La Terre a disparu ! C'est la triste vision dont est témoin Cosmo depuis le satellite où il est posté. Pourtant, peu après, la Terre semble avoir réapparu.Faux espoir : c'est autre chose qui a fait son apparition, et les instruments de mesure sont aussi formels que les résultats incohérents. La planète qui est désormais là, à la place de la Terre, est à la fois ronde et plate, solide et gazeuse.Précédé d'une mystérieuse cosmonaute, et en compagnie de Céphalée, ordinateur humanoïde, Cosmo va se poser sur cette énigmatique planète, pour s'embarquer dans une odyssée absurde, à la rencontre de créatures improbables dans des situations pleines de non-sens, tout ça sur une planète tout bonnement impossible...L'humour de Joseph Callioni est aussi ravageur que son trait est fin, et de franches idioties en purs moments de folie, il lui faudra l'agilité d'un acrobate surdoué pour que tout ça, comme par magie, retombe sur ses pattes.
Benny, ami de la vie mais ennemi de lui-même, a envie de sortir. Il a envie d’être beau, d’être bon, d’être amoureux. Pour ce faire, il se rend en boîte de nuit, bien décidé à tout casser, à être le roi de la piste de danse sous les reflets de la boule à facettes.Mais la réalité n’est pas telle qu’il l’aurait souhaitée.Benny est prêt à tout donner. En fait, Benny est prêt à tout.La chute n’en sera que plus dure.
On retrouve dans Mauvais Chemin tous les éléments du Frankenstein de Mary Shelley tel qu’immortalisé au cinéma par James Whale dans son Frankenstein et sa suite, La Fiancée de Frankenstein. Un serviteur bossu, un savant qui se prend pour Dieu, des monstres pathétiques, une foule armée de torches et de fourches, mais tout ça passé à la moulinette par Jason. Ni un simple hommage ni une énième parodie, Mauvais Chemin est avant tout une oeuvre singulière sur la solitude et la recherche de l’être aimé, et où sont présents les éléments fondateurs du travail de Jason : un humour ravageur, un doux sentiment de mélancolie enivrant et un art de l’ellipse tout simplement époustouflant.
Tout juste à l’orée de l’adolescence, Jon et Bjorn semblent baigner dans la plus pure insouciance. Bonbons trop sucrés ou acidulés, considérations sur le futur et les grandes personnes, blagues stupides et le Batman de Neal Adams sont les principales préoccupations de ces deux enfants ; tout irait donc pour le mieux s’il n’y avait pas ces affreux loubards décomposés… ou encore le regard d’Ingrid qui laisse Jon tout chose et paniqué… Seulement voilà, en une fraction de seconde, le pire arrive, un univers bascule, pas même le temps de dire « attends… » et il est déjà trop tard. Une vie est perdue et une autre changée… à tout jamais… Pour son premieralbum en français, Jason, auteur norvégien, nous livre une histoire en demi-teinte, passant d’une douce mélancolie au constat d’une existence brisée, prisonnière de souvenirs indélébiles et coincée dans une monotonie inextricable. Une oeuvre poignante et attachante. Une oeuvre unique.
Attention, grosse claque ! Julio, c'est tout à la fois un tour de force narratif éblouissant, et l'un des livres les plus forts, les plus poignants de Gilbert Hernandez. Sur 100 pages, Julio retrace la vie du personnage éponyme, de sa naissance à sa mort, de 1900 àl'an 2000. Ce sont donc 100 ans d'histoires et d'Histoire qui sont racontés en 100 pages, puisqu'à travers les personnages de Julio, c'est tout le XXe siècle qui est revisité.Grâce à sa maîtrise de l'ellipse et son talent consommé pour les récits fragmentés, Gilbert Hernandez nous promène tout au long de son livre par grands sauts temporels, et derrière le portrait de Julio, c'est celui de toute une communauté qu'il dresse, mais également celui de tout un siècle, à travers certains de ses événements majeurs, événements qui toucheront, directement ou indirectement, Julio et son entourage. Tout comme La Saison des Billes, Julio est un livre indépendant de l'univers élaboré par Gilbert Hernandez dans Love & Rockets, et l'on pense à Gabriel García Márquez lorsque l'on suit Julio et toute sa famille à travers plusieurs générations, faisant face aux quelques bonheurs et aux nombreux drames que peuvent offrir la vie. Une grosse claque, on vous dit !
Ça fait plus de dix ans maintenant qu'Ibn Al Rabin sème à tout va des pages dans de nombreux fanzines et revues, et il semblait pertinent de regrouper une grande partie de cette production plétorique dans un bon gros volume de la collection Fiel (dont c'est le but justement). Timides tentatives de finir tous nus est donc un recueil d'histoires courtes parues ici et là, et où l'auteur fait feu de tout bois: humour potache (mais de gauche), expérimentations narratives, chansons illustrées, roman photo, le tout dans le style minimaliste et redoutable qu'on lui connaît. Mises bout à bout, toutes ces pages prouvent à quel point Ibn Al Rabin a su creuser un sillon qui n'appartient qu'à lui, et démontrent également sa parfaite maîtrise de la grammaire propre à la bande dessinée.En confrontant ces planches éparses parues sur une dizaine d'années, on pourra également voir comment l'auteur a su faire évoluer son trait et son approche de la narration, se réinventant tout en restant fidèle à lui-même. On y lira donc une sélection de pages passablement rares, en noir et blanc et en couleur, le tout emporté par un ton et un humour versatile, parfois caustique, d'autres fois plus poétique, souvent absurde, et toujours ravageur.
Tout commence avec un vieux livre abîmé trouvé au fond d’un carton : un exemplaire rafistolé et maculé du Frankenstein de Mary Shelley. Tout en se promenant dans les rues de la ville, Eva et « la Petite » se racontent l’ouvrage, le replaçant ainsi dans son contexte d’origine et levant le voile sur certains des aspects méconnus du roman. Mais l’apparition du livre va agir comme un curieux révélateur sur les deux jeunes femmes, qui vont être mises malgré elles face à leurs doutes et leurs angoisses les plus profondes. D’un côté, Eva va se plonger dans un long rêve où elle va côtoyer la créature et disserter avec elle de la place de tout un chacun en ce monde. De l’autre, « la Petite » va se retrouver submergée par des souvenirs douloureux… des souvenirs qui révéleront comment elle aussi est devenue un « monstre »…
Dans ce Retour écrémé, Ibn Al Rabin nous raconte les ahurissants événements qui suivent le retour des morts sur Terre. Zombies, réalité ou imposture, amis ou ennemis ? Les frères Mansour, eux, y voient le moyen de fairetourner Marilyn Monroe pour pas cher… D’ailleurs, est-ce qu’un mort ça a encore des droits ? Et l’amour dans tout ça ? Que devient-il face à l’éternité ? Un bien étrange et surprenant ouvrage, tout simplement hilarant mais pas seulement, à ranger ( ou pas ) quelque part entre les films de George A. Romero et les poèmes de Baudelaire. Si si.
Cosimo n'est pas un jeune homme comme les autres : il parle très peu, réfléchit beaucoup et n'aime pas qu'on le touche. Celui que l'on surnomme Cosmo, à cause de sa fascination pour l'astronomie, vit dans son propre monde, bien qu'il ne semble pas y être tout-à-fait seul. Arrivé à l'âge de 15 ans, Cosmo décide de prendre la route pour un périple qui s'avérera, évidemment, des plus mouvementés.Si l'univers mental de Cosmo paraît compliqué, le monde « réel » auquel il va se trouver confronté n'aura rien de plus facile, puisque le voyage qu'il va entreprendre à travers l'Italie, petite odyssée périlleuse, va le propulser à travers des banlieues désolées et une campagne pleine de mystères, à la rencontre de chasseurs belliqueux, de marginaux de tout poils, et d'une nature tantôt hostile, tantôt complice.Récit initiatique par excellence, orchestré de main de maître par Marino Neri, Cosmo subjugue aussi bien par sa réussite formelle que par sa description d'un esprit (trop) sensible plongé dans une société tourmentée et violente. Tout comme Francesco Cattani ou Manuele Fior, Marino Neri fait partie d'une génération d'auteurs qui sait s'ouvrir à la modernité tout en affirmant sa filiation avec une certaine « école italienne ».
