la promesse du socialisme chilien et pleuré Allende. De Santiago à Valparaiso, Baudoin garde aussi trace de ses rencontres chiliennes avec les étudiants, les indiens mapuche, ou d'anciens dissidents du régime militaire, autant d'amitiés qui l'aident à comprendre le Chili, pays de Pablo Neruda, ce poète qui lui est si cher et qu'il avait pu rencontrer des années auparavant.
Après Quatre Yeux (Atrabile) et Insekt (Sarbacane) Sascha Hommer illustre six récits de Brigitte Kronauer, auteure allemande majeure traduite pour la première fois en France. Des récits que l'on pourrait qualifier de poèmes en prose, et qui abordent des souvenirs d'enfance, de sensations et de perceptions. Le trait net et épuré de Sascha Hommer dérange et contraste avec les réflexions mélancoliques de Brigitte Kronauer. Posée comme une goutte de rosée sur une toile d'araignée, l'écrivaine restitue à merveille le sentiment d'humilité et de petitesse que l'on éprouve face à l'univers. Elle rend compte d'une puissance supérieure qui régit la nature, gronde au loin, et qui nous dépasse. Sascha Hommer s'est attaqué avec ce livre à un défi périlleux : non pas réaliser une simple adaptation, mais transmettre en bande dessinée une écrituredu ressenti et de la sensation.Dri Chinisin est un livre envoûtant, alliant subtilement dessin et littérature.
Plongée dans la vie d'un petit village du nord dela Finlande, en plein hiver. Un jeune homme découvre un cygne mort et s'endort à ses côtés. Les plus vieux vont au sauna, et font le point sur leur vie recluse, à l'écart du monde et avec la terre qui tourne sans eux. Le dessin au pinceau d'Anna Sailamaa, sublime, restitue magnifiquement les ambiances hivernales, la blancheur de la neige et l'humanité fatiguée, ni belle ni laide, de ce petit coin pas plus triste qu'ailleurs, et pas plus joyeux non plus. Par touches subtiles, Anna Sailamaa effleure ces vies humaines, évoquant leurs sentiments avec pudeur. Loin de l'humour absurde d'un Matti Hagelberg, ou de la profusion colorée d'un Tommi Musturi, Anna Sailamaa ouvre la voie à une veine impressionniste et sensible de la bande dessinée d'auteur en Finlande. Elle a reçu le grand prix du jury du festival Nordic Comics Competion en 2007 et le grand prix du jury du festival Fumetto en 2009.
Initialement prévu en couleurs et intitulé Cou Tordu à la Belle de Mai, ce deuxième livre de Caroline Sury à L'Association est une suite directe de son Bébé 2000 ; finalement au format Éperluette et en Noir & Blanc. Oskar a grandi, ça ne se passe pas très bien entre ses deux parents et Caroline a des problèmes de cervicales et de dos. La ville de Marseille est également l'un des personnages principaux de ce livre.À ces planches autobiographiques, traitées avec le côté « brut » qu'on lui connaît, répondent des dessins éclatés et parfois fantasmatiques, dans la manière la plus débridée de la cofondatrice du Dernier Cri. Ceux qui cherchent de l' « autobiolightblog » peuvent passer leur chemin : la fleur de peau, la vraie vie, elle est ici, sur papier, chez Caroline Sury.
Roland, dans le quartier, tout le monde le connaît. C'est un drôle de bonhomme, ce petit vieux-là. On l'a surnommé Le Shérif à cause de son chapeau de cow-boy. Sa vie, elle est réglée comme du papier à musique : levé avant le soleil, une petite visite au poulailler, son «harem», et puis il dépose sa soeur, folle et handicapée, sous la grange, et enfin il enfourche Pégase, sa fidèle bicyclette, direction le bistrot avec ses oeufs frais. C'est là qu'on le retrouve, pour boire quelques petits cafés bien mouillés avant de poursuivre la journée, ponctuée de ripailles, de ballons de blanc, et surtout de bons copains, comme lui des retraités et des chômeurs, qui fanfaronnent et débattent sur des sujets aussi fondamentaux que l'omelette, les tomates, ou le rythme des pigeons.
