Ainsi s'ouvre le nouveau livre de Denys Moreau : un matin au réveil, une partie de la soirée précédente échappe à la mémoire du narrateur. Il est assailli par de terribles symptômes touchant aussi bien au corps qu'à l'esprit. dans son lit se trouve... Lucrèce. enfin métonymiquement, puisque c'est le texte De la nature des choses qui partage ses draps.Vous l'avez compris, notre conteur a la gueule de bois, confirmant ainsi le titre : Lendemain de cuite avec Lucrèce.Il nous emmène naviguer dans le texte philosophique (avec des vrais morceaux de Lucrèce dedans), slalomant entre les affres de son indisposition, et menant une enquête digne d'un épisode du commissaire Maigret. Si le suspense qui tend l'intrigue préserve entièrement le mystère, la chute relève d'une logique implacable.
« Rien ne doit dépasser, tout doit être lisse... » Sa vie est réglée comme du papier millimétré. Il ne doit sa place qu'à son utilité au bon fonctionnement de la société. Pour se faire, il polit toutes les aspérités qui peuvent apparaître, pour devenir lisse, transparent et se fondre totalement dans la mécanique. Chaque matin, au réveil, un épi surgit sur sa tête, épi qu'il s'efforce d'aplatir à force de coups de peigne. Les jours se succédant à l'identique, il prend conscience du fait qu'il est totalement interchangeable et se prend à rêver de singularité. Un matin comme les autres il se réveille à nouveau avec un épi trônant sur son crâne et décide alors de le laisser vivre. Il va tenter toute la journée de résister à l'envie irrépressible de l'aplatir. Première victoire qui va le mener à de plus grandes audaces.« L'Epi » est un récit sous la forme d'une fable moderne existentialiste qui va illustrer le parcours de rébellion d'un pion, jusqu'au choix de la liberté. La liberté ultime, la liberté qui n'offre pas de plans pour le lendemain.
C'est vers 2005 que Tanx entreprend un exercice narratif journalier, publié sur l'un de ses blogs, qui abouti aujourd'hui à ce livre au titre évocateur : Des croûtes aux coins des yeux. Tous les matins, au réveil, elle entame sa journée en dessinant un strip, couchant ce qui lui occupe l'esprit dans l'instant. Bien que l'astreinte journalière ne sera pas vraiment respecté au fil du temps, l'exercice perdure depuis maintenant 11 ans.On entre ainsi dans la chair crue du quotidien, brut de décoffrage, ou les vicissitudes de la survie financière, l'engagement politique, le rapport aux autres, les angoisses personnelles et tout ce qui peut composer nos premières pensées matinales se voient propulsés, littéralement évacués sur le papier. S'élabore un incroyable portrait témoignage, sans détour ni pudeur, cruel et drôle. En creux, surtout, on y lira la cartographie mentale, sociale, d'une autrice farouchement soucieuse de son indépendante et de son intégrité artistique se débattant face au monde contemporain et ses reculades sociales, sa gestion purement comptable des citoyens, de l'Art et des idées.Graphiquement, le style des dessins évoluent, aux fils des ans et des envies, passant du croquis hyper-expressif des débuts à un réalisme classique, dérivant vers l'anthropomorphisme... toujours vivant et surprenant, Des croûtes aux coins des yeux est un laboratoire in-vivo, bouillonnant d'idées et de spontanéité, salvateur et fort en gueule.