Rosemarie et Holger, un couple d'archéologues vieillissant, ont tout vu tout fait tout déterré. Pourtant une nouvelle et possiblement ultime fouille va les amener à faire de stupéfiantes découvertes, tendant à prouver l'existence d'une mystérieuse civilisation souterraine. Parallèlement, au même endroit, une jeune femme va se transformer en cobaye humain pour le besoin d'une expérience scientifique: comment se comporte le corps humain quand il se retrouve au fond d'une grotte, coupé des stimuli extérieurs, sans repère et sans soleil? Mais d'étranges créatures rôdent dans les grottes, et la confrontation risque d'être explosive.La Roche au Tambour se lit comme une comédie enlevée, rocambolesque et un peu folle, peuplée de personnages attachants et singuliers - et le très beau travail à la mine de plomb de Marijpol, qui flatte l'oeil à chaque page, exacerbe à merveille cette histoire ouvertement fantastique, mais clairement centrée sur l'être humain, ses désirs et ses faiblesses.
Dans les années 90, Luca, Gianni et Paolo font leur premier pas à la découverte de l’autre sexe, dans leur petit patelin de l’Italie du Sud, fantasment à tout va et (re)construisent à leur manière le corps et l’identitéféminine, se basant sur des bruits entendus et quelques revues porno. Une soif de stimuli visuels va emme-ner le trio dans une librairie de BD d’occasion. Là, va naître une relation intense et floue entre le libraire et Paolo, le plus petit et le plus fragile des trois enfants. Une relation pleine d’affection et de tendresse. Trop ?… Paolo, orphelin de père, grandit avec la lourde responsabilité de s’occuper d’une mère paraplégique. Il va trouver chez le libraire une figure paternelle, pleine d’attentions, qui lui permettra, grâce aux images, aux couleurs, de voir le monde d’une manière différente. Ainsi va naître une relation intime et mystérieuse, entre désir et peur, entre responsabilité et attraction, entre adulte et enfant.Comme un équilibriste, Roberto La Forgia marche sur une corde tendue tout au long des 160 pages, et traite avec délicatesse et intelligence, un sujet difficile et complexe. S’il ne cède jamais aux sirènes du manichéisme, c’est qu’il possède l’un des plus beaux talents : celui de ne pas tout dire, de ne pas tout montrer, ainsi que celui de faire confiance à ses lecteurs. Un premier livre drôle et extrêmement émouvant.
C’est avec un plaisir jouissif que l’on découvre la comédie sentimentale à laquelle se livrent les personnages de Plus ou moins… Le Printemps : Marie l’ingénue, Véra l’experte, Joao le tombeur ou Josie le travesti, autant de figures attachantes dont la vie affective se croise et se décroise tout au long de cet ouvrage frais, drôle et provocant. Sans vulgarité mais avec un rentre-dedans salvateur et des dialogues qui claquent, Peggy Adam parle sans détour et avec un enthousiasme communicatif d’amour et de sexe, tout en dressant en filigrane un constat mordant sur le statut de la femme dans notre bonne vieille société occidentale…
Bien malin qui saura dire qui a fait quoi dans cet ouvrage atypique, tout à la fois brûlot politique et délire non-sensique, et conçu entièrement à quatre mains, aussi bien pour le texte que pour le dessin. Bien difficile également d’en résumer la « trame », tant celle-ci se trouve truffée de changements de direction et rebondissements en tout genre. Deux personnages bien mystérieux décident de se rendre au « bal », mais doivent d’abord pour cela gravir un escalier apparemment sans fin, où ils croiseront moult dangers, dont des terroristes en ascenseur, une belle amnésique, des sliopis mangeurs de chair et, en special guest star onirique, le petit Jésus…
Recueil de certaines «Promenade» parues dans des numéros épars de Bile Noire, «Promenade(s)» les présentent ici dans des versions entièrement redessinées, le tout augmenté par une majorité de pages inédites. Entre une visite chez sa mère et une autre chez son pater, une étrange discussion avec un pingouin hybride et des souvenirs de cuite homériques, Wazem trace le portrait de ce «p'tit personnage au nez pointu» et de son entourage, et nous propose ainsi son oeuvre la plus «personnelle». Plusieurs petits épisodes qui forment à l'arrivée une longue promenade introspective dans la vie de l'auteur, un voyage intimiste baigné d'humour et de poésie, «un itinéraire nonchalant et hasardeux avec un fil conducteur tout simple comme une légère ossature».
Edimbourg, début du XXe siècle. Charles Hamilton a tout pour être heureux: un confort financier qui le met à l'abri du besoin, des nuits bien remplies et des journées oisives juste ce qu'il faut. Et pourtant, après la fête, c'est la descente. Victime de troubles de l'humeur, de hauts et de bas, Charles Hamilton se sent en alternance. Déçu par l'amour, Charles est néanmoins père d'une petite Sophia, mais ne voit pas là de quoi combler ce vide existentiel qui l'habite. Ce qu'il lui faudrait c'est un exemple - un maître, un sage, là, au fond de son jardin.En s'inspirant de l'histoire (réelle) de Charles Hamilton et de son « ermite ornemental », Gabrielle Piquet traque des maux bien modernes - recherche d'un bien-être perpétuel, positivisme à tout crin - et nous interroge sur cette dictature du bonheur qui voudrait éradiquer de nos vies toute forme d'aspérité, comme si la vie ne pouvait, ne devait être que réjouissance et béatitude.On retrouve dans La Mécanique du Sage toutes les qualités qui faisaient déjà le charme de La Nuit du Misothrope: un dessin aux influences retro tout en élégance, une écriture mélodieuse d'une grande finesse, avec en prime une touche d'ironie et un humour pince-sans-rire du plus bel effet.
Alors que la parenthèse se referme et que l'étau se reserre autour de Sanaa et Lupus, la fuite se révèle à nouveau être l'unique option... Mais pour aller où, et comment... Au fur et à mesure que Lupus s'enfonce dans l'espace et l'inconnu, c'est au fond de lui-même que commence le voyage le pl us singulier, hanté qu'il est par ses souvenirs et ses remords... tout se mélange lentement et inexorablement dans son esprit... passé, présent... futur ? Face à l'infini qui lui tend les bra s, et alors que le ventre de Sanaa s'arrondit doucement, Lupus plonge dans une solitude intérieure aux bienfaits tout relatifs...Troisième et avant dernier volume de cette épopée intimiste, où il sera question plus que jamais du rapport que l'homme entre tient avec à l'inconnu, et donc avec lui-même.
Au Recommencement, est un récit fantastique narré par un homme-dont-le-visage-est-l’Univers, mais vécu avant tout par son épouse, qui, toujours un peu perdue, toujours un peu intruse, mais jamais suffisamment paranoïaque, emménage dans une nouvelle ville. Psychogéographie de bazar, angoisses de fin du monde, hésitations spatio-temporelles, confusion d’identités, métamorphoses d’objets, néologismes barbares, rien ne lui sera épargné...Est-ce que tous les autres habitants sont au courant de quelque chose qu’elle ignore ?Pour son premier ouvrage chez Atrabile, Thomas Gosselin renoue avec une certaine science-fiction façon Quatrième Dimension, tout en la portant hors des limites du genre, grâce à une inventivité débridée et un goût marqué pour les logiques folles.