Documentaire de 64 minutes réalisé par Francis Vadillo, qui a suivi Mattt Konture pendant plus de deux ans, chez lui, dans différents festivals, et lui offre enfin le portrait qu'il mérite. C'est l'occasion de le voir au travail, dessinant dans ses car-nets et réalisant des fanzines, ou jouant sur scène avec son groupe Courge. On pénètre dans son quotidien en l'accompagnant dans sa pratique compulsive du dessin, seul ou entouré de ses nombreux amis « fanzineux », mais aussi par l'évo-cation de la maladie qui l'affecte, la sclérose en plaques. C'est enfin un portrait d'une scène underground musicale et graphique vivace et festive, que Mattt Kon-ture n'a de cesse de parcourir pour apporter sa contribution. On y croise JC Menu, Pacôme Thiellement et Killoffer, qui se souviennent de leurs rencontres, au début des années 80, et reviennent sur l'importance de son oeuvre autobiographique.Durant le tournage, Mattt Konture a réalisé une nouvelle « Comixture » qui ac-compagne le DVD. Ce nouveau Comix, sans comparaison possible avec un simple making-of, ouvre un dialogue avec le documentaire, lui offre des prolongements inattendus et donne toute sa cohérence à l'ensemble.
Premier livre en France de cet étonnant auteur croate : Igor Hofbauer. Repéré il y a déjà quelques années, il aura fallu être patient mais ça valait le coup d'attendre !En présence de Mister Morgen, on sent que l'on se trouve face à ce genre de livre impérieux, nécessaire et rare dans lequel l'auteur veut se projeter intégralement, charger la barque au maximum, tout dire.Dans un univers nocturne, glacé, pollué, finissant, malade, peuplé d'êtres déchus, corrompus, de mutants, voir de zombies, de l'auteur lui-même... et de Staline, une suite de courts récits dans lesquels le plus inquiétant réside dans les non-dits et les flous savamment distillés, sans sacrifier à la clarté, la cohérence et la limpidité.Igor Hofbauer est aussi un affichiste accompli et les superbes compositions de ses planches en noir et rouge, entre dessin contemporain, expressionnisme, constructivisme, réalisme socialiste, comics américain ou bandes dessinées européennes, en attestent. Du cinéma noir, très noir, trempé dans un cambouis post-communiste, post-catastrophiste... post-tout.
Si je n'étais pas né, ce livre n'aurait pas existé ou alors ce serait un autre qui l'aurait écrit : heureusement la question ne se pose pas et nombreux ont été ceux qui ont prêté une oreille attentive à l'exercice sobre et modeste entrepris par José Parrondo dans Parfois les ennuis mettent un chapeau.La première édition s'est évaporée aussi vite qu'elle était arrivée en librairie.Voilà donc réédité cepetit carnet, sous une forme sensiblement différente qui affirme d'autant plus ses qualités de bréviaire des choses de la vie. Composées d'une phrase attelée à un dessin synthétique au crayon de couleur, ou à l'aquarelle, les dessins de José Parrondo interrogent avec malice le sens commun et jouent avec les échelles de temps, de taille et d'espace. Corps de métiers, imagerie populaire ou encore cycles de la nature (et si c'était les feuilles qui perdaient leurs arbres ?), l'auteur recrée un rapport au monde quasiment ludique avec un ton qui rappelle parfois le Journal de Jules Renard.Parfois les ennuis mettent un chapeau, dans la parfaite continuité de La Porte, éclaire alors certaines vérités d'une lueur tout à fait poétique.
