Lorsque le maître du manga, Osamu Tezuka, donne naissance au personnage d'Astro en 1952, il s'inspire du célèbre roman de Collodi, Les Aventures de Pinocchio. Mais le destin du petit Astro est bien différent du pantin de bois, la féérie semblant remplacée par la science-fiction. Rejeté par son géniteur (le Dr. Tenma, chef du Ministère de la Science), vendu à un cirque, il est sauvé par un vieux scientifique idéaliste qui l'élève comme une interface prônant l'harmonie entre les hommes et les machines, mais aussi comme un héros, défenseur des humains contre les robots devenus fous.Pris entre deux mondes, Astro ne peut trouver le sien.Simulacre d'humain, créature inachevée, orphelin ultime condamné au syndrome de Peter Pan, Astro ne serait-il pas le dernier des Garçons Perdus ?
« En sélectionnant et en présentant les documents proposés dans ce livre, nous avons cherché à donner une idée de la richesse de l'image humoristique en Angleterre, en France, en Allemagne et aux États-Unis - une culture dont William Hogarth fut le grand précurseur au XVIIIe siècle. Pour comprendre l'évolution des formes séquentielles qui ont fait le lit de la bande dessinée moderne, leurs interactions constantes avec des formes concurrentes dont nous ne soupçonnons plus l'existence doivent être prises en compte. Les «raisons d'être» des histoires séquentielles sont multiples, et elles ne deviennent intelligibles que si l'on tient compte des solutions alternatives qui se présentaient à ces dessinateurs.Il faut dire que la variété des expériences menées tous azimuts par les artistes humoristiques, dans ces pays et durant cette période, met à mal toute classification et suggère au contraire l'idée d'un véritable continuum. Du rébus au roman en estampes à la Töpffer, de la caricature politique à l'illustration romanesque, du feuilleton dessiné aux «macédoines» thématiques, les illustrateurs professionnels travaillant pour le ivre et la presse au XIXe siècle prennent un malin plaisir à générer des formes hybrides et à ne laisser aucun genre intermédiaire inexploré.Dans ce paysage décidément bien éclectique, on comprendra qu'il ne soit pas possible de fixer a priori - c'est-à-dire axiomatiquement - les limites de notre corpus. Il ne s'agit pas non plus d'aborder ces productions comme des approximations ou des tâtonnements qui tendraient peu à peu à se rapprocher de la seule forme réellement pertinente - la bande dessinée familière et transparente du XXe siècle. Nous nous proposons de les voir, au contraire, comme des formes dynamiques qui explorent avec audace leur propre espace de possibilité. Elles se rapprochent en cela des productions qui depuis une vingtaine d'années prolifèrent aux frontières du genre «bande dessinée» dans nos librairies.À l'instar de nos auteurs les plus inventifs, les créateurs marquants du XIXe siècle aimaient, en effet, l'ironie et la prise de risques : ils innovaient, tout en revisitant souvent des modèles qui apparaissaient archaïques ou dérisoires aux lecteurs de l'époque. Pour donner corps aux pressentiments que leur inspiraient les transformations du temps - le progrès industriel en particulier - ils faisaient feu de tout bois. Chris Ware, aujourd'hui, ne procède pas autrement quand il emprunte aux origines du cinématographe, aux funnies et aux réclames des années 20, aux diagrammes didactiques des années 50, les bribes d'un langage polyphonique qui lui sert à décrire l'Amérique contemporaine. Ce dialogue entre la «préhistoire» de la bande dessinée et les formes les plus innovantes qu'elle prend aujourd'hui est l'une des justifications de cet ouvrage. » Thierry Smolderen
Un homme, en quête de son passé, à la recherche d'un rêve d'enfant, voyage douloureux et définitif en forme d'exorcisme pour trouver la paix et le bonheur ; deux jeunes femmes curieuses et volontaires ; un violoncelliste, poète et serein, un peu fou ; l'astronome résident du Pic du Midi, mystérieux, clairvoyant ; deux enfants sur les toits de la cathédrale de Strasbourg : tous convergent, parfois sans le savoir, vers l'aube rare et matinale du rayon vert. « C'est que ce rayon » dit Jules Verne « a pour vertu de faire que celui qui l'a vu ne peut plus se tromper sur les choses de sentiment ; c'est que son apparition détruit illusions et mensonges ; c'est que celui qui a été assez heureux pour l'apercevoir une fois, voit clair dans son coeur et dans celui des autres ».