Dans un village ravagé par la maladie règne une ambiance de fin du monde ; comme dans une procession morbide, les habitants défilent, brûlant les cadavres de leurs proches, de leurs parents, de leurs enfants. On croise parfois l'ombre d'un médecin masqué et tout de noir vêtu, dont l'apparition fugace ne peut être porteur de bonnes nouvelles. Violent, torturé, mais pas dénué d'espoir, Dévasté est une plongée sans concession dans une terre ravagée par la maladie et la mort, durant un Moyen Âge obscur où l'homme n'entrevoit le salut quand dans les bras d'un dieu qui semble l'avoir abandonné.Julia Gfrörer y suit plus particulièrement les pas d'Agnès, jeune veuve miraculée et prête malgré tout à entretenir une lueur d'espoir et d'amour dans un monde à l'agonie - comme si le réconfort, l'oubli, voire le salut, se cachait dans une étreinte passionnée, qui pourrait être la dernière.Ouvertement nourrie d'influences gothiques et romantiques, cette évocation saisissante d'une période sombre et mortifère est portée par un dessin tout en hachures et une prose fine et délicate, dans une ambiance qui confine parfois au fantastique. Dévasté est la première traduction en français d'une auteure américaine dont le travail est, assurément, à suivre.
Après le western ( Goudron Plumé ), le space opéra ( Cosmique Tralala ), le fantastique ( Frankenstein encore et toujours ), Baladi continue sa ( re )visite des genres avec Super, où il s’attaque au monde des super-héros. Mais attention, ici, point de costumes bariolés, de sentiments manichéens ni de règlements de compte à coups de poing. Coincé quelque part entre Nicolas Roeg et John de Mol, et multipliant les références et les clins d’oeil, des mythes bibliques aux canards de Carl Barks, Baladi nous propose un conte doux-amer sur la perception de l’autre, la différence, et la place de tout un chacun en ce bas monde. Tout commence lorsque l’oncle Romuald abandonne ses trois neveux, des triplés « aux pouvoirs qui défient l’entendement »… Livrés à eux-mêmes, les trois enfants vont alors décider d’aller affronter « le monde »…
Une énorme star. Voilà qui est Miss D, une énorme star dans son domaine, à savoir la délinquance juvénile. Certes, elle est de moins en moins jeune, certes, il lui reste des fans zélés, certes elle compte bien se maintenir au top, mais la concurrence fait rage, et rester célèbre et adulée est un combat de tous les jours. Face aux médias, face à la compétition, elle doit accomplir un grand coup qui laissera le monde sur l'arrière-train.Dans Brat, Michael DeForge fait un pas de côté avec la réalité pour mieux taper sur notre petit monde, qui ne demande rien mais le mérite bien. Reconnaissance éphémère, surmédiatisation du vide, quête stérile de la célébrité, récupération commerciale (de l'acte de rébellion, de l'idée de révolution), jeunisme à tout crin, voilà ce que tacle Michael DeForge, à l'heure où l'attitude a plus d'importance que le sens, où l'image est partout mais ne veut plus rien dire.Enfant de la modernité mais pas dupe pour autant, Michael DeForge est une espèce de génie versatile, imprévisible et passionnant à suivre, trublion surdoué de la bande dessinée nord-américaine, dont le travail nous hante et nous obsède. Véritable mine d'idées et d'inventions visuelles, sans barrière ni limite, Michael DeForge prouve, à chaque nouveau livre, l'incroyable potentiel d'un art (la bande dessinée!) qui n'a pas encore tout dit ni tout montré.
L'histoire d'amour passionnée entre Napoléon et Josephine - Josephine Baker, donc ; un portrait de l'auteur en marcheur de fond sur les routes d'Irlande ; un polar intimiste tout en déconstruction
Heureux qui comme pourrait faire figure de cassure dans le parcours artistique de Nicolas Presl, puisqu'il délaisse pour l'occasion le noir et blanc pour un travail sur la et en couleur, original et de toute beauté.Heureux qui comme est également le premier livre de N. Presl à se dérouler dans le présent - mais l'on retrouve néanmoins dans ce nouvel ouvrage son intérêt pour les grands thèmes qui nourrissent l'Histoire de l'homme. Ici, l'auteur s'intéresse plus particulièrement aux relations tout à la fois passionnées et tumultueuses qui lient l'Afrique noire et l'Occident, à travers le parcours de deux êtres qu'à première vue tout oppose, et qui, contre toute attente, finiront pas se croiser. D'un côté, on suit l'envoyé d'une firme industrielle tentant d'amadouer une population locale pour mieux pouvoir la spolier. Sûr de son bon droit, enfermé dans sa bulle dorée et ses certitudes, il ne verra que trop tard la colère qui gronde.De l'autre, les premiers pas d'une jeune femme, sans doute trop naïve et fragile, dans un endroit fantasmé, idéalisé, des premiers pas qui vont la laisser décontenancée et chancelante...Ces deux êtres, tout aussi inadaptés l'un que l'autre aux situations qu'ils traversent, semblent incapables d'un regard objectif, distancié, et de ce manque de recul, mâtiné d'un certain paternalisme, de cette vision tronquée d'un monde qu'ils ne comprennent pas, ne naîtront alors qu'erreurs, faux pas et occasions manquées.Un nouveau volume dans une bibliographie sans faute, alliant allègrement force narrative et beauté graphique.
Trame se présente, à première vue, comme un pur thriller, plein de suspens et de rebondissements: un jeune couple, que l'on devine plutôt aisé, s'apprête à s'embarquer pour une soirée de fête dans la maison d'un ami. C'est alors qu'apparaît une étrange créature, un monstre peu ragoûtant armé d'un trident, franchement menaçant et au discours ouvertement anti-bourgeois, voire anti-capitaliste. Et ce n'est que le début, le début d'une nuit qui va rapidement tourner au cauchemar, une véritable virée en enfer, où les rares moments de saluts apparents et d'accalmie débouchent inexorablement vers le pire, et l'horreur. Mais ce n'est pas tout, car l'auteur, histoire de pimenter son intrigue, joue avec le lecteur grâce à un procédé de «flash forward» lui laissant entrevoir partiellement ce qui va arriver... Si le procédé, malin en diable, pourra d'abord désarçonner, une fois accepté par le lecteur-complice, il ne fera alors qu'augmenter la tension inhérente, jusqu'à un final «hors champs» que l'on devine extrême... Trame, le poids d'une tête coupée (aah, ce sous-titre!) fait partie de ces objets difficilement descriptibles (comme on les affectionne tout particulièrement chez Atrabile), allant puiser son inspiration dans plusieurs sources, du comics rentre-dedans aux oeuvres plus politiques. Car Trame est une véritable petite bombe, un cocktail molotov à la recette bien particulière: une bonne dose de genre façon série noire, une autre de critique sociale frontale et intrigante, et une pincée d'expérimentation pour donner à tout ça une saveur vraiment unique, et explosive.
Indéniable constante de l'histoire des civilisations, l'impérieuse nécessité de vouloir coucher avec tout le monde s'exprime de nos jours volontiers dans les bars.C'est donc au bar que nous retrouverons les protagonistes de cette histoire muette (mais pas sans phylactère), chacun développant des stratégies (dont la subtilité va s'étiolant à mesure des consommations) pour parvenir à ses fins.Force insultes abondamment imagées seront échangées dans ce récit dense où l'utilisation d'un système élaboré de bulles et cases permettent à divers niveaux de pensée de coexister tant bien que mal. Le tout à l'acrylique sur toile de grands formats. Pourquoi peindre sur des vieilles toiles de tente ? Parce qu'elles étaient là...Décidément, Ibn Al Rabin n'est pas n'importe qui. Après un livre de plus de 1000 pages, voilà donc un livre de 24 pages. Mais entrès grand format ! Et proche dans l'idée de sa patte de mouche Splendeurs et Misères du verbe. Mais en beaucoup plus dense. Et en couleurs. Et en très grand format.