Martha et Alan, nouveau volet de la vie d'Alan Ingram Cope, nous replonge dans son enfance. Avec cet aparté, Emmanuel Guibert s'attache à un épisode tout particulier, celui d'une amitié qu'il a noué dès l'âge de 5 ans avec une petite fille de son école, Martha Marshall. De leurs jeux et bêtises d'enfants aux rendez-vous hebdomadaires au choeur de l'église presbytérienne, on retrouve Alan, bientôt orphelin, et son quotidien de petit californien dans une Amérique des années 1930 marquée par la Grande Dépression. Les années passant, Martha s'éloigne peu à peu à l'adolescence, jusqu'à des au revoir hâtifs à la veille de son départ pour l'armée. Avec ce souvenir au timbre nostalgique, Emmanuel Guibert donne une nouvelle fois voix à Alan et laisse transparaître avec pudeur le regret qui teinte l'évocation de celle qui fut son premier amour. Un récit, tout en couleur, composé d'images en doubles pages, qui restitue une Amérique surannée grâce à un dessin plus que jamais somptueux. Poursuivant ce qui devient peu à peu la fresque de la vie d'Alan Ingram Cope, Emmanuel Guibert rend le plus bel hommage qui soit à cet ami humble et extraordinaire qui disait « nous sommes les gens de qui nous parlons ».
La fanfare de L'Association revient avec le N° 2 de Mon Lapin quotidien, le quotidien du trimestre. Après un N°1 remarqué, ce dernier numéro en date sera à la hauteur, ainsi qu'à la largeur du premier : MLQ fera à nouveau la part belle au dessin, avec des auteurs comme David B., José Parrondo, Killoffer, Thomas Ott, Ruppert & Mulot, Stéphane Trapier ou Fabio Viscogliosi, au texte avec des chroniques de Denis Robert, Pacôme Thiellement, Raphaël Meltz, Jean-Yves Duhoo, Aurélie William Levaux, Clémentine Mélois, Thomas Baumgartner, Christian Rosset ou Éric Chevillard, à la bande dessinée avec Lewis Trondheim, Berberian, Emmanuel Guibert, Dorothée de Monfreid, Vanoli, Lisa Mandel, Placid, Jochen Gerner, Julie Doucet, Nicolas Malher ou Étienne Lécroart, entre autres et non des moindres... Mon Lapin quotidien, le journal impossible à plier mais possible à publier, vous informera à nouveau sur tout un tas de sujets dont vous pensiez vous foutre éperdument jusqu'à présent, sans savoir qu'il vous passionnent quand c'est Mon Lapin quotidien qui vous en parle, à sa façon inimitable, toujours dans un élégant noir et blanc mariant texte, image et typographie moderne.
Deuxième partie du diptyque dont le premier tome s'intitulait Invasion 'A' , Plan 'B' apporte une nouvelle preuve de la singularité absolue du langage de Manuel. Creusant toujours plus loin son parti-pris, Plan 'B' retrouve les perspectives cavalières, les arrêts de bus et les parachutistes, mais y apporte cette fois une inquiétante dimension apocalyptique à base de foudroiements, de zombies et de nounours. Manuel travaille sur la réduction des dimensions, cherchant à en avoir moins que deux, là où tant d'auteurs médiocres s'échinent en vain à aller sur le papier vers une troisième. Nous sommes ici dans un monde Télécran, dont les subtilités narratives se méritent. Probablement l'un des systèmes de narration figurative les plus particuliers et les plus intéressants qui est apparu ces quelques dernières années.Manuel participe au fanzine Georges et collabore sous son vrai nom (Francesco Defourny), et dans un autre style (proche de Mark Beyer ou Kerozen), à la revue de Stéphane Blanquet, Le Muscle carabine.
