La Grande Guerre véhicule aujourd’hui encore une iconographie très marquée : le froid, la faim, les tranchées, les paysages dévastés, la violence des combats, l’horreur, l’uniforme des poilus, les gueules cassées, les masques à gaz, les baïonnettes, les explosions. La liste est longue, tant et si bien qu’il ne semble plus rester grand chose à apprendre de la guerre de 14-18. Les histoires créées pour Maudite ! reposent sur cet événement majeur du XXe siècle, mais les auteurs l’ont utilisé comme une matière première pour se livrer à leur propre imaginaire. Ici, vous ne trouverez pas de reconstitutions académiques de grandes batailles, de récits héroïques et encore moins de fictions documentaires. Vincent Vanoli a regroupé une vingtaine d’artistes afin de les faire travailler autour de ce sujet pour qu’ils réagissent avec leurs sensibilités individuelles. Résultat, ce collectif fait vivre une multiplicité de points de vue créatifs. Tous ont d’ailleurs pensé et réalisé leurs créations de différentes manières, mais ensemble ils façonnent une interprétation contemporaine, celle des auteurs de L’Association. Vous l’aurez compris, Maudite ! n’est pas un simple document commémoratif sur la Première Guerre Mondiale mais bien un lieu de confrontation des imaginaires à travers les symboles qui ont été engendré par ce conflit mondial.
Le milieu de la Peinture et une trame policière fournissent à Ruppert & Mulot le prétexte à une réflexion sur l'Art et le simulacre, et à un questionnement sur la spécificité du médium Bande Dessinée. Tout au long du livre, de longues scènes d'action muettes alternent avec des passages statiques de dialogues entre les protagonistes et un instructeur judiciaire.Cette histoire de tableaux, de détectives et d'adultère est donc avant tout une question de style, chaque nouveau livre étant l'occasion pour Ruppert & Mulot de repousser les limites du genre.
Quel est le point commun entre Galilée, Robert Bresson, Ettore Sottsass, saint François d'Assise et Robert Walser ? Rien a priori, si ce n'est de se retrouver convoqués par Fabio Viscogliosi dans son dernier ouvrage, Cascade. Réflexions métaphysiques, bribes de souvenirs, références au cinéma et à la littérature se trouvent mêlées dans ce livre album haut en couleurs. Les 103 planches du volume constituent autant de tentatives d'arrêter le temps en isolant une idée, un souvenir ou une sensation et fonctionnent comme des variations regroupées sous une même atmosphère colorée. Fabio joueavec des formes aux couleurs franches et aux contours bien délimités pour bâtir des visuels ludiques à la limite de l'abstraction.Un travail qui évoque ses oeuvres à la peinture acrylique. Il met également en scène le fameux âne, alter-ego de papier et personnage récurrent de son univers graphique - figure que l'on retrouve également sur les pochettes de ses albums, car Fabio est également musicien. À la fois livre de notes et de souvenirs, Cascade s'attaque au joyeux chaos de la pensée pour tenter de le mettre en forme(s).Il s'agit de son troisième ouvrage publié par L'Association.
En 1914, en Afrique du Sud, “die Foster Bende” (la Bande à Foster, sorte de Bande à Bonnot sud-Africaine) défraie la presse locale : composée de Foster, Maxim et Mezar, le gang, traqué par la police après de nombreux vols et meurtres, se suicide dans une grotte, ainsi que Peggy, la femme de Foster. Cette histoire vraie, patrimoine de l’histoire obscure de l’Afrique du Sud, est la base de ce livre, scénarisé par Ryk Hattingh et dessiné par Conrad Botes, l’un des deux principaux artistes du groupe Bitterkomix (avec Joe Dog alias Anton Kannemeyer : voir l’anthologie de ce groupe publiée par L’Association en 2009). Ce récit (publié en 2000 par Bitterkomix) est construit sur deux niveaux : à notre époque, au Cap, les deux protagonistes, Hitchcock et Nikolaas, décident d’enquêter et de retourner sur les traces de la Bande à Foster. Eux-mêmes quelque peu borderline, entre bouteilles et bagarres, fascinés par cette histoire, retracent l’itinéraire sanglant des meurtriers de 1914, jusqu’à la grotte de leur suicide collectif ; et parallèlement, s’appuyant sur d’authentiques coupures de presse d’époque, Botes redessine les événements. Le pinceau vigoureux et expressionniste de Conrad Botes sert à merveille cette mise en abyme, mélange d’un haletant thriller de l’époque des premiers “bandits en voiture” et d’une peinture déglinguée de l’Afrique du Sud contemporaine.
Dans le sillage de Contes & Décomptes, et d'un atelier réalisé dans le cadre du festival Pierre Feuille Ciseaux, Étienne Lécroart livre avec ce quatrième numéro un Mon Lapin qui prendra une place de choix dans la bibliothèque oubapienne :« J'ai décidé de reprendre pour ce Lapin un exercice que j'avais proposé à divers dessinateurs lors d'une cession de Pierre Feuille Ciseaux organisée par l'association Chifoumi en 2009 à la Saline Royale d'Arc et Senans. Cet exercice est lui-même inspiré d'un exercice de l'Oupeinpo (Ouvroir de Peinture Potentielle) : la pictée. Il s'agit de partir d'une planche existante, de la décrire méticuleusement sans en dévoiler l'essentiel et de proposer cette matrice à divers dessinateurs afin qu'il crée une nouvelle planche. Voici ici rassemblées les planches de 32 dessinatrices et dessinateurs à partir d'une planche de Reiser. » Isabelle Boinot, Olivier Josso, Catherine Meurisse, Benoît Jacques, Morvandiau, François Ayroles, Anne Simon, Mai Lan, Ibn Al Rabin, Sandrine Martin, Émile Bravo, Andréas Kundig, Guy Delisle, José Parrondo, Anouk Ricard, Vincent Vanoli, Jochen Gerner, Anne Simon etc. et Étienne Lécroart bien sûr, nous offrent une version oubapienne de la dérive.Un monde étrange se construit, tout en correspondances, en ruptures, en reprises de motif, qui donne à ce recueil une tonalité et un rythme particulier.