Préfacé par Albert Algoud, l'ouvrage de Dominique Cerbelaud et Olivier Roche constitue un guide indispensable, non seulement pour les spécialistes, mais aussi pour un large public désireux de s'initier aux différents aspects de la saga tintinesque ou de découvrir l'un des plus grands auteurs de bande dessinée du XXe siècle. Nul doute en effet que chacun y trouvera le livre dont il a besoin, la curiosité à découvrir, le titre à offrir en cadeau.Voilà donc une publication qui sait joindre l'utile à l'agréable, et qui séduira tous les jeunes de 7 à 77 ans
Ami de Jacobs et d'Hergé, peintre prolifi que, Jacques Van Melkebeke a signé de nombreux articles pour la presse collaborationniste belge sous l'Occupation. À la Libération, contraint à l'anonymat, il fut le premier rédacteur en chef du journal Tintin et le scénariste de Paul Cuvelier comme de Jacques Laudy. Certains le prétendent à l'origine des meilleurs scénarios de Tintin et Blake et Mortimer ; d'autres lui prêtent une foule de faits et méfaits. La réalité est à la fois plus complexe et plus romanesque. Première biographie du « clandestin » de l'école belge et passionnante contribution à l'histoire de la bande dessinée, ce livre est réédité pour la première fois depuis sa parution en 2002, augmenté de nouveaux documents d'archives.
Le 15 octobre 1905 commençait à paraître dans la presse américaine une bande dessinée qui allait révolutionner le monde de la narration par l'image : Little Nemo in Slumberland. Winsor McCay, qui fut aussi un des pionniers du dessin animé, a créé avec son petit Nemo un personnage tout aussi attachant que l'Alice de Lewis Carroll. Par la qualité, voire l'audace de ses dessins, par la subtilité de sa réflexion sur le monde du rêve, Little Nemo reste un exemple inégalé. Pour beaucoup d'auteurs et de critiques, il s'agit même de la plus belle bande dessinée de tous les temps. L'oeuvre de McCay restait pourtant peu étudiée et médiocrement éditée. Alternant études des meilleurs spécialistes de la bande dessinée et hommages des plus grands auteurs, cet album voudrait profiter du centenaire de Little Nemo pour lui donner enfin sa vraie place.
Georges Remi est mort le 3 mars 1983. Mais 30 ans plus tard, Hergé est encore bien vivant. J'entretiens avec lui un dialogue qui ne s'est pas arrêté depuis qu'il a quité notre bonne vieille terre. Cette lettre est une façon de rendre public cet échange avec un artiste hors pair, qui est moins un fantôme qu'une ombre bienfaisante. Loin d'avoir terni l'éclat de Tintin, le récent film de Steven Spielberg l'a fait découvrir à une nouvelle génération de lecteurs. Un nouvel avenir se laisse entrevoir pour le héros d'Hergé. Que ce soit à travers les 22 albums canoniques ou à travers des films qui prendront graduellement leur distance face aux aventures originelles, Tintin est en passe de devenir un mythe. Ce sont ces bonnes nouvelles que ma lettre vise à transmettre à Hergé. J'en profite pour lui parler de ses personnages et lui proposer une interprétation d'un succès qui ne s'est pas démenti depuis plus de quatre-vingts ans. Jean-Marie Apostolidès
Tintin n'est pas le personnage conventionnel et froid, humaniste et chrétien, misogyne et réactionnaire que l'on décrit souvent.On manque le génie de tintin si on le réduit à un sage porte-parole des codes moraux et politiques de son temps, mais on se trompe aussi si on ne voit en lui qu'un prodigieux lecteur des codes des autres. malgré les apparences, tintin ne décode pas la chine, les incas, le tibet, l'amérique... les codes quels qu'ils soient, vénérables et anciens, excitants et modernes, ne lui suffisent pas. il passe à travers.C'est cela qui explique ses délires, son attirance pour la folie, ses moments oniriques considérés comme réels. quand tintin hallucine, comme sur l'île de l'étoile mystérieuse, c'est pour brouiller tous les codes symboliques : l'eden, robinson, noé, le champignon phallique, le spectre de la bombe h, l'araignée-mère, etc. et cela n'est pas sans risque... il manque d'y rester, d'y perdre la raison et la vie.Et voilà pourquoi, dans le sens très précis que deleuze et guattari donnaient à ce mot, l'on peut qualifier tintin de schizo .