Charlie Schlingo faisait depuis longtemps partie des auteurs du Patrimoine (avec Forest, Gébé, Mattioli, Touïs & Frydman, Caro, etc) que L'Association estimait indispensable de rééditer, cet auteur hors du commun, étant épuisé en librairie depuis une bonne vingtaine d'années.Cette nouvelle édition de Gaspation !, agencée différemment de l'édition du Square de 1979 et largement augmentée d'autres pages de la période 1978-1982, rend enfin disponible l'oeuvre de l'un des plus grands humoristes de la bande dessinée francophone. Nourrie à la fois de « pockets » populaires et d'underground, l'oeuvre de Schlingo ne ressemble à rien : nombreux y voient la manifestation d'un génie pur. Son dessin maladroit et son humour cachent en fait l'expression d'une nature aussi radicale qu'iconoclaste. Tampon Destartin, Désiré Gogueneau et les autres personnages de Schlingo sont donc plutôt les vecteurs d'un rire ravageur et irréductible (comme peuvent l'être ceux du Professeur Choron, de Reiser ou de Topor) qu'une sympathique BD au second degré. Ces 152 pages de Gaspation ! dont certaines sont inédites ou reproduites pour la première fois en couleurs, représentent donc un exhaustif best of de Charlie Schlingo qui comblera les connaisseurs et fournira l'initiation idéale aux néophytes, qui n'ont plus aucune raison valable de le rester.
Á l'appel d'un éditeur littéraire allemand, Nicolas Mahler s'est lancé depuis quelques années dans une série d'adaptation en bande dessinée saluées outre-Rhin : Lewis Carroll, Franz Kafka, et deux écrivains autrichiens, Robert Musil et Thomas Bernhard.En choisissant un classique de Thomas Bernhard, Maîtres Anciens, Nicolas Mahler se confronte à un monument, à la Littérature, à l'Histoire et à l'Autriche.Maîtres Anciens met en scène la conversation (à sens unique) entre Atzbacher et Reger, un vieil habitué du Musée d'histoire de l'Art de Vienne. Depuis plus de 30 ans, celui-ci s'assied sur le même banc, deux fois par semaine, en face du même tableau du Tintoret. Sous le regard bienveillant du gardien Irrsigler, il ressasse ses déboires, sa vie routinière et amère, et se répand en diatribes bilieuses sur la médiocrité des artistes, des touristes, de l'Autriche, et de la vie en général.Dans ce chef d'oeuvre de misanthropie, Nicolas Mahler taille et va à l'essentiel, dans une adaptation extrêmement fidèle. Maîtres Anciens étonne par cette rencontre inattendue entre un romancier qui pratique la logorrhée, la répétition, la pulsion dénigrante et le ressassement mélancolique, et un auteur de bande dessinée dont le dessin et l'humour se caractérisent par l'économie de moyens, la finesse, l'usage du silence.Nicolas Mahler confirme ici l'étendue de son talent et l'incroyable subtilité de son oeuvre.
Edmond Baudoin est un grand portraitiste.Son livre Le Portrait est un des livres phares de sa bibliographie. Ces dernières années, dans Viva la vida puis Le Goût de la terre, en compagnie de Troubs, il est allé dessiner les gens au Mexique, puis en Colombie. Faire un portrait, c'est pour Baudoin l'occasion de parler et d'écouter, c'est un bavard à grandes oreilles.En séance de dédicaces, il est debout (il dessine toujours debout), en train de parler, parler, en regardant son lecteur, son auditeur, son interlocuteur, en même temps que son dessin, ce doit être peu ou prou la même chose. Baudoin aime les gens, il ne fait pas semblant. Que ce soit en Amérique du Sud, ou en Bourgogne, dans cette petite ville de Clamecy. Mais il n'aime pas n'importe qui, pas n'importe comment, c'est toujours, in fine, pour nous parler de politique. Eh oui : ça se fait encore.Dans cette ancienne capitale du bois de flottage, plus de 3 000 républicains ont défendu la IIe République lors du coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte en 1851. Baudoin a réalisé 44 portraits de gens de Clamecy dans les cafés, les marchés, la librairie, en essayant de voir un peu ce qu'il reste de tout cela aujourd'hui.Précédé par De barricades en barricades de l'historien Thomas Bouchet, le récit est coécrit avec la réalisatrice Mireille Hannon, à partir de documents historiques, il nous raconte cette période de résistance.
