À l'âge de seize ans, Nicole J. Georges a adopté Beija, une chienne tout aussi attendrissante que farouche, un peu à l'image de Nicole elle-même. Pendant les quinze années qui ont suivi, Beija ne l'a pas quittée. L'animal ingérable tolérant difficilement une présence autre que celle de Nicole, leur compagnonnage n'a pas toujours été de tout repos. Mais à force de consultations vétérinaires, psychologiques et même de voyante animalière, toutes deux ont développé une relation exclusive et passionnelle absolument unique, retranscrite avec empathie et une grande part d'auto-dérision.Après Allô, Dr Laura ?, Nicole Georges poursuit son attachante entreprise autobiographique pour rendre compte de sa chaotique entrée dans le monde adulte jusqu'à une forme d'acceptation d'elle-même. Ceci essentiellement grâce à ce chien qui, s'il a lui-même peu obéi, lui a permis de traverser les embûches et d'aller de l'avant.
À la manière du Je me souviens de Perec, Zeina Abirached évoque des scènes de son enfance et de son adolescence à Beyrouth, dans un Liban en guerre, jusqu'à son départ pour Paris en 2006. Si, dans cette mosaïque de souvenirs, la mémoire est marquée par la peur constante, les privations et la dureté de la vie, elle est aussi celle des moments heureux où l'on arrive à oublier la guerre. Par un constant décalage du regard vers ce qui permet de continuer à vivre, Zeina Abirached mêle au récit des difficultés du quotidien celui des jeux de l'enfance, évoquant avec humour la cueillette d'éclats d'obus par son petit frère, ou le sadisme d'un coiffeur qui l'amocha durant toute son adolescence. On retrouve dans Je me souviens la tension, caractéristique de l'oeuvre de Zeina Abirached, entre un dehors hostile où la guerre fait rage et l'espace familier d'une intimité protectrice.Ce quatrième opus est sans doute celui qui s'ouvre le plus vers le monde extérieur, la distance et l'humour créant de salutaires espaces de liberté.
Il se passe de drôles de choses dans le salon de Gertrude et Leo Stein, tel que Nick Bertozzi nous le présente : une absinthe bleue très particulière permet à ses adeptes de se projeter dans l'univers peint des toiles et d'y vivre des moments extraordinaires.Mais une obscure série de meurtres les menace : une mystérieuse tueuse à la peau bleue sévit dans le milieu artistique parisien de 1907, arrachant littéralement leur tête à ses victimes. Les membres du salon se lancent alors dans une enquête retentissante dans le but d'arrêter la créature meurtrière. Dans la folle équipée des Stein, on retrouve Pablo Picasso, jeune peintre fougueux au vocabulaire grossier, Georges Braque, artiste quasi ascète qui ne vit que pour peindre, Guillaume Apollinaire, poète libertin, ou encore Éric Satie, compositeur aux expérimentations musicales déroutantes.Tout en explorant un événement fondamental de l'histoire de l'art, la naissance du cubisme, Nick Bertozzi embarque le lecteur dans un thriller rocambolesque, entre intrigue policière et épopée fantastique.
