Si les lecteurs francophones connaissent bien, désormais, le manga japonais, ils découvrent à peine le pire de ce qui se fait en matière de manhwa, la bande dessinée coréenne, une production paradoxalement généralement destinée aux jeunes filles (le sunjeong manhwa) ou imitant le manga japonais.Véritable phénomène culturel et commercial, le manhwa peine pourtant à se développer en dehors des sentiers rebattus du manga. Cependant, des formes plus radicales et des propos d'auteurs véritablement contemporains émergent des dizaines d'écoles de bande dessinée de Séoul. Un éditeur a eu le courage de les éditer : Saï Comics de Kim Dae-Joong. La Cinquième Couche a choisi de traduire dix d'entre eux. Pour de meilleurs lendemains rassemble la crème de la bande dessinée coréenne contemporaine. Ces dix auteurs à la narration et au graphisme puissants font partie, pour la plupart, du collectif Anazo, issu de la section animation de la Korean National University of Arts. Ils explorent chacun à leur façon leur univers intime ou quotidien, avec des moyens graphiques toujours renouvelés.
Ce livre propose d'aborder les questions que posent (et qui se posent à) la narration aujourd'hui. Il contient des propositions d'articulations narratives. Il peut s'agir d'hypothèses ou de questions, ou d'affirmations péremptoires non étayées. Deux images / photos / mots etc. peuvent suffire à établir une articulation narrative. Mais ces narrations ne sont pas fonctionnelles au sens aujourd'hui répandu, quin'ont pas pour but de faire avancer le récit pour arriver à la fin, à l'élucidation, souvent logique, au bout d'une chaîne causale. Des articulations qui ont d'autres fonctions : poétique, plastique, rapprochements,métaphores, etc. et celles qui ne sont pas nommées encore. Parce que lesens n'est pas dans l'ordre des causes et des conséquences jusqu'audénouement. Parce que le sens n'est pas dans l'élucidation.
À l'origine, il y a une exposition d'Alex Baladi à L'Atelier 20 de Vevey, des dessins originaux au format A4 qui déroulent une galerie de personnages, de motifs et de techniques. C'est Lador, écrivain complet et homme curieux par excellence, multi-spécialiste comme au temps de la Renaissance, qui s'empare des dessins de Baladi pour en faire un récit en contrepoint, en spirales, et offrir par là un éclairage inédit aux dessins de Baladi. Qu'on n'y trompe pas, Course est pensé comme une bande dessinée en ce sens que les tableaux, comme autant de cases, se succèdent et se répondent pour faire un récit. Narrativement, en arrière-plan des motifs récurrents, il y le thème voulu par le dessinateur Baladi : la course. Les personnages, sur leur starting-block au départ, partent, courent, vont, prennent la tangente, fuient, incertains, paniqués, goguenards, absurdes.
Après une dure journée d'usine, quoi de mieux que d'aller s'en jeter un petit derrière le gosier? Après Querelle de Brest, après l'Opéra de Quat'Sous, Hareng couvre-chef est une évocation mythique et fantasmée des caves enfumées et des tangos au bord des docks. Dans ce récit illustré, le trait expressif et éclaté émerge des fumées irritantes des bas-fonds esquissés par Christophe Poot. Il réinvite une langue qui mêle à la fois onomatopées et expressions créées de toutes pièces. Ce livre est paru en 2001, mais l'auteur n'a depuis pas abandonné ses penchants pour le monde maritime, tant s'en faut. C'est donc une édition riche d'une dizaine de textes et d'illustrations inédites, présentées comme des chansons évoquant la vie des marins, le travail dans la marine marchande et la beauté des sites portuaires. Le style graphique s'est entretemps légèrement dépouillé, le style littéraire aussi, ce qui augmente encore l'intérêt de présenter cette ré-édition et ses prolongements dans l'imaginaire de l'auteur. Nous avonsaussi voulu, pour cette présente édition, soigner particulièrement le choix du papier, des typographies et la fabrication du livre, pour vous offrir une lecture optimale de ce petit ouvrage à l'argot poétique et au dessin expressionniste.