Quel est le point commun entre Galilée, Robert Bresson, Ettore Sottsass, saint François d'Assise et Robert Walser ? Rien a priori, si ce n'est de se retrouver convoqués par Fabio Viscogliosi dans son dernier ouvrage, Cascade. Réflexions métaphysiques, bribes de souvenirs, références au cinéma et à la littérature se trouvent mêlées dans ce livre album haut en couleurs. Les 103 planches du volume constituent autant de tentatives d'arrêter le temps en isolant une idée, un souvenir ou une sensation et fonctionnent comme des variations regroupées sous une même atmosphère colorée. Fabio joueavec des formes aux couleurs franches et aux contours bien délimités pour bâtir des visuels ludiques à la limite de l'abstraction.Un travail qui évoque ses oeuvres à la peinture acrylique. Il met également en scène le fameux âne, alter-ego de papier et personnage récurrent de son univers graphique - figure que l'on retrouve également sur les pochettes de ses albums, car Fabio est également musicien. À la fois livre de notes et de souvenirs, Cascade s'attaque au joyeux chaos de la pensée pour tenter de le mettre en forme(s).Il s'agit de son troisième ouvrage publié par L'Association.
Au Travail, second du nom ? Donnant suite au jet d’encre éclairé du volume inaugural, Olivier Josso-Hamel continue son exploration autobiographique. Toujours sur papier radiologique, il inspecte la bande dessinée et les origines de sa propre pratique : après un feu orange haut en symbole et en couleur, l’auteur passe au vert, allégorie végétale pétrie d’espoir salutaire.Dans ce deuxième opus, un trait précis sert une lettre soignée afin de sonder un parcours humain et artistique construit dès l’enfance. À travers les figures de son passé, réelles ou dessinées, Olivier Josso-Hamel questionne ici la mémoire et l’absence : quand la famille devient monde du silence, un père disparu peut en cacher bien d’autres. Pourtant, racines et images subsistent, illustrées par une transmission bibliophile issue du Saint-Nazaire de l’après-guerre. Tel un pudique puzzle se dévoilant par à-coups, l’auteur remonte ses pièces manquantes au fil du temps, sans nostalgie mais en quête de sens et de vie. D’une empreinte singulière, les planches d’Au Travail témoignent au présent des perceptions de l’artiste face à l’existence comme à l’activité de création.La bande dessinée et sa part d’inconscient y sont vivement convoquées : après La Mauvaise Tête de Franquin du tome 1, ce volume 2 rend hommage à L’Île Noire de Hergé pour s’achever en un lieu idoine avec Dubout, Sempé, Reiser et Bretécher. Vaste chantier conceptuel, Au Travail nous transporte au sein de pages à double charge, où l’introspection graphique se teinte d’hypnose sensible.
Chasse aux requins, mâles dominants, beuveries, défonce, désoeuvrement et inertie, le chaos règne sur le monde. Jeune ouvrier dans une usine à papier, Éric Palmer emménage en colocation avec Perry, un coureur de jupons désinvolte. Jusque-là, il supportait les dérives décadentes de ses amis, mais sa vie va prendre une tournure particulière lorsqu'il sympathise avec un de ses collègues, un marginal dénommé Billy Boy.Sous son influence, il plonge alors, tête baissée, dans un univers mystérieux et sinistre où triomphe la sorcellerie. Face au complot maçonnique, aux organisations souterraines, aux conspirations occultes, aux manipulations psychologiques et aux gnomes errants, notre héros n'a d'autres choix que de se lancer dans une quête moraliste impossible pour sauver l'humanité. Pour cela, il s'impose une discipline rigoureuse à grands coups d'introspection mystique, de gonflette et de régimes constitués uniquement de navets et d'huile de poisson.Tant que l'ordre des choses ne sera pas rétabli, le néant dominera la terre. Moïse des temps modernes, Palmer apprendra à ses dépens que nul n'est prophète en son pays. Highbone Theater raconte une saga étrange et hilarante imaginée par Joe Daly, l'auteur de la série Dungeon Quest. On retrouve dans cette fable psychédélique de 580 pages le goût du sud-Africain pour les blagues débiles, les personnages maladroits et les quiproquos vaudevillesques.Son style visuel troublant associé à son écriture, qui entremêle à outrance délires paranoïaques, références bibliques et ésotériques, évoque une série B hallucinée. Assurément, cette histoire aurait pu être une comédie « stoners», un genre cinématographique populaire aux États-Unis, prenant pour sujet de jeunes consommateurs de cannabis à qui il arrive de surprenantes péripéties.