CONVERSATIONS AVEC JACQUES SAMSON Un auteur de bandes dessinées n'est pas fait que de bandes dessinées ; c'est ce dont atteste la variété des travaux graphiques, des rencontres, des affinités, des expériences, des propos que vous trouverez dans cet ouvrage. Il illustre l'appétit qu'a Emmanuel Guibert, l'auteur du Photographe, de La guerre d'Alan, d'Ariol et de nombreux autres livres pour petits et grands, de créer en bonne compagnie.
Chenda se rend pour la première fois au Japon en 2004. Immédiatement séduite par Frédéric et par le pays du Soleil levant, elle y voyage à plusieurs reprises. Si l'amour qu'elle porte à son nouvel amant est réciproque, il n'en est pas de même, hélas, avec son nouveau pays d'adoption. Procédurière jusqu'à l'absurde, l'administration transforme ses séjours en calvaire bureaucratique. Derrière les déboires de Chenda avec les services d'immigration nippons, c'est aussi une histoire plus globale qui se dessine. Le Japon n'est pas le seul pays à traiter ses étrangers avec méfiance et de manière arbitraire...
Un monde de désir et de fantaisie, quelque part entre Henry Miller et Fantômette... Elles sont belles, épanouies, nonchalantes et légères : deux jeunes femmes passent une nuit de veille à se raconter des histoires. Des histoires à faire peur, des histoires à s'émoustiller, mais surtout des histoires étranges. La nuit devient une promenade dans les aires de recoupement entre incongruités du quotidien et banalités de l'imaginaire. Les souvenirs partiellement oubliés, les rêves tenus pour réalité, les fausses inventions, les déclarations masquées et les fantasmes inavouables créent un beau dialogue amoureux, au ton neuf, érotique et intrigant (et avec l'accent québécois !)
« Je vous assure que je ne comprendrai jamais le succès de Tintin. Pour moi, il doit y avoir, au départ, un malentendu. », avouait Hergé. Plus de trente ans après sa mort, le succès de Tintin perdure. L'universalité de son audience n'est plus à démontrer, avec une traduction en plus de cent langues. Mais s'est-on vraiment interrogé sur les raisons de ce succès, par-delà la reconnaissance de l'immense talent du dessinateur et scénariste belge ?La littérature savante et critique autour de Tintin est pléthorique (biographies de l'auteur, interprétations psychanalytiques, analyses socio-politiques, décryptage du contexte historique). Renaud Nattiez prend le parti de suivre une autre démarche, qui s'appuie sur le contenu même de l'oeuvre d'Hergé.
