Après le succès du « Repaire » (Lauréat Prix Jansz Korczak 2020), le quatorzième album d'Emma Adbage aux éditions Cambourakis restitue avec tendresse l'ambiance des premiers anniversaires auxquels les tout-petits sont invités et aborde avec réalisme la petite part d'égoïsme qui sommeille en chacun de nous avant l'apprentissage du partage et de la générosité.
Dans cette édition soignée, Barbro Lindgren relève le défi de proposer une version hyper concentrée de la plus célèbre des tragédies de Shakespeare. Amour, trahison, folie, vengeance, mort: elle emprunte tous les codes narratifs de l'album pour souligner ironiquement l'atrocité de la tragédie. Les dessins somptueusement mélancoliques de Anna Höglund créent avec le texte au ton volontairement enfantin un subtil décalage, d'une ironie grinçante.
«Animaux» est le premier album d'une jeune artiste finlandaise en vogue déjà remarquée pour ses créations visuelles dans le domaine du design et du multimedia. Succession d'histoires courtes, conçues comme un recueil de nouvelles relatant chacune avec poésie et drôlerie la rencontre de l'homme avec un animal, cet ouvrage s'inscrit dans la lignée graphique du travail de dessinatrices telles que Joanna Hellgren.Une auteure à suivre.
Magnifique album muet illustré par l'autrice de bande dessinée Judith Vanistendael. Une variation colorée et soignée où les formes géométriques s'emboîtent, se confondent avant de se transformer en animaux, en appelant ainsi à l'imagination des petits lecteurs et multipliant les interprétations narratives à chaque lecture. Une promenade visuelle d'une grande puissance et d'une grande beauté, qui fascine autant qu'elle permet de familiariser les enfants avec les premières notions de géométrie et de couleur.
Espagne, années 60. Francisco Granado et Joaquin Delgado, deux militants anarchistes, sont condamnés à tort et sous de faux prétextes pour tentative d'attentat contre Franco. Dans cet album habilement construit, qui titille en permanence l'imagination et le sens de l'observation du lecteur et où se mêlent personnages historiques et de fiction, Mikel Begoña et Iñaket reviennent sur les événements qui ont conduit à leur condamnation à mort et déconcent l'injustice criante - mais non isolée - dont ils ont été les victimes.
Après le succès de «Kobane Calling», un nouvel album de Zerocalcare, paru en 2014 en Italie.À la mort de sa grand-mère, Zerocalcare découvre tout un pan de son histoire familiale qu'il ignorait. Cet évènement marque pour lui la fin de l'adolescence et l'entrée dans l'âge adulte. Tiraillé entre cette fin de l'innocence et la volonté de résister à l'oppression sociale environnante, il convoque faits réels et souvenirs inventés pour livrer avec son humour, son sens du détail et son décalage habituels l'histoire de trois générations de sa famille: celle de sa grand-mère, celle de sa mère et la sienne.
Avant-dernier album de la nouvelle série des Moomins adaptée de textes inédits de Tove Jansson. Dans cette touchante histoire, Moomin découvre un petit dragon qu'il espère conserver pour lui afin d'en faire son meilleur ami. Mais lorsqu'il le présente à son copain Mumrik, le petit dragon se prend d'affection pour lui et ne veut plus le quitter. Moomin en est très affecté et en nourrit une pointe de jalousie... Heureusement Mumrik saura se séparer du petit dragon pour préserver l'amitié de Moomin! Une touchante histoire d'amitié qui aborde les questions de jalousie avec finesse au milieu de ces créatures tant aimées des enfants et de leurs parents.
Un album biopic qui retrace la vie pleine de passion et de tragédie de Violeta Parra, chanteuse et artiste totale qui a redoré le blason de la musique folklorique chilienne. Également poétesse et sculpteuse, elle est devenue l'emblème de la culture chilienne à l'étranger, au point d'être la première femme sud-américaine à exposer au Louvre en 1967. Sacrifiant à sa passion sa vie de famille et ses amours, elle a toutefois souffert, sombrant dans une profonde dépression à la fin de sa vie. Cette bande dessinée retrace les différents épisodes de la vie de cette femme hors-norme, artiste incontournable, féministe avant l'heure, maintenant un parfait équilibre entre vie privée et vie publique, et donnant toute sa place à la musique avant toute chose.
