Le Cirque de Gus Bofa, réalisé en gravure sur bois, est édité en 1923. Tiré à 448 ex., Le Cirque vise la clientèle des bibliophiles qui ne jurent que par les procédés « nobles » tels le bois et le cuivre et voit apparaître le fameux vert Bofa qui signera par la suite les livres dont il est à la fois auteur et illustrateur, de Malaises jusqu'à La Croisière Incertaine. Bofa y partage l'humanité entre les filous qui agissent et les dupes qui subissent. Le « comique macabre » qui imprègne les planches du Cirque doit beaucoup à Alfred Jarry, inventeur de la pataphysique, à qui il emprunte aussi la graphie et le dépouillement scénique. Un panneau suffit à planter le décor : un train miniature représente tout un chemin de fer, un huissier suggère les palais de la République. Le Cirque dresse le bilan clinique de « cinq années de paix victorieuse », les profiteurs de guerre profitent, les mutilés mendient et le gouvernement bat l'estrade : rationnement, incurie de l'État, crise du logement, corruption de la classe politique et de la presse, rien n'a vraiment changé avec la fin de la guerre.Ce constat désabusé englobe largement le genre humain. Stupides, crédules, cupides, les clowns du Cirque se bousculent vers des désastres annoncés avec un entrain maniaque. Le crayon de Bofa donne vie à des moignons d'humanité et provoque un certain malaise. Le ton peut sembler amer, cruel, voire misanthrope, mais Gus Bofa se contente de renvoyer au public son propre reflet.
3 pas dans la pagode bleue est une fable : Au Cambodge, de nos jours, un couple en escapade sur une rivière fait la découverte d’une pagode en bois toute de bleue peinte. Mais cette rencontre en révèle une autre… Séra rend hommage au peintre cambodgien Vann Nath immortalisé par le cinéaste Rithy Panh dans son documentaire : S 21, La machine de mort Khmère Rouge (mainte fois primés dans des festivals internationaux). Vann Nath est un des rares survivants de cette prison emblématique de la folie meurtrière des Khmers Rouges : S 21. Séra et Vann Nath avaient collaborés ensemble dans un programme artistique L’atelier de la mémoire qui s’était déroulé au centre Bophana à Phnom Penh en juillet 2009 et janvier 2010.Vann Nath était plus qu'un survivant de S21, il était le peintre le plus signifiant du passé récent et particulièrement tragique du Cambodge. Il était l'incarnation de la vie même dans ce qu'elle avait de plus harmonieuse, de plus apaisée aussi. Séra a commencé l'écriture des 3 pas dans la pagode bleue, peu de temps avant que Vann Nath ne tombe dans le coma. En septembre dernier, le Cambodge a perdu un témoin essentiel et une âme exceptionnelle.
Sarry Long, alias Sfumato, se passionne pour l'image depuis l'enfance en découvrant les comics books et le travail d'artistes tels que Frank Frazetta, John Buscema, Barry Windsor Smith, etc. Avec un diplôme d'illustration en poche obtenu suite à ses études à l'École Estienne, il sera happé par une carrière de graphiste dans le cinéma, le disque, la publicité, l'image animée, et compose également des musiques de films. Illustrateur de couvertures de romans (SF & fantasy, James Bond, Clive Baker), et du Cycle des Épées (de Fritz Leiber...), il continue d'explorer les voies ouvertes par ses différentes références graphiques : elle(s) se prénomment Clara, Betty, Sylvia, Zoe, Tania, Doris, Liz, Elvira, et tant d'autres...
Nous avons passé pas mal de temps à Drouot, la salle de vente de la rue de Richelieu, à Paris.Il y avait Chaland qui y achetait des meubles design sixties rouge inouïs, Avril et Götting, et, parfois Berbérian... Après la mort de Chaland en 1990, nous avons continué à y aller. Nous habitions tous pas loin, il suffisait de dégouliner les pentes de Montmartre, fonçant coudes au corps, pour nous retrouver écumant les salles d'exposition. L'oeil s'éduque en regardant, certes, les chef-oeuvres, mais aussi les mauvais tableaux.Drouot regorge des deux, une vraie caverne d'Ali Baba, avec des empilements de meubles, de vins fins, de tapis, d'affiches de collection, de gravures, de livres illustrés par Gus Bofa ou George Grosz. C'est d'ailleurs ma période George Grosz. Les têtes de mes personnages sont énormes. C'est normal... Jusqu'en 1996, j'ai accumulé plus de trois cents pages d'études et de recherches inspirées par le lieu et le thème plus large du milieu artistique et de la peinture.A la même époque j'ai aussi encré les dessins présents dans ce livre. La plupart sont inédits. Certains d'entre eux ont été publiés dans des revues, comme The New Yorker, d'autres exposés en galeries, ou plus naturellement vendus aux enchères lors de ventes consacrées à des dessinateurs, à Drouot justement ! Serge CLERC.