Un homme, habité par une angoisse soudaine, décide de se cloîtrer chez lui et de se couper du monde. Ses voisins, le livreur, l'hôpital, ses propres meubles... Tout pour lui représente un danger mortel. Il est rongé par la suspicion et la peur. L'angoisse le gouverne à tel point que sa raison lui fait défaut. Toute sortie est pour lui une aventure à hauts risques si bien qu'il évite, tant que possible, tout contact avec le monde extérieur. Mais un jour, son docteur, seule personne qu'il laisse pénétrer dans sa forteresse, l'oblige à sortir de son repli. Son anxiété prend alors une ampleur démesurée. Et il va développer toutes sortes de troubles psychosomatiques. Commence alors le début de sa fin.Ces dessins à la fantaisie cauchemardesque reflètent habilement les délires paranoïaques du protagoniste de cette histoire, Monsieur Fernando. Les visages grimaçants, les corps désincarnés, les personnages effacés, les décors tonitruants et menaçants permettent au héros d'évoluer dans l'univers de son imaginaire et de faire de ses hallucinations visuelles, sa réalité profonde.
Pascal Matthey travaille à la réalisation de 978 depuis 2004. Huit années d'effort pour parvenir à une bande dessinée concrète, entièrement composée à partir de catalogues, d'affiches, d'imprimés promotionnels d'éditeurs, bref, de rebuts du 9e art voués aux déchetteries. Ces images déclassées, vouées à l'illisibilité éternelle, Il les a méticuleusement atomisées, chirurgicalement décomposées, réordonnées, cut & paste sur papier, aux ciseaux et à la colle.L'unité sémantique minimale de la bande dessinée, c'est la bande dessinée ellemême, avait-on écrit ailleurs: on ne peut en extraire une image, une planche, une séquence, sans la dénaturer, sans en perdre le sens qui est sa fin et son origine.Pascal Matthey commet-il, avec 978, un sacrilège ? Annihile-t-il, avec les formes et l'ordonnancement, les significations ?978 est une synthèse, la synthèse de toute la bande dessinée franco-belge, dans toutes ses formes, non pas magma informe, confusion, mais chaos présenté en son essence chaotique et convulsive. Une bande dessinée concrète composée uniquement à partir de lambeaux de catalogues de bande dessinée déchiquetés. Des compositions colorées hallucinées pour un résultat étonnamment narratif.
Dans le jargon de l'imprimerie, le blanco est un exemplaire d'un livre relié mais non imprimé qui permet à l'éditeur de se faire une idée précise de l'objet fini et d'en éprouver des variantes (apparence, poids, épaisseur, grammage et main du papier, etc.) lorsqu'il sort des formats usuels. Blanco s'inscrit strictement dans la tradition de la bande dessinée franco-belge telle qu'elle a été décriée naguère par Jean-Christophe Menu lorsqu'il fustigea la standardisation des formats, donc des contenus, dans les pamphlets d'Éprouvettes, en forgeant l'expression qui fit flores « 48cc » (abréviation de « 48 pages cartonné-couleurs », le standard industriel auquel ne dérogeaient pas encore les éditeurs mainstream).Le principal apport à la bande dessinée de l'éditeur L'Association est sans conteste d'avoir créé ce terme pour désigner ce que, par son ubiquité même, on ne percevait pas, ce format se confondant avec la bande dessinée elle-même. Blanco est un 48cc. Puisque le format lui-même charrie des significations autant qu'il les génère, Blanco dit et montre ni plus ni moins que n'importe quelle bande dessinée de ce format et de ce standard. Elle a simplement été épurée de ses scories jusqu'à l'os pour n'être plus que la quintessence de tout un genre qui a déjà assez lassé.