En Finlande, la Saint-Jean donne lieu a des festivités très importantes, aujourd'hui encore : c'est la fête du solstice, la nuit où le soleil ne se couche jamais, un moment de paroxysme vital qui met les sens et les coeurs en ébullition... Reetta Niemensivu restitue avec tendresse et malice l'atmosphère qui règne à l'approche de ce jour désignépar la croyance populaire comme celui où se joue le destin amoureux des jeunes gens...Filles d'un côté, garçons de l'autre se préparent, certaines se fiant aux rites païens censés attirer les faveurs du garçon de leurs rêves, quand d'autres rejettent l'antédiluvienne sorcellerie pour se livrer à des techniques de séduction beaucoup plus triviales... Les faits se déroulent à la fin des années 20, dans une Finlande partagée entre modernité et tradition, dans une ambiance plutôt insouciante jusqu'aux pages finales, qui concluent tragiquement l'album, en renvoyant à un accident ayant réellement eu lieu en 1928 : l'incendie d'une église dû à la foudre, qui entraîna la mort de quatre personnes et de nombreux blessés
Zerocalcare, la trentaine, passe l'essentiel de ses journées devant son ordinateur, qu'il ne quitte que rarement pour rejoindre un cercle d'amis assez fermé partageant sa passion pourles jeux vidéo et Star Wars. Une existence casanière, à peine troublée par les quelques expériences de travail auxquelles il s'essaie. Tout est bouleversé lorsqu'il apprend la mort de Camille, sa meilleure amie du lycée : non seulement il doit accepter sa disparition, mais aussi l'annoncer à ses proches, ce qu'il envisage difficilement.Accompagné du Tatou, son fidèle ami imaginaire, Zerocalcare entremêle flash-back adolescents permettant de retracer son histoire avec Camille et péripéties de sa vie quotidienne oscillant entre petites galères, embrouilles avec ses voisins, et nostalgie des dinosaures. Une histoire douce-amère tempérée par une incroyable autodérision et un sens de l'humour à toute épreuve, qui nous plonge aux racines du travail de Zerocalcare et révèle en creux les difficultés des trentenaires italiens à se faire une place dans la société.Cette bande dessinée a valu à Zerocalcare sa notoriété. Elle paraît aujourd'hui dans une édition augmentée, servie par une nouvelle traduction.
OEuvre hors norme, défiant nos habitudes de lecture, Vanille ou Chocolat ? pousse à l'extrême l'idée du « livre dont vous êtes le héros ». Le lecteur suit les pas - et les choix - du petit Jimmy, confronté à un banal dilemme initial : quel parfum choisir pour sa glace, vanille ou chocolat ? Cette décision précipite un ensemble de conséquences des plus inattendues, qui peuvent aller jusqu'à la pure et simple fin du monde. Jimmy va rencontrer un savant fou, créateur de trois inventions diversement diaboliques - une machine à remonter le temps, un casque permettant de lire dans la mémoire récente de celui qui le porte, un « Killitron » enfin, engin d'anéantissement apocalyptique. Inventions qui permettent de décupler les potentialités narratives en jouant sur les paradoxes temporels, les répétitions, les allers-retours. Au final, Vanille ou Chocolat ? présente 3856 possibilités d'histoires - un record absolu.L'objet est constitué de 80 pages dotées de un à trois onglets, à travers lesquelles on circule en suivant un réseau de « tubes » colorés reliant les cases entre elles : le dispositif interdit tout parcours linéaire. Des codes secrets viennent encore corser l'affaire.Au final, Vanille ou Chocolat ? propose une expérience de lecture pleine de surprises, terriblement excitante, et véritablement plaisante, grâce à l'humour si particulier de Jason Shiga.
Publié en 2007, Misery loves Comedy rassemble les trois premiers volumes de la série Schizo, augmentés de dessins de jeunesse et de contributions à divers périodiques, et enfin d'une série d'oeuvres en couleurs, plus proches du style graphique de Schizo 4, avec en particulier un hommage à Chris Ware. Brunetti se montre d'ailleurs capable de parodier à peu près tous les styles graphiques du dessin d'humour, du début du XXè siècle à nos jours.Dans chacun des numéros de Schizo, Brunetti met en scène ses obsessions philosophico-existentielles : si la forme évolue, les thématiques se répètent avec une récurrence volontairement désespérante : haine du monde et de soi même, absurdité de l'existence, horreur de la bêtise et de l'avidité des hommes, imposture de la civilisation et cruauté aveugle de la nature, dictature oppressante des instincts sexuels. Brunetti développe au fil des pages une variante personnelle du nihilisme, qui s'accompagne logiquement de fantasmes d'autodestruction et d'anéantissement global. Les digressions métaphysiques les plus échevelées côtoient en permanence les dessins les plus triviaux, les images violentes ou scatologiques : l'auteur utilise les vertus subversives de la farce pour mettre au jour l'imposture morale de nos sociétés « civilisées ». Famille, amour, travail, politique, culture : rien n'échappe à ce joyeux jeu de massacre, et surtout pas l'auteur lui-même.Fruit d'une dizaine d'années de création, Misery loves Comedy est un livre monstrueux, furieusement drôle et dérangeant, sans équivalent dans l'histoire de la bande dessinée américaine.