Tournant du XXe siècle. Du village coréen de Sibérie où elle est née, à Khabarovsk où elle a fondé pour Lénine le Comité populaire d'Extrême-Orient, Alexandra Kim (1885-1918) a consacré sa fulgurante existence à la défense des droits des travailleurs. Au péril de sa vie, cette révolutionnaire bolchevique coréenne se fit la caisse de résonance de la colère des prolétaires russes, coréens et chinois, constamment mis en danger par leurs conditions de travail. Militante politique convaincue, elle accomplissait chacune de ses actions avec une âme et une volonté qu'aucune force ne pouvait entraver.Se mêlant au panorama d'une époque tumultueuse, d'une région poreuse, et d'une société sans pitié, le destin méconnu de cette femme fut de vivre sa vie selon un horizon où la liberté, comme les paysages, serait offerte à tous.L'album est inspiré d'un roman de Jung Cheol-Hoon.
À travers une série de rencontres parfois surprenantes et décalées - avec un trader de la défense ou un féru d'alchimie.- Vincent Gravé nous invite à une découverte de l'univers de Gilles Clément, inventeur du concept de « jardin en mouvement ». Du parc André Citroën à l'île Derborence, oasis verte et sauvage en plein coeur de Lille, en passant par le Musée des arts premiers du quai Branly, le dessinateur - enquêteur - figuré sous les traits d'un chat noir armé de son carnet de croquis - s'initie aux principes et à la symbolique qui président à quelques unes des créations majeures du jardinier devenu professeur au collège de France. L'album se termine par une conversation avec le maître lui-même, dans l'intimité de son jardin personnel, créé autour de sa maison de campagne creusoise, véritable matrice et terrain d'expérimentation nourrissant ses grandes créations publiques.
En Finlande, la Saint-Jean donne lieu a des festivités très importantes, aujourd'hui encore : c'est la fête du solstice, la nuit où le soleil ne se couche jamais, un moment de paroxysme vital qui met les sens et les coeurs en ébullition... Reetta Niemensivu restitue avec tendresse et malice l'atmosphère qui règne à l'approche de ce jour désignépar la croyance populaire comme celui où se joue le destin amoureux des jeunes gens...Filles d'un côté, garçons de l'autre se préparent, certaines se fiant aux rites païens censés attirer les faveurs du garçon de leurs rêves, quand d'autres rejettent l'antédiluvienne sorcellerie pour se livrer à des techniques de séduction beaucoup plus triviales... Les faits se déroulent à la fin des années 20, dans une Finlande partagée entre modernité et tradition, dans une ambiance plutôt insouciante jusqu'aux pages finales, qui concluent tragiquement l'album, en renvoyant à un accident ayant réellement eu lieu en 1928 : l'incendie d'une église dû à la foudre, qui entraîna la mort de quatre personnes et de nombreux blessés
Publié en 2009, vingt ans après le soulèvement des étudiants chinois et sa répression sanglante par le pouvoir en place, Oublier Tiananmen évoque ces événements tragiques à travers le regard d'un journaliste italien qui se rend à Pékin pour interroger acteurs et témoins, dans le but de rédiger un article. Mais au delà de l'intérêt journalistique, les raisons qui poussent cet homme à s'envoler pour la Chine sont également intimes : dans sa jeunesse, il était amoureux de Fu-Chi, fille d'un réfugié politique chinois en Italie.Ils avaient fait le serment de se retrouver vingt ans plus tard place Tiananmen : l'homme ignore ce qu'est devenue la jeune fille, mais une nostalgie irrépressible le pousse à accomplir le voyage. Le tragique des événements historiques sur lesquels il enquête se mêle au désenchantement d'un amour perdu. Au fil de ses rencontres, le narrateur prend conscience de l'horreur de la répression, mais aussi de l'ampleur de l'oubli qui aujourd'hui l'occulte.Alternant encre et peinture, noirs et blancs très expressifs, qui font penser au trait de Baudoin ou encore de Baru, et des passages en couleur, Davide Reviati rend hommage au courage des étudiants chinois dans cet album à la fois sensible et précisément documenté.