Pauvre Benny, livré à lui-même dans un monde où il n'y a plus... que lui ? Alors que Benny émerge d'un étrange sarcophage, il doit faire face à la plus terrible des vérités : il est l'unique survivant, le dernier homme sur Terre. Logique imparable :Si Benny est le dernier homme sur terre, il doit bien y avoir une dernière femme...Non ? Benny semble prendre la situation pas trop mal, ne se laisse pas abattre et rapidement s'organise, se régale (seul) de mets succulents, et s'enivre (seul) avec les meilleurs crus disponibles. Mais cher Benny, cela vaut-il la peine s'il n'y a personne pour partager tout ça ? L'âme soeur finira-t-elle par montrer le bout de son nez ?Plus confus que jamais, mais toujours aussi obsédé, Benny, néanmoins bien patient, alors que les mois et les années s'écoulent, et s'écoulent... Passé, présent, futur, Benny semble bien condamné à répéter les mêmes et inexorables erreurs jusqu'à la chute qui, ici, en rappellera d'autres - tout en ouvrant la porte sur de nouveaux mystères. Les non-aventures de Benny, c'est un peu la comtesse de Ségur explosée au MDMA - non, en fait ça n'a rien à voir.
Ted trimballe sa grande carcasse dégingandée à travers la ville dans un train-train aussi régulier qu'énergique ; métro-boulot-dodo certes, mais avec une énergie et une rigueur peu communes. Puis un jour, la mécanique se grippe et tout s'emballe, ce jour où le métro est en travaux et où les choses ne sont pas, plus, comme d'habitude. Et là, tout dérape... Émilie Gleason s'est fortement inspirée du vécu de son frère, diagnostiqué Asperger, pour raconter les bien étranges journées de Ted - rencontre, discussion, amour, sexe, empathie, tant de choses qui, pour Ted, ne vont pas vraiment de soi... Mais alors que la « bande dessinée du réel » a produit tant d'oeuvres lénifiantes n'existant que par leur sujet, Émilie Gleason, elle, transcende son sujet pour nous livrer un moment de lecture survolté, mené à cent à l'heure, plein d'inattendus et de surprises. Bien plus qu'un « reportage » ou un « témoignage », Ted est une véritable immersion dans un esprit pas vraiment commun et offre à l'arrivée une expérience de lecture rare, un tourbillon de couleurs et d'énergie, à l'image de son personnage principal.
« Bon, la dégaine du personnage, on verra plus tard... Pour l'instant je l'imagine vaguement avec ma tête, c'est plus facile... ».Oleg est dessinateur de bande dessinée. Son quotidien, depuis plus de vingt ans, tourne autour de ça: dessiner, raconter. Et tout ceci coule naturellement, jusqu'à maintenant, jusqu'à ces jours récents, où la création semble patiner, où les projets se succèdent mais la conviction n'est plus vraiment là - comme si quelque part, « l'influx était perdu ». Alors Oleg creuse, cherche et réfléchit. Autour d'Oleg, il y le grand et vaste monde, rapide, changeant, moderne, déstabilisant, inexorable. Ermite assumé mais observateur attentif, Oleg est le témoin malgré lui de ce monde en perpétuelles mutations, un monde qui amène son lot d'événements et de surprises, bonnes comme mauvaises. Et puis surtout il y son petit monde à lui: la femme dont il partage la vie depuis deux décennies, et leur fille, en pleine adolescence.Tout juste vingt ans après Pilules bleues, Frederik Peeters se raconte à nouveau mais troque le «je» pour le «il», et, en utilisant cet avatar qu'est Oleg, brouille les pistes et esquive le piège de la trivialité. A travers ces chroniques, tour à tour drôles, incisives, touchantes, voire surprenantes, il lève ainsi (partiellement) le voile sur son métier et son quotidien de dessinateur, et se faisant, pointe nombre de contradictions qui hantent notre époque: ultra-modernité technologique et pensée réactionnaire, culte de la superficialité et quête d'authenticité, surabondance et désarroi.Mais on pourra aussi, tout simplement, lire Oleg comme une belle déclaration d'amour que fait l'auteur à celles qui lui sont le plus proches - et comme un rappel, dépourvu de mièvrerie, que c'est cette force-là qui nous permet de sublimer le banal, et de tenir face à l'adversité.
Tombé en catatonie, Benny semble au bout du bout du rouleau. Après des années de bonheur avec l'être aimé, le voilà seul, abandonné. Ô Benny, les signes avantcoureurs étaient là : ces appels qui restent sans réponse, ces absences qui s'allongent.Benny en souffre ; pour les amoureux comme pour les chiens, le temps se multiplie par sept. Mais voilà Benny désormais seul, véritable portrait du désespoir amoureux. Un. deux. deux et demi. Impossible de sortir de ce lit ! Et si la solution, pour s'en tirer, c'était la colère ? La même qui gronde dans la rue et qui fait dresser des barrières. Alors, à cause d'un geste dont il ne mesure pas la conséquence (un lancer de brique qui va coûter la vie à sept flics) voilà Benny propulsé icône d'une révolution en cours. La répression est sanglante, tout autant que la révolte, et bientôt ce sont les corps de centaines de Benny Adam qui jonchent le sol. « À partir de là tout est à recommencer, la page est blanche, les cases sont vides. » Sur les 200 pages de Vives Voix, Baladi joue, expérimente et s'amuse, et surtout, dans un tour de passe-passe bluffant, mélange radiographie du désespoir amoureux, commentaire social et réflexion politique. Sacré Benny, sacré Baladi.
Francesca Murphy ! Thomas Gosselin de c'est le livre nouveau, dans lequel portrait il dresse le d'une science-fiction aspirante écrivaine de, parasitée une biographie romanesques par ses projets (temps voyage dans le, parallèles dimensions, etc. voitures volantes, scatologie expérimentale,) ça et tout, désordre le raconté dans. oui Eh.
On avait découvert Mathilde Van Gheluwe en 2016 grâce à Pendant que le loup n'y est pas, en collaboration avec Valentine Gallardo. Elle revient seule aujourd'hui, sans quitter complètement le monde de l'enfance, avec Funky Town, et confirme ainsi tout l'étendue de son talent. Funky Town se lit comme un conte moderne - et comme tous les contes, se prêtent à plusieurs niveaux de lecture - où l'on suit la jeune Lele, enfant solitaire et écrivain en herbe, qui chaque jour s'enfonce dans la forêt pour rendre visite à Baba Yaga la mystérieuse, et ramener alors une potion vitale à sa chère et imposante mère. Se faisant, elle traverse les rues de Funky Town, étonnante ville dont les habitants semblent voués à un hédonisme chaotique. Petit à petit, il apparaît que Lele pourrait vivre dans le plus complet des mensonges.Evoquant le folklore et les contes russes comme source d'inspiration, mais également Walthéry, Moebius, le Roi et l'Oiseau ou encore Ghost in the Shell, Mathilde Van Gheluwe fait feu de tout bois pour créer une oeuvre aux mille facettes, tour à tour drôle et cruelle, inquiétante et tendre, mais surtout belle, par ses ambitions comme sa réalisation.
