Que donnerait un film de zombies tourné à l'époque du cinéma muet ? C'est bien à cette q uestion que répond Jason dans Des morts et des vivants.Sur le même mode narratif que Dis-moi quelque chose, l'auteur distille une love story désespérée sur fond de morts-vivants mangeurs de chair, le tout traité comme une comédie de Buster Keaton !S'il existait un panthéon dédié aux auteurs de bande dessinée, Jason aurait sans doute droit à une statue en or massif; en attendant cet avènement, vous pouvez toujours lire ses livres.
On retrouve dans Mauvais Chemin tous les éléments du Frankenstein de Mary Shelley tel qu’immortalisé au cinéma par James Whale dans son Frankenstein et sa suite, La Fiancée de Frankenstein. Un serviteur bossu, un savant qui se prend pour Dieu, des monstres pathétiques, une foule armée de torches et de fourches, mais tout ça passé à la moulinette par Jason. Ni un simple hommage ni une énième parodie, Mauvais Chemin est avant tout une oeuvre singulière sur la solitude et la recherche de l’être aimé, et où sont présents les éléments fondateurs du travail de Jason : un humour ravageur, un doux sentiment de mélancolie enivrant et un art de l’ellipse tout simplement époustouflant.
L’histoire est simple et connue. Lui, c’est un jeune poète sans le sou. Elle, c’est la fille d’un acariâtre aisé. Ils s’aiment. Mais le vieux grigou ne l’entend pas de cette oreille-là…En partant d’une formule pour le moins usée, Jason s’amuse et joue avec les limites d’un genre, et nous livre ici une tragique histoire d’amour passablement décalée. Il mélange allégrement les figures imposées d’une bluette lambda aux composantes de son univers insolite, et distille ainsi une atmosphère et des situations tout à la fois loufoques et chargées d’une étrange mélancolie. A travers une narration quasiment dénuée de texte, les quelques rares dialogues apparaissant dans des cases séparées et sur fond noir, Jason rend également un doux hommage au cinéma muet.
On assiste depuis quelques années à un mouvement plutôt intéressant dans la bande dessinée (mais aussi dans la littérature et au cinéma) qui voit des auteurs délaisser les récits réalistes et l'auto-fiction pour se réapproprier certains thèmes et genres qui avaient été comme confisqués par de grosses «machines» commerciales ou des oeuvres formatées et sans imagination. Ainsi, Sascha Hommer, qui après deux récits ouvertement autobiographiques (Quatre Yeux et ... en Chine, tous deux chez Atrabile) nous revient avec La Forêt des araignées, un livre qui baigne ouvertement dans la fantasy et joue avec les codes et poncifs inhérents au genre.C'est bientôt le moment de lachasse pour ceux qui vivent sur les rochers. La chasse les amènera dans la forêt des araignées, à la recherche des Sylvestres, espèce de grosses limaces gluantes qui abritent dans leur mucus les Punkis, principale nourriture du peuple des rochers. Mais la présence des Yeux, démiurges géants et tyranniques, qui ont interdit au petit peuple l'accès à cette réserve de nourriture potentielle, rend la chasse dangereuse. Le seul espoir d'une vie paisible et plus juste serait, comme le prédit la Prophétie, l'avènement du Messager, qui pourrait libérer le peuple des rochers et le porter au-delà de la Grande Muraille, et vers le Royaume des nuages...Univers fantasque et fantastique, dessin tout en rondeur, personnages kawaï et sous-texte politique, La Forêt des araignées est donc une oeuvre hybride, un livre d'auteur mais aussi un récit d'aventure, un ouvrage qui vous transporte ailleurs mais qui refuse également de tout prémâcher et ose faire confiance à l'intelligence, et l'imagination, du lecteur.