Essai. Le livre numérique (en anglais : ebook ou e-book), aussi connu sous les noms de livre électronique et de livrel,est un livre édité et diffusé en version numérique, disponible sous la forme de fichiers, qui peuvent être téléchargés et stockés pour être lus sur un écran (ordinateur personnel, téléphone portable, liseuse, tablette tactile), sur une plage braille, un dispositif de lecture de livres audio, ou un navigateur.Le livre numérique peine à s’implanter dans les usages, en francophonie. Les lecteurs aiment encore y humer l’encre et le papier, corner les pages, annoter les marges, coller amoureusement un ex-libris sur les gardes… Le lecteur anglo-saxon n'a pas ces réserves. Et si sa littérature se prêtait davantage à ces nouveaux supports? C'est pourquoi, pour cette première incursion dans l'édition numérique, La 5e Couche a choisi un comics. The Dark Knight returns book one est le premier livre numérique qui se conforme aux habitus de son lectorat, qui pourra retranscrire intégralement et sans faute le code postscript qui y est inséré, dans un notepad (bloc-note) ou un logiciel de traitement de texte (libre-office), puis l’enregistrer, par exemple au format « .txt », sur le disque de son choix. En ouvrant le document ainsi produit avec la fonction « clic droit » puis « ouvrir avec » de son ordinateur personnel, s’il choisit « autre » puis « adobe reader » (ou le logiciel de lecture de PDF de son choix), il disposera librement de la première édition du livre de comics qui est, dans son 'édition originale, le plus cher du marché.
Anthologie de l'esprit est un recueil d'histoires courtes réalisées par l'auteur finlandais Tommi Musturi (Sur les pas de Samuel, Les livres de monsieur Espoir, Beating...) ces vingt dernières années. Il constitue une plongée dans la diversité formelle et narrative de son oeuvre en bande dessinée.Musturi utilise et éprouve de nombreux styles et manières de raconter pour livrer des messages et des idées souvent complexes. L'Anthologie de l'esprit s'achève par un article sur le «style» en tant qu'outil cardinal du dispositif artistique et narratif.
Arantxa est une journaliste madrilène qui parvient laborieusement à placer ses articles dans des revues espagnoles. Elle est un jour interpellée par les images des attentats de Paris en novembre 2015.Elle décide de prendre la direction de Molenbeek et, après quelques difficultés, elle parvient à entrer en contact avec un groupe de jeunes filles en voie de radicalisation, et, en particulier, Khadija. Celle-ci exercera une réelle fascination sur la journaliste, qui s'est fait passer pour l'employée d'une ONG. Le récit sera traversé tout du long par la question de l'utilisation de la violence dans le cas d'une cause que l'on estime juste.
Dans ce cinquième et ultime volume, nous suivons les péripéties de M. Espoir, personnage atypique niché dans un coin de campagne finnoise.Les précédents volumes nous avaient présenté un personnage, coupé du monde, qui évoluait dans un quotidien aux limites de la mélancolie quand il n'était pas aux prises avec ses démons et ses fantasmes. Comme à l'habitude, le récit fonctionne comme une machine philosophique et métaphysique sans perdre sa dimension sensible.Ce dernier tome est l'occasion de se replonger dans la biographie de M. Espoir, son enfance, ses rêves de jeunesse, sa vie de couple... Pour ce rendre compte que rien ne vaut l'instant présent. Une façon de clôturer le grand cycle de M. Espoir sur une note résolument joyeuse.
Jeune dessinateur flamand de la vague graphic punk qui déferle actuellement dans le paysage éditorial mondial, Lukas Verstraete est aussi un héritier et un ambassadeur de l'école flamande. Combinant une bonne dose d'humour et une dimension métaphysique omniprésente, il nous livre ici avec Ramone une oeuvre à l'esthétique spontanée mais néanmoins audacieuse. Narration hybride faite de questionnements et de doutes sur notre nature humaine, Ramone, sous ses dehors naïfs, révèle de façon souvent métaphorique un discours sous-jacent sur le but de notre existence, le chemin parcouru pour en arriver là, l'homme en quête de son évolution et d'une place dans la société, le personnage ne faisant que courir vers la fin de l'histoire, poursuivis que nous sommes par le regard des autres.