Dans cette valise, synonyme de départ, on trouvera un couple qui se déchire, des nounours libidineux, un cactus qui parle, le tout mêlé à d’hallucinantes séquences oniriques.Nadia Raviscioni se livre ici, avec un humour mordant et des dialogues cinglants, à l’autopsie d’une séparation. Point de pathos superflu donc, juste une vision authentique et personnelle de ce qui fait la vie, l’amour et le reste.
C’est avec une belle lucidité et beaucoup de franchise que Kwon Yong-deuk se livre à ses lecteurs dans les huit nouvelles qui composent Des filles de ma connaissance, et ceci dans ses déboires amoureux comme dans ses nuits de débauches passablement alcoolisées, et souvent bien décevantes. Pour ce faire, il n’a de cesse de métamorphoser son trait, piochant tout d’abord chez des auteurs comme Matt Groening, puis évoluant avec assurance dans une esthétique faite d’un noir et blanc d’une grande élégance, et lorgnant du côté de chez Adrian Tomine, mais avec, en filigrane, une voix qui reste toujours la sienne. Comme dans un film de Hong Song-soo, on se croise, on s’aime, on se déchire et on s’engueule, on tergiverse et on refait le monde autour d’une table, et on boit, beaucoup et souvent. Et si désormais les échanges se font plutôt à coup de sms et d’emails que de lettres chères à Choderlos de Laclos, les questionnements et les intrigues restent les mêmes ; quête impossible de l’être aimée, petits mensonges, trahisons mesquines, sentiments contradictoires… Car si les coeurs esseulés semblent paradoxalement, chaque jour qui passe, un peu plus dur à ravir, c’est peut-être que l’homo modernus, malgré tout son savoir et toute la technologie dont il se pare, apparaît comme une créature toujours un peu plus solitaire, et paumée.
Tout juste une année après la parution du premier volume (Décrire l'Egypte, ravager la Palestine), voilà le deuxième épisode de cette « série » en tout point unique, épisode sous-titré ce coup-ci Décrire l'Empire ottoman autour de 1830. Pour rappel, Décris-Ravage est une adaptation en bande dessinée de la pièce éponyme d'Adeline Rosenstein, et comme dans le premier épisode, on retrouve ici la même volonté d'explorer les relations complexes qui lient Moyen-Orient et Occident, en allant piocher dans des entrevues et témoignages recueillis par Adeline Rosenstein elle-même, mais aussi dans « l'Histoire » (oui, celle avec une grande hache), ou encore dans le théâtre, la littérature et la poésie, dans le chapitre récurrent appelé chantier de traduction.Un pied dans les événements d'aujourd'hui, un autre dans ceux d'hier, Décris-Ravage est une oeuvre éminemment politique, mais qui ne fait pas l'impasse sur de vraies recherches (et questionnements) historiques - grâce, entre autres choses, au regard de l'historien Henry Laurens sur cette production. Et c'est avec une invention formelle sans cesse renouvelée que Baladi met le propos d'Adeline Rosenstein en images, ce qui termine de rendre ce projet complètement passionnant, dans le fond, comme dans la forme.
La Terre paraît bien loin, vue de la Lune, et bien paisible. On n'y distingue pas les longs pipelines qui strient des sols arides et transportent son bien le plus précieux ; on ne devine pas la sécheresse qui sévit ni les malheurs qu'elle engendre ; on n'y entend pas les plaintes des moins fortunés, ni l'oppression que ces derniers subissent, même si la colère gronde, et enfle, inexorablement. Sur la Lune, on ne souffre pas de tout ça, même si on reste tributaire de la Terre et de son eau, que l'on fait importer dans d'énormes containers volants.Il faut aussi, bien sûr, être plus riches et plus puissants que le reste de l'humanité pour mériter cette place de choix sur ce triste satellite, devenu refuge de l'élite mondiale. Politique et poétique, Les Jardins de Babylone use d'une narration à plusieurs voix, où de plus courts chapitres viennent s'enchâsser dans un récit plus grand et plus tortueux. Nicolas Presl dresse alors le portrait d'une humanité minée par ses inégalités et par l'arrogance d'une minorité qui s'arroge tous les droits, même si avidité et égoïsme semblent se retrouver dans toutes les couches de cette société en péril.Entre fable prémonitoire et pur récit de science-fiction, Les Jardins de Babylone refuse tout manichéisme et empoigne à bras-le-corps la complexité du monde et des sentiments humains - et si le constat peut paraître parfois un peu sombre il n'est, heureusement, pas complètement dénué d'espoir, ni d'humour.
Six mois : c'est la durée pendant laquelle Gabriel Dumoulin a fréquenté un site de rencontre sur internet, et c'est ce semestre pas comme les autres qu'il raconte dans Six mois d'abonnement. C'est avec un regard distancié et le recul nécessaire qu'il livre cette expérience, et ce qui aurait pu se transformer en un galimatias égocentré et voyeuriste, forme à l'arrivée un portrait cinglant de ce que peut être une relation amoureuse à l'heure du consommable et du tout-jetable. Les rencontres se suivent, plus ou moins fortes, plus ou moins intéressantes, plongeant parfois dans l'intime ou restant plus distantes, le livre décryptant alors par petites touches les motivations comme les limites de ces relations.Mais ce qui rend Six mois d'abonnement absolument formidable et procure une lecture si enthousiasmante, c'est le ton avec lequel tout ça nous est raconté, car derrière ce qui ressemble à une retranscription brute et frontale de la réalité, se cache un art consommé de la mise en scène, permettant à l'ouvrage d'adopter un ton proche de la comédie - et comme dans toutes les bonnes comédies, la critique n'est pas loin, qu'elle soit autocritique, ou qu'elle adopte un versant quasi sociologique, quand elle décrit les mécanismes de ces rencontres « virtuelles ».De l'autobiographie, Gabriel Dumoulin ne fait pas une mission ou un objet d'étude en soi, mais s'en sert pour raconter son époque, certes par le petit bout de la lorgnette, mais avec un regard acéré et une lucidité qui font mouche.
Elga, jeune orpheline, vit dans un environnement pour le moins austère. Recueillie par un curé et sa bonne, au sein d'une campagne que l'on devine pauvre, elle fréquente un peu Fucsio, enfant turbulent qui travaille, déjà, dans la mine de cuivre. Le filon semble néanmoins sur le point de se tarir. Nous sommes en Italie au début du siècle passé, au tournant d'une époque, et l'on se raccroche, pour trouver l'espoir, à ce que l'on peut : aux contes dits au coin du feu, à la religion et aux superstitions. Elga, elle, est fascinée par cette femme-loup qui habite au fond des bois, femme adultère qui vit désormais seule et loin des regards.Sous la tutelle des frères Grimm et de Marguerite Yourcenar, Marino Neri, à coups de pinceau plus suggestifs que descriptifs, réalise un tour de force tout en douceur : évoquer, par petites touches, la vie rude des campagnes au début du XXe siècle, où cultes religieux et rites païens se mélangent encore, tout en s'attachant à ces instants particuliers où une jeune fille voit son corps se transformer pour donner naissance à la femme qu'elle sera bientôt.La Queue du Loup n'est donc pas à proprement parler un conte, même s'il en a parfois certains attributs, mais plutôt un récit intimiste aux accents naturalistes, un récit qui fait la part belle à une émotion diffuse, une tristesse lancinante, dense et profonde comme une nuit sans étoile.
