L'adolescence est une forme de vie mutante. Forte de cette évidence, l'auteure canadienne Jillian Tamaki ( Skim , Cet été-là ) imagine une université d'un genre un peu spécial, dédiée à des élèves dotés de pouvoirs paranormaux.Harry Potter ? Oui mais non. Wendy, Marsha, Cheddar, Frances, le Garçon Éternel ne fréquentent pas cette « école des petits sorciers » pour servir de vastes desseins métaphysiques. Pour eux, l'af rontement du Bien et du Mal se limite à la gestion de leurs af res de teenagers. Les jalousies, les peines de coeur, les beuveries, les montées de sève et poussées de croissance, les ra- vages de l'acné, l'ennui, la pénible découverte de soi et autres angoisses exis- tentielles sont les seules préoccupations de ces X-Men en herbe. La gamme de leurs fantastiques pouvoirs (télépathie, télékinésie, invisibilité, immorta- lité, etc.) se décline au quotidien et ne sert qu'à résoudre (ou à compliquer) les problèmes habituels de leur classe d'âge.Le résultat est une histoire chorale, bâtie autour d'une poignée de person- nages irrésistibles. L'humour subtil de Tamaki, sa passion conf rmée de livre en livre pour l'exploration de l'adolescence, la f nesse et l'acuité de son oeil, contribuent à faire de SuperMutant Magic Academy un graphic novel lui- même mutant. Dessinatrice hors pair, l'artiste nippo-canadienne fusionne toutes sortes de manières narratives etgraphiques. La narration combine le laconisme du comic strip façon Peanuts et l'architecture savante des séries TV actuelles. Le trait, d'une incroyable assurance, associe la nervosité du manga à la versatilité crue des webcomics. C'est d'ailleurs ce support qui a vu naître le projet. Pendant quatre ans Tamaki a publié ses pages on-line.Pour l'édition papier, elle a rajouté quarante planches de facture plus clas- sique. Au total, le livre donne à voir l'immense étendue de son talent et la bienveillance de son regard sur l'âge le plus complexe (et complexé) de la vie humaine.
Célèbre au Royaume-Uni depuis les années 70 pour son travail de presse et sa longue collaboration inauguréeen 1977 avec The Guardian, quotidien de la bourgeoisie progressiste britannique, Posy Simmonds n'a été découverte en France qu'à l'aube du xxi e siècle, avec la publication chez Denoël de son premier roman graphique, Gemma Bovery. Depuis, trois de ses livres adultes, Tamara Drewe, Literary Life et Cassandra Darke ont paru chez nous, ainsi qu'une poignée d'albums jeunesse dont le fabuleux Fred, l'histoire d'un chat ordinaire le jour, rock star la nuit, ou le délicieux Chat du boulanger. Ce qui signifie que le public français ignore encore les deux tiers de l'oeuvre de cette artiste prolifique, qui ne cesse de remettre ses idées sur le métier pour les raffiner. Objet d'un nombre considérable d'articles, de critiques enthousiastes et de savantes exégèses, le travail graphique de Posy n'avait jamais encore été rassemblé dans un artbook.C'est chose faite grâce à Paul Gravett, journaliste et critique anglais de bande dessinée, auteur et éditeur d'ouvrages sur le manga ou les comics, directeur du Festival Comica, commissaire de nombreuses expositions, dont celle que le Pulp Festival de la Ferme du Buisson consacre en avril prochain à Posy Simmonds, la première en France de cette importance. Proche de l'auteure, cet érudit du monde graphique réunit, dans cet ouvrage riche et concis, un portrait rapproché et une étude en profondeur des méthodes de travail très particulières de celle que la presse de son pays a surnommée « la mère du roman graphique anglais ». On y découvre une Posy très drôle, d'une totale liberté de penser, à la main sûre et au regard acéré, redoutable caricaturiste de son temps, toujours lucide, jamais cruelle, passionnée par les rapports humains et les failles qui divisent la société, riches contre pauvres, enfants contre parents, villes contre campagne, observatrice infatigable des grandeurs et vicissitudes de notre présent. Une artiste considérable qui s'inscrit dans la lignée de l'humour graphique anglo-saxon à la suite des William Hogarth, Osbert Lancaster, Ronald Searle ou Raymond Briggs. Cette promenade en 120 images dans la partie inexplorée de son oeuvre (incluant de très rares images de jeunesse) entraînera le flâneur français à la découverte de merveilles inconnues comme Les Trois Silencieuses de St Botolph, True Love ou Le Journal de Mrs Weber, qui font se tordre de rire ses contemporains depuis de longues décennies. Complément et compagnon indispensable de Cassandra Darke, So British ! L'Art de Posy Simmonds paraît à la même date, synchrone avec l'inauguration de l'exposition de la Ferme du Buisson.