Au premier abord, tout semble opposer le monde créé par Brassens à travers quelque 300 chansons et celui où évoluent Tintin et ses compagnons au long des 24 albums. L'univers des chansons est rèvé, légendaire, celui des Aventures est concret, comme une copie du réel. La poésie et la folie planent sur l'oeuvre du premier tandis que le petit reporter est immergé dans l'action. Brassens est un spectateur distancié, Tintin un aventurier engagé.L'un, amoureux des femmes, parle cru, l'autre, asexué, ignore le désir. Anticonformisme et anticléricalisme d'un côté, valeurs boy-scouts chrétiennes de l'autre. Et pourtant... Ces deux créations majeures du XXe siècle séduisent des publics communs. Est-ce seulement dù à l'immense talent de leurs démiurges ou à leur contemporanéité - 1921-1981 pour Brassens, 1907-1983 pour Hergé - qui suffirait à engendrer une connivence générationnelle et culturelle ? Ce livre démontre qu'une telle explication ne suffit pas : il existe des analogies, voire des affinités entre ces oeuvres apparemment si dissemblables.Contrairement à ce que pourrait laisser penser une approche superficielle, les philosophies de vie des personnages mis en scène par Georges Brassens et Georges Remi sont loin d'ètre incompatibles. Grâce à une analyse approfondie des récits du poète sétois et du dessinateur belge, Renaud Nattiez met en évidence des correspondances surprenantes, des similitudes insoupçonnées. Deux mondes parallèles, au double sens du mot : ils ne se confondent pas, ils ne se rejoignent pas, mais ils évoluent dans la mèmc direction comme si, au fil des ans1 Brassens s'était rapproché de Tintin et Tintin de Brassens.Renaud Nattiez est né entre Mouhnsart et Sète, lorsque Tintin s'apprétait a marcher sur la Lune et Brassens à enregistrer son premier disque. Le premier lui a donne le gout de l'ailleurs, le second celui du jeu avec les mot, de la langue française. L'auteur a publié Le Mystère Tintin (2016), Le Dictionnaire Tintin (2017), Les Femmes dans le monde de Tintin (2018). Ancien élève de l'ENA, ex-diplomate, il est docteur en économie.
Être Barbarella, c'est être femme libre et indépendante, émancipée et aventurière, séduisante et fascinante, pleinement inscrite au coeur des sixties.Dessinée par Jean-Claude Forest dès 1962 à partir de la plastique de Brigitte Bardot, incarnée par Jane Fonda pour la caméra de Roger Vadim en 1968, Barbarella brise les tabous comme les images stéréotypées de la pin-up.Fille de l'espace, elle est aussi une fille de son temps, qui traverse les problématiques contemporaines :L'éthique et l'érotique, l'antispécisme et le transhumanisme, l'urgence écologique et la critique des modes de gouvernance. Ambassadrice de la paix, Barbarella fait l'amour plutôt que la guerre ; sa conquête spatiale est celle du plaisir, son odyssée, sauvage et impromptue, ouvre le champ de tous nos possibles.
Des carnets qui deviennent par surprise une autobiographie... Les aventures. Planches à la première personne nous font entrer dans la vie de Jimmy Beaulieu, de 1998 à aujourd'hui. De Québec à Montréal, de la librairie Pantoute au Festival d'Angoulême, Jimmy Beaulieu dessine ses rencontres avec des filles de rêve (avec qui il ne sepasse rien), ses doutes, sa passion pour la bande dessinée, sa conscience politique qui s'aiguise, ses souvenirs familiaux... Au terme de ces Aventures, on aura rencontré un artiste et vu un jeune homme devenir – presque – un adulte. On aura aussi l'impression d'avoir écouté un ami nous parler de désir, d'amour, de fortune et d'infortune, de jeunesse, de mort, d'errance, et de la douce ivresse d'être vivant.
Joann Sfar domine le paysage de la création contemporaine en bande dessinée.Le Chat du rabbin, Petit Vampire, Pascin, Donjon, Klezmer sont quelques-unes des oeuvres phares d'un auteur qui ne cesse d'écrire, pour lui-même ou ses complices (David B, Emmanuel Guibert et Lewis Trondheim entre autres). Sfar est aussi réalisateur de films, directeur de collection chez Gallimard et commissaire d'exposition (Brassens à la Cité de la Musique). Dans ce livre de conversations, Thierry Groensteen l'interroge méthodiquement sur sa vie et son oeuvre et, en grand spécialiste de la bande dessinée, le fait inlassablement parler de sa passion : le dessin. Richement illustré, ce livre à deux voix deviendra vite indispensable à tous ceux qu'intéresse l'une des oeuvres les plus riches de notre temps.