Kurt Koller retourne dans le village de son enfance en vue d'écrire un article sur l'étalement urbain galopant. Durant son voyage, il va se souvenir, d'une expérience marquante vécue alors qu'il n'a que 14 ans. Il est alors éperdument amoureux de Patrizia. Tous deux habitent un petit village, au fin fond de la Suisse. Par amour, il la suit dans le groupe biblique du Pasteur Obrist, qui sait fidéliser ses ouailles grâce à des méthodes douteuses. Kurt s'éloigne alors de plus en plus de sa famille, au plus grand dam de ses parents. Avant qu'il ne puisse décider s'il quitte le groupe biblique ou s'il doit rester pour Patrizia, un nouvel événement va venir bouleverser sa vie... Matthias Gnehm, qui semble avoir mis beaucoup de lui-même dans ce livre, aborde en parallèle deux sujets : d'un côté, l'emprise que peut avoir la religion, et les abus qui peuvent en découler ; et de l'autre, en filigrane, le phénomène insidieux de l'étalement urbain, qui voit l'irrémédiable implantation d'édifices dans un paysage naturel. Le tout forme une oeuvre poignante, un grand roman graphique, d'une grande finesse dans sa description des rouages mentaux qui peuvent faire glisser un esprit influençable dans l'aveuglementle plus total, à la lisière de la folie.Le tout forme une oeuvre poignante, d'une grande finesse dans sa description des rouages mentaux qui peuvent faire glisser un esprit influençable dans l'aveuglement le plus total, à la lisière de la folie.
Publié en janvier 2016, Pendant que le loup n'y est pas avait eu son petit succès,séduisant journalistes, libraires et lecteurs, jusqu'à s'épuiser, gentiment mais sûrement, quelques mois plus tard. Chez Atrabile nous avons toujours eu à coeur de faire vivre les livres de notre catalogue sur le long terme, même si les aléas de l'édition font que cela est parfois difficile, voire périlleux. Mais il est enfin temps de donner une nouvelle vie à Pendant que le loup n'y est pas, dans une maquette sensiblement repensée, et à un prix plus modeste. Pour mémoire: Belgique, années 90. Mathilde et Valentine font chacune de leur côté l'apprentissage de la vie à travers une enfance somme toute normale, et qui mélange insouciance et inquiétude, rêves et cauchemars, innocence et cruauté. Mais durant ces années-là, un croquemitaine bien réel, prédateur d'enfants, terrifie la Belgique et alentours. Les deux auteures explorent ici ce qu'il a été de grandir durant cette période, quand les méfaits d'un criminel tristement célèbre et l'inquiétude des parents se heurtent aux rêveries et à la candeur de l'enfance. Peu à peu, inexorablement, l'ambiance devient pesante et la méfiance s'installe, car, les jeunes filles le comprennent, «il y a des enfants qui disparaissent». Le tout est réalisé à «quatre mains» dans un noir et blanc tout en nuances et en rondeur, et qui représente à merveille le trouble de cette période, celle de la lente et parfois difficile sortie de l'enfance.
Attention : un livre peut en cacher mille autres !Lettres d'amours infinies, le nouveau livre de Thomas Gosselin, se compose de plusieurs lettres et histoires d'amour, autant de pistes et de récits laissés en suspens, inachevés et donc « infinis ». A travers une narration qui fait la part belle à la forme épistolaire, le livre nous entraîne dans un labyrinthe d'aventures à tiroirs, rempli de divagations sur des univers parallèles et des enquêtes fractales, où se bousculent et se chassent exotisme et quête d'exil, animaux artificiels, centre de tri postal, le tout enchâssé par des forces (orages, frustrations), traversé de motifs (feuillages, cachemire) et d'objets (cicatrices, amphores), dans un jaillissement ininterrompu d'idées, de concepts et de couleurs. De bout en bout, Lettres d'amours infinies offre une lecture aussi déstabilisante qu'excitante, un tour de force narratif bluffant sans réel équivalent - bien que l'on pourrait, sans doute, y trouver des échos à des oeuvres comme Si par une nuit d'hiver un voyageur d'Italo Calvino, Manuscrit trouvé à Saragosse de Jean Potocki ou Les Mille et Une Nuits. Derrière tout ça se cache ce que l'auteur appelle « l'ivresse des débuts incertains », cette ivresse qui nous envahit lors des premiers pas dans une histoire - et que l'on cherche à retenir par des jeux gigognes de tiroirs dans des tiroirs, mais des tiroirs qui, activement incomplets, peuvent être remplis et poursuivis à volonté.
Tout d’abord, J&K, ça a été une poignée de numéros d’un fanzine nommé Epoxy, auto-publié par son créateur, l’Américain John Pham, et imprimé avec toutes les qualités et les défauts de la risographie. Aujourd’hui J&K est un livre – et quel livre – dont le contenu a été revu, repensé, retravaillé et complété pour l’occasion. Dans J&K, se dévoile un univers sans réel équivalent, faisant parfois écho aux Peanuts de Schulz mais avec une atmosphère bien plus viciée, un mélange de charme rétro et d’expérimentation actuelle, et une bonne dose de folie et de mordant. Jay et Kay, donc, évoluent dans un monde pop et imprévisible, où un méchant bouton dans le cou donne naissance à une créature indescriptible, et où des vampires dépressifs squattent les centres commerciaux. Les rêves sont peu flamboyants – devenir serveuse chez Orange Julio, compléter sa collection de Cool Magazine – les déceptions souvent cruelles mais l’humour, salvateur, bien présent, et la critique sociale jamais bien loin. Portrait d’une certaine Amérique, celle des malls géants et du consumérisme à tout crin, J&K joue jusqu’à l’extrême la cohérence du fond et de la forme, et se présente comme un objet complètement hors norme. Le petit monde de J&K est ainsi prolongé dans la fabrication même du livre, et plus spécialement dans ses nombreux suppléments (vinyl, petite revue, mini-poster, stickers), suppléments qui font écho aux pérégrinations de Jay et Kay et offrent ainsi une expérience « totale » et jubilatoire.
Que donnerait un film de zombies tourné à l'époque du cinéma muet ? C'est bien à cette q uestion que répond Jason dans Des morts et des vivants.Sur le même mode narratif que Dis-moi quelque chose, l'auteur distille une love story désespérée sur fond de morts-vivants mangeurs de chair, le tout traité comme une comédie de Buster Keaton !S'il existait un panthéon dédié aux auteurs de bande dessinée, Jason aurait sans doute droit à une statue en or massif; en attendant cet avènement, vous pouvez toujours lire ses livres.
On assiste depuis quelques années à un mouvement plutôt intéressant dans la bande dessinée (mais aussi dans la littérature et au cinéma) qui voit des auteurs délaisser les récits réalistes et l'auto-fiction pour se réapproprier certains thèmes et genres qui avaient été comme confisqués par de grosses «machines» commerciales ou des oeuvres formatées et sans imagination. Ainsi, Sascha Hommer, qui après deux récits ouvertement autobiographiques (Quatre Yeux et ... en Chine, tous deux chez Atrabile) nous revient avec La Forêt des araignées, un livre qui baigne ouvertement dans la fantasy et joue avec les codes et poncifs inhérents au genre.C'est bientôt le moment de lachasse pour ceux qui vivent sur les rochers. La chasse les amènera dans la forêt des araignées, à la recherche des Sylvestres, espèce de grosses limaces gluantes qui abritent dans leur mucus les Punkis, principale nourriture du peuple des rochers. Mais la présence des Yeux, démiurges géants et tyranniques, qui ont interdit au petit peuple l'accès à cette réserve de nourriture potentielle, rend la chasse dangereuse. Le seul espoir d'une vie paisible et plus juste serait, comme le prédit la Prophétie, l'avènement du Messager, qui pourrait libérer le peuple des rochers et le porter au-delà de la Grande Muraille, et vers le Royaume des nuages...Univers fantasque et fantastique, dessin tout en rondeur, personnages kawaï et sous-texte politique, La Forêt des araignées est donc une oeuvre hybride, un livre d'auteur mais aussi un récit d'aventure, un ouvrage qui vous transporte ailleurs mais qui refuse également de tout prémâcher et ose faire confiance à l'intelligence, et l'imagination, du lecteur.