Quand les sentiments sont pris dans les spirales infinies de l'administration ou quand, pour se suicider, on a besoin d'une licence sans laquelle on est passible de la peine capitale. Un personnage, victime de ses démons, se rend compte, un peu tard, que la machine administrative ne revient jamais en arrière.Deux trames s'alternent : dans la première, le personnage court vers la mort en entamant les démarches en vue de l'obtention d'un permis de se suicider, dans la seconde il tente d'échapper à un tueur. Les deux trames finissent par se rejoindre.Une première version de La poursuite a été publiée en 2001 : réalisée dans l'urgence, avec un trait enlevé, elle ne rendait pas l'ambition graphique initiale qui consistait à restituer la stature boursouflée de la justice et le rythme trépidant de la poursuite. C'est à présent chose faite.
Détournement de la célèbre BD danoise Petzi, conformément à la charte d'Essaim (essaim.org), avec laquelle ont déjà été réalisés les célèbres Katz (d'après Maus de Spiegelman), Noirs (d'après Les Schtroumpfs noirs, de Peyo) et Tintin akei Congo (d'après Tintin au Congo, de Hergé), l’auteur détourne images et dialogues pour créer un nouvel objet, qui n'est pas que plastique. La trame narrative est la même que la série originale.Au cours de leur tour du monde en bateau, Riki et ses amis s’arrêtent dans une petite clairière au coeur de laquelle trône une grange à l’aspect fort hospitalier. Ils sont bien évidemment accueillis par le propriétaire des lieux, Pierre Ducros. Devenant fermiers le temps de l’escale, la joyeuse bande d’amis va découvrir les secrets de la terre et de la maçonnerie...
Ce sont 32 pages appelées Judex. Judex comme matrice, comme matrice à faire des choses dites « choses de Judex ». De la machinerie Judex, faire des Judex.L.L de Mars a dessiné 32 pages muettes, et invité plusieurs auteurs à ré-agencer ces planches et à combler les phylactères vides pour constituer un récit. Cette démarche s'inscrit dans les pratiques poétiques à contrainte, comme celles qui animent l'OuBaPo ou qui adviennent dans le cadre du festival Pierre Feuille Ciseaux auquel L.L de Mars a participé plusieurs fois. Les propositions des contributeurs qui ont accepté de jouer le jeu relèvent du récit purement narratif, du discours poétique, du détournement ou de la parodie.Toutes les histoires nées de la matrice Judex sont autonomes, et peuvent être présentées séparément ou concerter en pialant.
Ingrédients : des baskets, un MP3, Pergolese, une dette, un couteau, un larcin, un juge, la télévision, la paella al pimenton, un poivron de trop, un portable de trop, un centre commercial. La première BD hip hop de William Henne et François Olislaeger (et de la 5ème Couche) nous montre où peut mener, parfois, l'emboîtement des circonstances et des personnes.Remontant d'une situation absurde à ses causes logiques et inéluctables, La Régression est une fable à la fois grotesque, banale, extraordinaire et réaliste. On reconnaît la façon de construire un récit qu'affectionne tant Henne, qui ne se lasse pas de déplacer la chronologie des évènements. Et comme toujours, si tout s'inverse et tout régresse dans le dispositif narratif, c'est pour mieux représenter.Un récit en prise avec le réel (son dessinateur met un point d'honneur à dessiner tout sur le vif) où l'intrigue nous éclaire sur les petites misères du monde, sur les tares et les conflits dérisoires de la vie moderne.