Après « NUMÉRO UN », « DERNIER NUMÉRO (EN DATE) », voici venir « NOUVELLE FORMULE », le numéro trois de Mon Lapin Quotidien. C'est logique, ça se tient (et ça vaut mieux que deux « tu l'auras »).Emballé sous une élégante une en négatif, sur le fond noir de laquelle se prélassent les blanches typos et les exquises têtes de mort exécutées par ce que la scène internationale du dessin compte de plus gratiné, les moments forts de ce numéro, en outre de nos rubriques habituelles et de nos fidèles compagnons de route (en vrac, à la louche et sans exhaustivité : « Lapinot » de Lewis Trondheim, « Vous êtes ici » de Fabio Viscogliosi, « Proposition de loi » de Jean-Yves Duhoo, « L'Autofictif » d'Éric Chevillard, « Journaux intimes d'adolescence » d'Aurélie William-Levaux et Christophe Levaux, « Belles vues » de Joko, « L'Horrorscope » de Rocco, « Lefranc Parler », par Jochen Gerner, « HP 3 » de Lisa Mandel, la rubrique « Santé » de Thomas Baumgartner, les fragments du Mexique de Raphaël Meltz, Denis Robert, etc.), seront : une pleine page apocalyptico-politico-mystico-pop de Pacôme Thiellement, illustrée avec maestria par Killoffer, deux pages et demi king size d'une bande dessinée inédite et inouïe de David B., mais aussi, accompagnés par un texte de Jean-Luc Fromental, les 90 autoportraits à la minerve de notre chère Joëlle Jolivet à qui nous souhaitons un prompt rétablissement.Des larmes, du sang et de l'os, donc. Mais aussi : de la chair, de la poilade, des nouvelles de L'Association. Encore un numéro roboratif !Auteur(s) : Max Andersson, François Ayroles, David B., Baladi, Edmond Baudoin, Thomas Baumgartner, Abdelkader Benchamma, Charles Berberian, Blanquet, Isabelle Boinot, Sylvestre Bouquet, Denis Bourdaud, Claire Braud, Charles Burns, Chaumaz, Eric Chevillard, Jean-Luc Coudray, Fanny Dalle-Rive, Joe Daly, Agnès de Cayeux, Dorothée de Monfreid, Rachel Deville, Julie Doucet, Jean-Yves Duhoo, Florence Dupré La Tour, Quentin Faucompré, Jean-Luc Fromental, Tom Gauld, Jochen Gerner, Emmanuel Guibert, Matti Hagelberg, Joko, Joëlle Jolivet, JOSSOT, Killoffer, Andréas Kündig, Hervé Le Tellier, Étienne Lécroart, Dominique Lestel, Christophe Levaux, Thierry Longé, Nicolas Mahler, Lisa Mandel, Paul Martin, Clémentine Mélois, Raphaël Meltz, Morvandiau, Jérôme Mulot, Muzo, Laure Noualhat, François Olislaeger, Thomas Ott, Pablúx, José Parrondo, Vincent Pianina, Guillaume Pinard, Jérémy Piningre, Placid, Phileas PYM, Frédéric Rébéna, Gabriel Rebufello, Anouk Ricard, Denis Robert, Rocco, Stéphane Rosse, Christian Rosset, Florent Ruppert, Charlie Schlingo, Lars Sjunnesson, Rudi Spiessert, Stanislas, Corinne Taunay, Pacôme Thiellement, Jean-Michel Thiriet, Stéphane Trapier, Lewis Trondheim, Vincent Vanoli, Fabio Viscogliosi, Aurélie William-Levaux, Elhadi Yazi.