À travers Lupus, Frederik Peeters va trouver une nouvelle façon d'aborder l'intime, délaissant une certaine forme de naturalisme pour projeterdes questionnements qui lui sont chers dans un décor de SF, évoquant tout au long de ces 400 pages certains de ses sujets de prédilection, comme la figure du père, le renoncement, ou encore l'héritage des morts. Pourchassé par les sbires du mystérieux père de Sanaa, jeune femme avec laquelle il cavale à travers l'univers, Lupus n'en finit plus de s'enfuir, mais cette fuite en avant va rapidement prendre la forme d'une quête intérieure dont il ne sortira pas indemne.
Il faut le savoir: Noyau est un salaud. Ne l'invitez pas: une fois chez vous, il s'assiéra dans un coin, ne pipera pas un mot, mais observera vos moindres gestes d'un oeil aussi placide que perçant. Puis une fois rentré chez lui, il sortira ses plus belles gouaches, s'armera d'un pinceau bien trop usé, et fera de vous ou vos proches un portrait aussi beau (dans la forme) qu'acide (dans le fond). On vous prévient: Noyau est un sale type. On le voit bien dans ce livre, Au suivant, composé d'une suite de portraits qui se déploient systématiquement sur deux pages, comme celui de Melvin, qui décide de se passer de tout, mais pas de l'aide financière de ses parents; Nino, hipster barbu, qui prend tellement de soin à préparer son expresso que l'heure de l'apéro arrive avant le première tasse; ou Odile, qui ne partage pas ses théories complotistes avec son fils, car comment savoir si celui-ci n'est pas un extra-terrestre?... Méfiez-vous: Noyau est un triste sire. Pourtant, par le passé, certains éditeurs lui ont accordé leur confiance, à l'instar de Frédéric Pajak, qui, au sein des Cahiers Dessinés, a publié ses précédents livres, comme Dessins au doigt, L'Art de Vivre ouLes Doigts sales; ou encore Actes Sud, chez qui il a commis L'oeuf, en compagnie d'Anna Sommer. Des livres tous magnifiques, et c'est peut-être là que réside le mystère Noyau: comment un être aussi malfaisant et dangereux peut être également un dessinateur aussi génial? Bon, en tout cas on vous aura averti, Noyau est méchant, comme son livre. Méchant et même féroce envers ce triste monde et ceux qui le peuplent, on pourrait même dire carrément cinglant et politiquement peu correct, mais il faut bien l'admettre: à l'arrivée c'est bon, et ça fait du bien.
A travers une histoire simple et des thèmes universels ( l’amour, la mort ), Frederik Peeters nous parle de sa rencontre et de son histoire avec Cati, de ce maudit virus qui va bouleverser la donne, et de toutes les émotions les plus contradictoires qu’il va devoir apprendre à gérer : compassion, pitié, ou amour pur et inaltérable ? Pilules bleues nous propose, sans pathos ni sensationnalisme, de regarder sous un jour rarement ( jamais ? ) abordé le quotidien de la maladie, tout en nous balançant quelques vérités surprenantes et bien senties sur le sujet. Malgré la gravité du thème, Pilules bleues se présente comme une oeuvre remplie de fraîcheur et d’humour.
Sans moralisme ni démagogie, Baladi nous propose ici une courte histoire sur l’influence fortuite que peut avoir cette étrange invention de l’homme moderne : la presse people ! Tout commence lorsque l’auteur découvre sur un banc public un exemplaire de « Star People ». La lecture du magazine va d’abord provoquer chez lui une profonde consternation, puis un fou-rire bien naturel, pour enfin aller torturer notre protagoniste au plus profond de son sommeil. C’est alors que vont lui apparaître en rêve les héros de ses lectures dans de bien étranges situations…Un récit onirique et corrosif qui ne risque pas d’avoir un bon article dans « Gala ». Mince.
Avec seulement une poignée de livres à son actif, Aurélie William Levaux a su s'im-poser comme une artiste à la voix unique, de par sa sensibilité à fleur de peau, et sa technique mélangeant dessins et broderies. Elle nous revient aujourd'hui avec ce Verre à moitié vide, construit en courts chapitres, et conçu au fil de sa pensée et de son quotidien. Il s'agit d'une espèce de journal de bord ou de (faux) carnet intime, faits de fulgurances, de réflexions et de pensées en tout genre.Avec une sincère envie de dire, elle se confronte ici à ses démons intérieurs comme au monde qui l'entoure, flattant alors aussi bien l'oeil que l'esprit.
A travers une histoire simple et des thèmes universels ( l’amour, la mort ), Frederik Peeters nous parle de sa rencontre et de son histoire avec Cati, de ce maudit virus qui va bouleverser la donne, et de toutes les émotions les plus contradictoires qu’il va devoir apprendre à gérer : compassion, pitié, ou amour pur et inaltérable ? Pilules bleues nous propose, sans pathos ni sensationnalisme, de regarder sous un jour rarement ( jamais ? ) abordé le quotidien de la maladie, tout en nous balançant quelques vérités surprenantes et bien senties sur le sujet. Malgré la gravité du thème, Pilules bleues se présente comme une oeuvre remplie de fraîcheur et d’humour.
Cot Cot, c’est un commentaire pertinent sur l’exode rural, un plaidoyer vibrant pour le respect de la vie, une analyse lucide des rapports Nord-Sud, une remise en question radicale de la dialectique hégé-lienne. Mais Cot Cot, c’est avant tout 32 pages de bande dessinée minimalistes et redoutables. Jugez plutôt : un fermier s’ennuie ferme. Il est envahi par les poules, son esprit vacille, c’est un homme malade que l’on voit là, un homme à bout. Et puis un jour voilà, une poule lâche le cot qui fait déborder le vase, et c’est le massacre… Ce récit d’Ibn Al Rabin ( scénariste de Les Miettes avec Frederik Peeters, inventeur de la bande dessinée abstraite ) est-il autobiographique ? Le fermier fera-t-il fortune grâce à une vache qui sait compter ? Allez savoir.
Jacob et tous ses gens viennent à camper près de la ville de Sichem où règne le roi Hamor dont le fils possède le même nom que la ville, ce qui est déjà signe que quelque chose ne va pas. Justement, Sichem, pris d'un besoin subit, enlève et viole Dina, fille de Jacob, puis, une fois le forfait consommé, s'en éprend et l'exige en mariage.S'ensuit un ballet diplomatico-guerrier où tout finit par un de ces massacres sans lesquels l'Ancien Testament ne serait pas ce qu'il est, à savoir un formidable socle pour civilisations. Suite de l'adaptation du Meilleur de la Bible par Ibn al Rabin qui nous convainc de l'universalité non seulement du texte mais également des feutres aux couleurs hurlantes.
L’histoire est simple et connue. Lui, c’est un jeune poète sans le sou. Elle, c’est la fille d’un acariâtre aisé. Ils s’aiment. Mais le vieux grigou ne l’entend pas de cette oreille-là…En partant d’une formule pour le moins usée, Jason s’amuse et joue avec les limites d’un genre, et nous livre ici une tragique histoire d’amour passablement décalée. Il mélange allégrement les figures imposées d’une bluette lambda aux composantes de son univers insolite, et distille ainsi une atmosphère et des situations tout à la fois loufoques et chargées d’une étrange mélancolie. A travers une narration quasiment dénuée de texte, les quelques rares dialogues apparaissant dans des cases séparées et sur fond noir, Jason rend également un doux hommage au cinéma muet.