Au fil des pages, le lecteur découvre la vie de quelques habitants d'une cité dont il ignore le nom et la situation géographique exacte (les voitures et les vêtements font penser à une ville américaine des années 50), en particulier celle de Sebastian Zorn, Ignacio Kagel, Idálio Alzheimer et Anatole Kopek, tous membres d'un jazz band (« le plus mauvais groupe du monde, résultat d'un mélange inouï d'ineptie et d'absence totale de sens musical »). On croisera aussi Thomas Flugelhorn, le compilateur de coïncidences, Barbara Zahn, auteur d'un annuaire odontologique, Elvino B. Weiss, l'un des principaux activistes de la Fondation pour le recul de la science, Roberto Rosz, directeur du musée de l'accessoire et de l'insignifiant, Kaspar Grosz, secrétaire général du Parti impopulaire idiosyncrasique, et bien d'autres. Les histoires sont indépendantes les unes des autres mais le plaisir de lecture s'accroît à mesure que l'on retrouve tel ou tel personnage, plongé dans un désarroi qui diminue rarement. Les destins des uns et des autres se croisent, s'entrechoquent parfois, ajoutant ainsi à la confusion ambiante. Alors que tout a l'air normal, l'absurde se répand inexorablement. Badin, opiniâtre, philosophe, méticuleux, obsessionnel, interloqué, sceptique, gauche, scrupuleux : quel que soit le caractère de chacun de ces personnages, tous s'efforcent de trouver leur voie dans le dédale de la ville (et de la vie). Vies brèves d'hypocondriaques, de doux dingues et de monomaniaques, petites chroniques de la folie ordinaire, portraits de neurasthéniques divers et variés, de fêlés du dimanche ou de génies à la petite semaine, instantanés de la vie comme elle ne va pas toujours : José Carlos Fernandes excelle à dépeindre un monde qui ressemble fort au nôtre et des êtres qui sont nos semblables.
Le projet de Zeina Abirached.« En avril dernier, sur le site de l'INA, qui venait de mettre ses archives en ligne, je suis tombée sur un reportage sur Beyrouth en 1984. Les journalistes interviewaient les habitants d'une rue située sur la ligne de démarcation. Bloquée à cause des bombardements dans l'entrée de son appartement - l'entrée était souvent la pièce la plus sûre car la moins exposée -, une femme au regard angoissé dit une phrase qui m'a donné la chair de poule. Cette femme, c'était ma grand-mère. J'étais à Paris et tout d'un coup, sur l'écran de mon ordinateur, ma grand-mère faisait irruption et m'offrait un bout de notre mémoire. Ça m'a bouleversée, je me suis dit que c'était peut-être le moment d'écrire enfin le récit qui me travaillait depuis un moment déjà.-Je pense, qu'on est quand même, peut-être, plus ou moins, en sécurité ici...C'est la phrase qu'a dit ma grand-mère en 1984.C'est une phrase qui s'interroge sur la notion d'espace et de territorialité.C'est une phrase qui résume la raison pour laquelle beaucoup d'habitants sont restés « chez eux » malgré le danger.C'est aussi la première phrase mon futur album.Nous sommes à Beyrouth, dans les années 80, au 38 de la rue Youssef Semaani, et plus précisément, dans l'entrée de l'appartement du premier étage.Comme c'est la pièce la plus sûre de la maison - et donc de l'immeuble, puisque l'appartement est au premier étage - tous les voisins sont là aussi.Dans cette entrée il y a l'histoire de chacun des personnages, l'histoire qu'ils ont en commun, celle du microcosme qu'ils forment et l'histoire de la moitié de ville que Beyrouth était devenue.Dans cette entrée, il y a aussi une tenture.Dans cet intérieur exigu où elle est présente d'abord en toile de fond, elle matérialise petit à petit la guerre qui fait rage à l'extérieur.Cette tenture est le fil conducteur de l'histoire que je raconte. »