En 44 pages d'un noir et blanc implacable et saisissant, L.L. de Mars nous relate la plus terrible des Histoires, la plus juste aussi, celle qui vit l'émergence du pouvoir qui nous submerge aujourd'hui. Pour ce faire, Docilités entrecroise les récits en une exigeante et subtile conjonction :Une histoire de la famille Waltz, dont les générations se succèdent aux fourneaux Mesilor en autant de rituels meurtriers ; une histoire des images, par lesquelles nous aurions pu nous croire payés de profondeur dans les fresques du Palazzo Pubblico de Sienne, mais dont le vrai sacre triomphe au XXIe siècle à Disneyland ; une histoire des consciences, qui s'ouvre sur un choix tutélaire désastreux dont nous ne finissons pas de subir les conséquences ; une histoire des corps enfin, représentés, analysés, dressés et saignés. Au coeur d'un désarroi si profond que même nos morts en sont la proie, réside néanmoins une parcelle d'espoir :Que chacun reprenne sur le champ possession de sa vie. Mais cela nous est-il, aujourd'hui, encore possible ?
Récit non-linéaire de petites histoires quotidiennes de tout un chacun, Les Gris colorés est une série d'histoires courtes et de dessins mettant en rapport les sensations des personnages avec des couleurs afin de mettre en évidence la signification émotionnelle de chaque situation. Ces gris colorés sont une source sur notre nature d'homme et de femme dans notre société contemporaine.Le langage des bulles y est quasiment absent, comme pour mieux laisser place à celui de la couleur, au dialogue entre contour et surface.Se dégageant de la perspective et de la représentation de l'espace, Victor Hussenot donne la part belle au ressenti de ses personnages. Mettant la forme au service du fond, assumant le vide au profit du plein, il se débarrasse de la case et de la bulle, jouissant ainsi de l'espace de la planche. La séduction immédiate que procure la couleur, faisant écho au blanc de la page et aux contours net de son trait, confère au livre son accessibilité et sa facilité de lecture.Cette nouvelle édition est augmentée de 8 pages.
Depuis des années, Henne note sur un carnet les quelques rêves dont il parvient à se souvenir et qui lui semblent constituer matière à adaptation. Il en adapte ici une dizaine. Avec leur logique si particulière, ces récits contés par le sommeil évoquent le grotesque et la violence de l'intime. Le héros est tantôt dans la peau d'un éditeur pour qui la confection d'un livre devient un casse-tête chinois, tantôt dans celle d'un médecin qui ne sait pas pratiquer la médecine, ou encore dans celle d'un enfant de cinq ans... ces histoires connaissent toutes la même fin, le réveil, qui dénoue les contradictions et met un terme à l'angoisse générée. À chaque rêve, un style différent : acrylique, aquarelle, fusain, crayon, plume, vecteur (à la manière d'un mode d'emploi), noir et blanc, bichro, quadri... un traitement de l'image aussi variable que la fantaisie des rêves qui semblent, malgré leur incongruité, toujours évidents aux yeux de ses acteurs. Son univers trouble s'échafaude en contrastes et en nuances, et emmène son alter ego de papier, comme son lecteur, aux abords d'un monde désenchanté.
Dans ce quatrième récit, nous suivons toujours les péripéties de Mr Espoir, personnage atypique niché dans un coin de campagne finnoise. Cet histoire renoue avec les deux premiers tomes de Mr. Espoir, puisque nous voilà replongé dans la vie quotidienne et morne de notre héros. L'histoire démarre comme un mauvais rêve : la chérie de Mr Espoir a disparue. On suit alors la quête désespérée de Mr Espoir pour retrouver sa dulcinée. À ses yeux, cette traversée devient un véritable parcours du combattant mais qui semble déjà vaine. Et puis tout d'un coup, nous retombons dans la banalité du quotidien de notre héros. Sur décor bucolique, on voit les feuilles qui s'envolent, la neige qui tombe, le temps semble long et rien ne semble se passer. Voilà à quoi ressemble la vie de Mr Espoir. Comme à l'habitude, le récit fonctionne comme une machine philosophique et métaphysique sans perdre sa dimension sensible : cette fois-ci, on a l'impression d'être en plein voyage shamanique, sous ayahuasca, à la recherche de ses craintes et de ses désirs.