Personnage androgyne et comme sorti de nulle part, Tintin est devenu au fil des ans un héros mythique. Il a permis à Hergé d'explorer des mondes hostiles et d'y emmener ses jeunes lecteurs. Lieu de mille projections, Tintin est la figure à laquelle chacun peut s'identifier, sa pureté lisse rendant possible toutes les incarnations. Son corps reste indestructible sous les attaques, son esprit lui permet de se tirer des situations les plus périlleuses.Après Les Métamorphoses de Tintin, l'une des meilleures références sur le sujet, Jean-Marie Apostolidès mène ici une enquête approfondie qui bouleverse toutes les idées reçues sur l'univers d'Hergé. Il renouvelle en profondeur notre vision du personnage de Tintin et de son auteur, en nous donnant des clés textuelles, biographiques et psychanalytiques pour mieux comprendre l'identification durable à ce personnage en apparence simple et consensuel.
« Dans cet hôtel, il doit y avoir plusieurs centaines de chambres. Entre le hall et celle que j'occupe, j'ai compté pas moins de vingt-cinq portes. Mais ce nombre est variable, tantôt supérieur, tantôt inférieur. Sans parler de tous ces escaliers et de tous ces couloirs dont on ne voit jamais le bout. Qu'importe, une vingtaine de chambres noires suffisent amplement à les noyer dans le doute et à m'accorder un sursis, une chance de plonger à terre et d'ouvrir le feu le premier. »En attendant ses démons pour le règlement de compte final, le narrateur échappe à ses cauchemars en s'immergeant dans des fragments de séries noires imaginaires.Après ces deux chefs-d'oeuvre du roman graphique que sont La Cage et L'Enquêteur, Martin Vaughn-James nous emmène dans un troisième labyrinthe. À travers une fine et dense succession d'images et de mots, il nous plonge dans la mémoire onirique de nos propres chambres noires.
Je n'ai pas fait le japon. Après quinze années d'un séjour quasi ininterrompu, je suis au japon sans y avoir rien vu. Je ne me suis jamais offert les services d'une geisha et n'ai croisé aucun samouraï, je n'ai pas assisté à la parade du mariage princier et l'extrême droite nippone a négligé de m'insulter, je n'ai pas visité le temple d'or de Kyôto et ne me suis pas plus approché des cerfs de Nara,je n'ai passé aucune nuit dans un hôtel capsule ni aperçu un seul pousseur dans le métro de Tôkyô... Mais il y a pire, l'incompréhensible, l'inexcusable négligence, j'ose à peine l'avouer : je suis au japon sans avoir vu le Mont Fuji ! Que vont penser mes anciens amis de Nancy, eux qui parvenaient, chaque été et avec quel brio, à visiter toutes les choses indispensables d'un pays, en un mot à le faire ? Ainsi Michel qui, en juillet 1987, avait fait la Thaïlande, ou ce vieux Roger, à qui il n'avait pas fallu plus de trois semaines pour faire la Chine ! Voilà bien un souvenir, celui de mes chers amis, qui m'invite à l'humilité, peut-être au regret : non, décidément, je n'ai pas fait le japon.
Fin de la première journée.Il n'est pas venu. J'essaierai encore demain : peut-être viendra-t-il, ne serait-ce que pour défier la loi des probabilités. Je le vois déjà, avec son feutre, debout dans son imperméable, comme sur les photos, le col relevé, le dos à l'objectif, cloué au bout de la jetée comme une paire de jumelles sur leur socle, fixant l'horizon lointain comme si plus rien d'autre n'existait. Oui, exactement ainsi, le chapeau baissé sur le front, la tête tournée, répétant sans cesse les mêmes phrases brèves et incompréhensibles, qui finiront par le rendre malade et qui bourdonneront dans ses oreilles comme un dernier roulement de tambour.Il y aura un bruit de pas derrière lui, le contact glacé d'un canon noir contre son cou et pari - une maudite éclaboussure en travers du ciel. Les vagues viennent se briser, dans une monotonie lugubre, le long du sombre littoral. Par-delà les derniers pilotis noirs de la jetée, le ciel et la mer se confondent derrière un rideau de pluie grise. L'air salé, les algues, le crissement des galets sous les pas, l'inévitable cri des mouettes - tout y est, je suis chez moi.Vers l'intérieur, dans les quartiers est de la ville, le crépitement des armes automatiques décroît, s'éteint. Demain, je reviendrai.