Benny n’est toujours pas au bout de ses peines. Ce mal qui le taraude, c’est encore et toujours l’amour, dont il a su développer une vision bien à lui... De surprenantes rencontres, d’étranges coïncidences, des fenêtres qui s’ouvrent, des femmes qui apparaissent... Ajoutez à cela une soirée mondaine des plus incongrues. Tout ce mystère ferait presque douter Benny mais à quoi bon : véritable papillon de nuit face à l’ampoule, il ne lui est plus possible de faire preuve de raison alors que des formes arrondies l’appellent. Il suivra donc cette jeune fille en zentaï... mais jusqu’où et à quel prix... Les mésanventures de Benny sont également une occasion pour l’auteur de s’intéresser au monde qui l’entoure, puisque dans Manoeuvres sont abordés en filigrane des thèmes aussi différents que le port du voile ou le droit au logement.
La retraite tourne au huis clos tendu pour Lupus et Sanaa... tensions internes, tensions sexuelles... sans parler de ces nouvelles vies... celle qui grandit dans le ventre de Sanaa... et celle, plus mystérieuse, qui pousse dans un coin de la station... et Lupus, toujours hanté par les fantômes du passé, semble avoir de plus en plus de mal à faire la part des choses.... jusqu'à ce que... Quatrième et dernier volume d'une série unique, qui nous emmène tout au fond de l'espace intersidéral, et surtout, au plus profond de l'être humain... Frederik Peeters avait déjà passablement surpris son monde en déboulant sans prévenir avec Pilules bleues, puis en s'éloignant de l'autobiographie avec Lupus. Gageons que ce volume 4 saura lui aussi en surprendre plus d'un...
C'est en 2006 que paraît le premier livre de Nicolas Presl, Priape. Onze ans et sept livres plus tard, Nicolas Presl est devenu un des auteurs les plus emblématiques et les plus productifs du catalogue atrabilaire. Atrabile ne pouvait décemment laisser disparaître ce livre et propose donc aujourd'hui une nouvelle édition de Priape avec une nouvelle couverture et une préface de Vivien Bessières, maître de conférences en littérature à l'université de Limoges. Le nom de Priape évoque avant tout le dieu romain de la fécondité et de la virilité physique. Ici, c'est d'un homme dont il s'agit et d'un cadeau empoisonné que la nature lui a offert et qui fera de lui un être à part. Nicolas Presl, dans ce contre cruel et parfois dérangeant, nous emmène dans l'Antiquité, sur les pas d'un jeune homme en quête de sa propre identité...
«Est-ce encore de la bande dessinée?» C'est sans doute la question qui peut traverser l'esprit en feuilletant Parcours pictural.C'est bien évidemment à la limite du 9e art que se situe cet ouvrage, une bande dessinée abstraite, c'est-à-dire sans texte ni objet ambigu pouvant s'identifier à un personnage, un exercice de style formel aux accents oubapiens.Une oeuvre non-figurative qui correspond pourtant toujours à la définition que fait Scott McCloud de la bande dessinée: «images picturales et autres, volontairement juxtaposées en séquences, destinées à transmettre des informations et/ou à provoquer une réaction esthétique chez le lecteur.» Et, à travers ce travail non-narratif et purement visuel, c'est bien tout ce qui fait l'essence même de la bande dessinée et sa spécificité, «la séquentialité», que questionne ici Greg Shaw.«Est-ce encore de la bande dessinée?» Oui, bien sûr.
Mort-vivant mélancolique, loup-garou amoureux, poltergeist agressif, revenant revanchard et autres créatures mutantes, tout ce bestiaire fantastique se retrouve dans les pages du nouveau livre de Martin Romero, Les Épisodes lunaires. Mais derrière ce défilé de monstres aussi pathétiques que terrifiants, c'est bien à l'être humain et à sa part monstrueuse que s'intéresse Martin Romero; et les différents épisodes qui composent ce livre sont autant de fables qui exposent les turpitudes de l'âme humaine. Si la nuit les monstres sont de sortie, le jour ce sont les hommes et les femmes qui souffrent et font souffrir : histoire d'amour passionnée qui sombre dans la banalité, enfant délaissé par des parents peu aimants, erreur fatale de celui qui croit bien faire...
Les affaires ne sont pas bonnes pour Bouba Boro. Sur son île, avec l'arrivée des gros chalutiers qui viennent de l'autre coté de l'Océan, les temps sont durs pour les petits pêcheurs de la côte. Alors que Bouba rêve d'un quinté gagnant pour changer de vie, tout bascule le jour où il fait naufrage et perd sa barque. Ce mauvais coup du sort aura de nombreuses conséquences : l'inévitable boulot à l'usine, mais aussi la rencontre avec Alain et sa soeur, Teresa. Mais l'ombre des chalutiers plane toujours sur l'horizon du pêcheur...Grâce à un parti pris graphique et des couleurs vaporeuses qui rendent à merveille une atmosphère humide et chaude, l'auteur nous fait partager, avec douceur, ce combat disproportionné qui évoque celui de David contre Goliath, un constat amer sur la mondialisation.
Réclamé depuis un certain temps déjà, voilà un imposant volume regroupant les 4 épisodes de cette série atypique. Epopée intimiste, autobiographie déformée, science-fiction décalée, Lupus a le mérite de n'entrer dans aucune case, de ne correspondre à aucune définition.Lancé deux ans après la publication de Pilules bleues, Lupus a tout d'abord désarçonné certains lecteurs puisque Frederik Peeters quittait les rivages de l'autobiographie pour se plonger dans quelque chose de diamétralement opposé, une série de science-fiction. Sans mépriser les codes du genre, Peeters s'est amusé à jouer avec, voire à les transcender, pour à l'arrivée nous offrir une oeuvre très personnelle. Une oeuvre emblématique d'un auteur en perpétuel mouvement.En 2007, Lupus 4 a été couronné du Prix Essentiel à Angoulême.
La Main droite, sous les influences croisées de la Bande Dessinée Abstraite, de Jim Shaw et de l’Oubapo, propose un récit quasiment dénué de dessins, tout en conservant la grammaire propre à la bande dessinée. Ainsi, cette histoire, que l’on pourrait résumer succinctement comme étant la rencontre inattendue de deux marginales, nous est racontée à l’aide de textes ( tantôt narratifs tantôt sous forme de dialogues ) soigneusement lettrés pour répondre ou faire écho à la situation à laquelle ils correspondent, et placés dans des cases qui se suivent… comme dans une bande dessinée « classique »… Des dessins viennent parfois ponctuer ou alimenter « l’action » et produisent, de par leur rareté, un effet d’autant plus fort. Néanmoins, La Main droite n’est pas uniquement un exercice de style, mais également une oeuvre touchante sur la solitude et l’amitié naissante.
Certes il est pertinent de se poser des questions sur le dessin, mais est-ce vraiment le meilleur moment pour le faire alors que l'envahisseur est à nos portes? En effet, un armada de vaisseaux venus d'outre espace s'apprête à déferler sur la Terre, et les différents personnages apparaissant dans ce livre vont réagir avec plus ou moins d'intérêt face à cet événement unique et à la portée potentiellement funeste: l'armée se propose d'atomiser la Chine et la Russie, les spécialistes désertent les plateaux de télé, un industriel de haut vol se lance dans la fabrication de sucettes pour deux au design calqué sur celui des vaisseaux E.T., et l'artiste de service se demande s'il y aura toujours quelqu'un à qui donner ses fanzines - l'énumération n'est pas exhaustive, on en vient même à un moment à parler de «génocide amical! ».Bref, c'est la chienlit. Après tout ça, faut pas s'étonner non plus si on pédale dans la semoule.