Qui n'a pas entendu parler de l'affaire Katz, du nom de ce livre, détournement du Maus de Art Spiegelman, qui fit l'objet d'un procès en contrefaçon puis d'une destruc-tion par le pilon devant huissier ?Katz avait, par une opération simple et systématique, proposé une nouvelle interpréta-tion et une relecture de Maus : toutes les têtes des différentes espèces avaient été remplacées par des têtes de chat. Comme Art Spiegelman avait publié MetaMaus, avec un dvd-bonus, pour revenir sur la genèse et les prolongements de Maus, La 5e Couche revient sur la genèse et les suites de Katz en publiant MetaKatz, avec un disque vinyle en bonus.Metakatz est l'acte qui constituerait la clôture de Katz. Clôture, qui n'en serait pas une, d'un acte qui pose questions mais qui n'existe plus et ne peut plus exister, Katz ayant été détruit. Il s'agit de faire l'acte théorique et critique, autorisé celui-là, qui pérennisera ces questions importantes, celles qui ont été explicitement posées et les autres, tant sur le plan juridique qu'artistique. Metakatz revient sur l'histoire du droit d'auteur et de ses exceptions (parodie, citation, pastiche...), sur l'histoire de l'art du détournement, du collage et du sampling (ancienne comme l'art), et sur les néces-saires évolutions du droit et de la création à l'ère numérique.
Les personnages de cette histoire attendent un train qui n’arrive pas. Pour certains d’entre eux, cela fait des années. Une galerie de personnages s’entrecroise dans le hall monumental d’une gare aux allures de cathédrale, qui pourrait être Anvers ou une gare qui lui ressemble, pas loin d’un port et à côté d’un zoo : le chef-contrôleur, qui s’arroge un pouvoir tyrannique sur les voyageurs, le bagagiste indiscret, le journaliste et rédacteur en chef de La gazette de la Station, le courtier en assurance, le clown, le contrôleur retraité, le barman, la prostituée, le contrôleur stagiaire, le prêtre, le peintre, etc. Jan, un jeune marin, s’éprend de Mona, la fille du chef-contrôleur. On échafaude des théories sur l’état des choses, l’attente interminable, le despotisme du contrôleur, l’arrivée d’un train, un jour, etc. Les personnages sont enfermés dans leur fonction, comme les protagonistes d’un spectacle de marionnettes.La Station est un système économique et social à ce point cohérent que ses habitants croient dépendre de son existence. Ils l’ont en tout cas adopté. Par conséquent, ils y tiennent et la venue même du train tant espéré serait une forme d’Armageddon. C’est une société en miniature. C’est aussi une image mentale très forte, dont dépendent psychologiquement certains voyageurs. Jan tente de remettre en question ce système. Comment contester ce qui ne repose sur rien mais à quoi tous se sont adaptés ?