Roman graphique choral, Nos guerres fait entendre un ensemble de voix écrasées par la guerre industrielle et moderne, une guerre jamais nommée précisément, mais proche de la Première Guerre Mondiale.Dix récits se succèdent, d'une grande diversité de points de vue, qui tous réduisent à néant les illusions sur l'héroisme guerrier : de l'officier aristocrate contraint à des actes qui lui répugnent au troufion perdu dans le labyrinthe des tranchées en passant par le paysan pris en tenaille par tes champs de bataille, c'est toute l'absurdité cruelle de ta guerre qui s'exprime dans ces courts récits.Chaque histoire est dessinée et mise en page différemment, en adéquation avec le discours, le niveau social, les références picturales que le texte peut évoquer. Le traitement graphique fait référence tantôt aux avant-gardes, tantôt au dessin de presse ou aux débuts de la bande dessinée, mixés parfois avec des éléments beaucoup plus modernes. Cette vision kaléidoscopique évite tout manichéisme, et affronte au contraire la question de l'ambiguité du rapport des hommes (et des femmes) à la guerre.Intelligent, complexe, nuancé, le livre s'ouvre sur un prologue narratif, qui donne ta parole à un vieil homme riche, mutilé, partisan artiste de la guerre. On peut supposer que l'esprit tourmenté de ce personnage désagréable constitue le théâtre où se déroulent les dix récits. Un album très original, d'une grande virtuosité graphique.
Le projet de Zeina Abirached.« En avril dernier, sur le site de l'INA, qui venait de mettre ses archives en ligne, je suis tombée sur un reportage sur Beyrouth en 1984. Les journalistes interviewaient les habitants d'une rue située sur la ligne de démarcation. Bloquée à cause des bombardements dans l'entrée de son appartement - l'entrée était souvent la pièce la plus sûre car la moins exposée -, une femme au regard angoissé dit une phrase qui m'a donné la chair de poule. Cette femme, c'était ma grand-mère. J'étais à Paris et tout d'un coup, sur l'écran de mon ordinateur, ma grand-mère faisait irruption et m'offrait un bout de notre mémoire. Ça m'a bouleversée, je me suis dit que c'était peut-être le moment d'écrire enfin le récit qui me travaillait depuis un moment déjà.-Je pense, qu'on est quand même, peut-être, plus ou moins, en sécurité ici...C'est la phrase qu'a dit ma grand-mère en 1984.C'est une phrase qui s'interroge sur la notion d'espace et de territorialité.C'est une phrase qui résume la raison pour laquelle beaucoup d'habitants sont restés « chez eux » malgré le danger.C'est aussi la première phrase mon futur album.Nous sommes à Beyrouth, dans les années 80, au 38 de la rue Youssef Semaani, et plus précisément, dans l'entrée de l'appartement du premier étage.Comme c'est la pièce la plus sûre de la maison - et donc de l'immeuble, puisque l'appartement est au premier étage - tous les voisins sont là aussi.Dans cette entrée il y a l'histoire de chacun des personnages, l'histoire qu'ils ont en commun, celle du microcosme qu'ils forment et l'histoire de la moitié de ville que Beyrouth était devenue.Dans cette entrée, il y a aussi une tenture.Dans cet intérieur exigu où elle est présente d'abord en toile de fond, elle matérialise petit à petit la guerre qui fait rage à l'extérieur.Cette tenture est le fil conducteur de l'histoire que je raconte. »