Vivre dans un mobil-home avec son père, c'est déjà pas terrible. Mais si le mobil-home se trouve à Carrefour, un trou paumé des Etats-Unis dans les derniers méandres du Mississippi, c'est presque un enfer. David ne pense qu'à fuir son destin tout tracé. Son rêve c'est l'écriture. Il y en a eu d'autres comme lui qui voulaient partir, devenir sportifs, musiciens ou peintres. Tous ont disparu, du jour au lendemain, sans laisser de traces. Fugues ? Enlèvements ? Tueur en série ? Ou bien une chose plus étrange à laquelle personne n'a su résister ?
Tous ses camarades ont la télévision. Pas lui. A cause de sa mère et de son oncle qui jurent que la télé est un poison qui rend con. Il est le seul de son école et de son quartier à ne pas connaître Goldorak et Dallas. Alors il va au cinéma. Il y voit un rat blanc aux yeux rouges. Il y voit une femme à poil cracher du sang. Il y voit des samouraïs et des cow-boys et des extraterrestres. De M le Maudit à Scarface, de Federico Fellini à Francis Ford Coppola, de Berlin à Chinatown, Guillaume Guéraud raconte dans cette autobiographie les images qui l'ont fait basculer de l'enfance à l'adolescence. Et qui ont nourri tous ses romans précédents.
Elle n'a pas encore seize ans, mais elle fait tout comme. Quand elle s'installe dans la salle de cinéma à la première séance, pour échapper aux vacances pourries chez sa grand-mère, elle ne sait pas que les scènes particulièrement violentes qui pourraient heurter sa sensibilité, ce n'est pas seulement sur l'écran. Ce n'était peut-être pas une si bonne idée de venir ici. Et puis, je n'aime pas vraiment les films d'horreur. Le sang partout, les cris, les filles qu'on poursuit dans les labyrinthes. Mais je n'ai jamais vu de films interdits aux moins de seize ans.
Dans ce livre de voyages et de rêves, entre Groenland, Canada et Ecosse, on se lie d'amitié avec deux jeunes Inuits, Oukiok et Wanda, orphelins et un peu sorciers. On voyage à pied, en kayak, en traîneau, en hydravion, en side-car, à la poursuite d'un grand explorateur... Un ours porte un chapeau, et un cinéaste bientôt très célèbre filme le premier documentaire muet du cinéma, Nanouk l'Esquimau... Le fouet claque. Les chiens démarrent. En cet instant, personne excepté Wanda ne sait où ils vont. Le départ a lieu un matin où le vent s'est tu. La toundra est encore recouverte de plaques de neige et de glace, mais il faut continuellement éviter les rochers qui émergent, pour ne pas endommager les patins du traîneau. On va où ? demande enfin Oukiok. Sans ralentir, Wanda attrape le cahier de son frère et, de son écriture que les soubresauts du traîneau rendent tremblante, elle note cette unique phrase en majuscule sur la couverture : on va rendre le chapeau à son propriétaire.
Il s’appelle Damien Soungou. Père congolais. Mère française et blanche. Il est d’un seul endroit : la cité des Iris, en banlieue parisienne où il a toujours vécu. Il en a la langue, plutôt verte, l’accent et la gestuelle. Un lycéen métis, comme tant d’autres, avec la rage au coeur. Avec d’autant plus la rage que son père vient de fuir pour retrouver son pays natal, loin des petits boulots et du racisme, s’est-il justifié en laissant en plan sa femme et ses deux enfants. C’est alors que Damien comprend, devant cette crise familiale, que sa famille maternelle étant juive, il l’est aussi. Il doit alors assumer le fait d’être black ET feuj dans une cité où les clichés antisémites fleurissent. Moqueries, insultes se propagent jusqu’à ce qu’une BMW le renverse et que sa porte soit taggé d’une étoile de David. Autour de la confession de Damien, confrontés aux lois de la cité (religion, traditions, machisme) et à ses propres contradictions, c’est un panorama sans concessions d’une société aux prises avec le racisme, l’antisémitisme, le communautarisme que nous peint Louis Atangana. Et les portraits sont saisissants : Souad, la petite copine de Damien avec laquelle il partage des moments pas vraiment halal dans les caves, et qui va finir par porter le hijab. Hussein, le grand blond déguisé en taliban depuis qu’il est sorti de prison. Juliette, la blonde aux yeux verts née au Cameroun, la seule vraie Africaine, puisqu’étant née là-bas et parlant une langue. C’est un roman coup de poing que nous donne Louis Atangana, un roman très contemporain, écrit dans une langue hachée, du cinéma pur et dur comme l’aiment les ados.