Cette réédition est une version augmentée de 20 pages des versions parues en 2010 et 2013. Sur les pas de Samuel est un livre étrange et beau qui nous invite, en compagnie d'un curieux ectoplasme blanc, à traverser les strates du temps, de la matière et de la vie. Ce voyage aux limites de la raison, de la couleur et de la lumière, ce livre hanté par la création est une pièce unique, un oeil mystique et inspiré qui vous irriguera de rêves d'une insondable beauté. En quelques pages, il installe un univers fascinant qui happe aussitôt un lecteur libre de son interprétation, d'autant plus que Samuel est inexpressif. Les teintes vives et douces, légères, aériennes et très contrastées, nourrissent une fantaisie psychédélique envoûtante, l'album baignant constamment dans une contemplation désintéressée du monde propice au recueillement et à l'ascèse. Métaphore du paradis perdu, décor d'une quête généreuse et tranquille, le monde de Samuel est versatile, anachronique et d'une plasticité à la mesure de l'oeil curieux et alerte, celui de Samuel qui se confond évidemment avec celui du lecteur.Sans oublier une pointe d'ironie noire et moqueuse, toujours là pour nous rappeler la cruauté du monde et la vanité de l'art. Mais, par un joli pied de nez visuel, Musturi refuse d'y sombrer en faisant voyager son héros libre, insouciant et imperturbable, dans un monde édénique via une sublime esthétique du rêve portée par des couleurs chatoyantes.
VSAdH/EdWB/IpAN signifie Variations Sur l'Ange de l'Histoire / Essai de Walter Benjamin / Inspiré par Angelus Novus, (un Dessin de Paul Klee).Il existe un tableau de Klee qui s'intitule Angelus Novus. Il représente un ange qui semble avoir dessein de s'éloigner de ce à quoi son regard semble rivé. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées. Tel est l'aspect que doit avoir nécessairement l'ange de l'histoire. Il a le visage tourné vers le passé. Où paraît devant nous une suite d'événements, il ne voit qu'une seule et unique catastrophe qui ne cesse d'amonceler ruines sur ruines et les jette à ses pieds. Il voudrait bien s'attarder, réveiller les morts et rassembler les vaincus. Mais du paradis souffle une tempête qui s'est prise dans ses ailes, si forte que l'ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse incessamment vers l'avenir auquel il tourne le dos, cependant que, jusqu'au ciel, devant lui s'accumulent les ruines. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès. Walter Benjamin, Thèses sur la philosophie de l'histoire. Le chant de Pedro Moura décrit le panthéon des anges, une description pour chaque ange. Il s'en dégage une description de l'homme, de tous ses caractères. Une description fabuleuse et poétique de la créature dans la dévastation du monde, le vent dans les ruines. Le texte est mis en images par Ilan Manouach (Katz, Limbo, Frag, Les Lieux et les Choses...) dont les illustrations brillantes et violentes amplifient la scansion du poème.
Tout le monde veut connaître le Secret. La méfiance règne. Accéder au Secret relève de l'ascension sociale. Changer de condition sociale donne accès au Secret, le Secret conforte ce changement de condition sociale. Conserver le Secret assoit le pouvoir de son détenteur et le maintient dans sa position de domination. Gilles, nouvellement coopté dans la confrérie des détenteurs du Secret, fait son apprentissage dans la sphère très fermée de ce club de privilégiés, inaccessible au commun des mortels. Il découvre les mécanismes qui sous-tendent la violence dans les rapports sociaux. L'un des membres de cette corporation d'élus l'exprime simplement : Il n'y a pas de fortune sur Terre qui pousse sur autre chose que des corps d'infortunés.Le Secret incarne la part ésotérique de la lutte des classes. Le coopté est transfiguré, s'animalise, devient méconnaissable aux yeux de ses anciens congénères de basse extraction. Le secret est une drogue qui ne drogue que les autres. Se pourrait-il que nous, pauvres diables de lecteur, nous puissions avoir accès au Secret grâce à ce livre ?L.L. de Mars signe ici une fable/farce politico-sociale féroce, et fait la part belle à l'expressivité picturale de son dessin en tirant parti de toutes les possibilités expressives de sa discipline pour rendre la violence et la cruauté de son récit : collages, encres, crayons, pastels dans une explosion de couleurs, de matières et une mise en page décomplexée. Les cases se décloisonnent, les visages s'estompent, la couleuret les figures circulent librement dans les planches et se contaminent.Les cases se décloisonnent, les visages s'estompent, la couleur et les figures circulent librement dans les planches et se contaminent.