Longtemps, les bandes dessinées estampillées Losfeld eurent à souffrir d'une mauvaise réputation. Beaucoup gardent en mémoire l'image d'une période certes expérimentale mais passée de mode, kitsch à l'envi et pour tout dire indigne de figurer au panthéon de l'histoire de la BD. Le parcours bédéphilique du sulfureux Eric Losfeld, qui court de 1964 à 1972, n'a été que superficiellement étudié par les divers exégètes du neuvième art.Le manque d'accessibilité à des ouvrages au tirage réduit, depuis longtemps épuisés et peu ou jamais réédités, n'est sans doute pas étranger à cette longue amnésie. Losfeld aura pourtant su sentir l'air de son temps, et révélé, excusez du peu, Forest, Peellaert, Druillet, Gigi, Devil, Crepax ou Cuvelier en rupture de Corentin. Retour donc sur l'époque bénie, pop et bariolée des Sexties, pour y retrouver Les Filles du Terrain Vague.En bonus, un chapitre évoque la saga avortée d'Elric le Nécromancien de Druillet. Si Losfeld l'avait édité, la trajectoire du TV
Enki Bilal est sans conteste un des plus grands auteurs de sa génération dans des domaines très variés allant de la bande dessinée au théâtre en passant par la peinture, le cinéma... Il considère lui-même La Foire aux Immortels comme sa première oeuvre personnelle majeure qui a donné lieu à une trilogie, un livre de peintures, un film, un jeu vidéo...Mais avez-vous lu précisément cet album et les suivants (La femme piège, Bleu sang et Froid équateur) pour en décrypter tous les codes, toutes les images subliminales, les allusions géopolitiques et personnelles ?Cet ouvrage devrait vous inciter à lire et à relire les oeuvres de cet auteur immense venu des Balkans qui a choisi de rester en France et à Paris pour exprimer, entre autres, son point de vue de migrant sur le monde à travers le prisme de la science-fiction.Au travers de cette étude, Olivier Iung cherche à interpeller sur la richesse et la complexité de l'art bilalien, entre mémoire et prospective, entre espoir et pessimisme, entre sensibilité et violence, entre passion et détachement, entre réalisme et imaginaires ...
Voici enfin un travail de fonds sur le travail dEdmond Baudoin depuis ses débuts dans les années 80. Thierry Groensteen, lun des plus éminents théoriciens de la bande dessinée, propose une analyse complète sur lensemble de luvre de lauteur de Couma Aco. Une véritable mine dor pour tous les fans de lauteur niçois !
Auteur phare de la scène indépendante, Knut Larsson insuffle la plupart du temps une ambiance chimérique à ses dessins. Le familier et le surnaturel s'y assemblent au fil de récits qu'on pourrait qualifier de rêves couchés sur le papier. Une bande dessinée de Larsson se lit ainsi sans satisfaction immédiate à la clef. Au contraire, il s'agit souvent de revenir en arrière pour former sa propre interprétation, car l'auteur ne nous sert aucune clé sur un plateau.
Dessiner et composer est le troisième ouvrage de Renaud Chavanne, qui poursuit ici une réflexion entammée il y a plus de 15 ans concernant lorganisation des images dans la bande dessinée, cest-à-dire la composition, quon appelle encore mise en page. Après une ouverture spécifiquement orientée sur létude de la façon de faire du créateur de Blake et Mortimer (Edgar P. Jacobs et le Secret de lexplosion, 2005), Renaud Chavanne a généralisé ses conclusions dans Composition de la bande dessinée (2010).Avec Dessiner et composer, il sattache aujourdhui à létude des rapports entre la composition dune image et la mise en page des cases, ceci au travers dun motif quon rencontre fréquemment dans la bande dessinée : les portes et les fenêtres. Tout à la fois représentation figurant des lieux et des objets usuels, les portes et les fenêtres sont aussi de puissantes images symboliques utilisées depuis plus dun siècle pour évoquer lintérieur et lextérieur, le privé et le public, le familier et le sauvage, la vie et la mort, la psyché et le monde, etc.Ces couples de notions et les objets-lieux qui les symbolisent (fenêtres et portes), se sont largement installés dans la bande dessinée en vertu de principes simples et largement partagés : la case est une fenêtre sur le monde, la page est une porte que lon fait pivoter pour accéder à ce quil y a de lautre côté. Le livre lui-même cède à ces anologies en se faisant immeuble, forme monumentale célébrant tout à la fois lunivers quil renferme, mais aussi le siège des récits immémoriaux quil préserve et transmet depuis plusieurs millénaires.
Nègre. Noir. Homme de couleur. Afro-américain. Lorsque l'on évoque une nationalité étrangère ou une minorité locale, les mots sont tellement galvaudés qu'ils ne peuvent être utilisés qu'avec précaution pour éviter tout sous-entendu. L'auteur étudie la façon dont les blancs ont représenté les noirs dans le monde de la bande dessinée depuis sa naissance et en montre les implications. Ce n'est qu'en identifiant, en étudiant et en dénonçant le racisme du passé que nous pouvons dénoncer et combattre celui d'aujourd'hui.
La publication de cette Histoire de la bande dessinée suédoise en français est une tentative de réponse aux dégâts collatéraux de la suprématie d'une minorité dans un moyen d'expression mondial.Les spécialistes et les historiens ont en effet trop souvent tendance à résumer l'histoire de la bande dessinée à travers les autres pays qui en ont produit le plus : les états-Unis, le Japon, la France et la Belgique. La tentation est grande de considérer que les autres n'ont fait que traduire, à différentes époques, les bandes dessinées de ces quatre pays, en imiter les styles et les genres pour une production exclusivement locale. C'est bien entendu inexact.
Un homme assis s'interroge, face au livre mystérieux de son avenir. Il tourne le dos à un autre livre ouvert sur des textes mêlés d'illustrations. Sans doute cette image inédite de couverture est-elle emblématique d'un état, celui d'un auteur parvenu à sa pleine maturité artistique et qui doute cependant. S'inscrivant précisément dans cette problématique de la remise en question, Périodes graphiques, est l'occasion de revenir sur le parcours d'un artiste original. Dotée de plus de 150 illustrations tirées de ses livres ainsi que de dessins inédits et d'une bibliographie complète, cette monographie a pour but d'analyser en profondeur une des oeuvres les plus denses de la Nouvelle Bande Dessinée.
Malgré le nombre important d'ouvrages sur l'oeuvre d'Hergé, Jean-Marc Pontier parvient à monter l'un des aspects les moins remarqués :Qu'est ce qui, dans les Aventures de Tintin, peut bien justifier le rapport privilégié qu'Hergé a établi avec ses lecteurs ? L'auteur lui-même nous donne la réponse de manière oblique, à travers un épisode précis des Cigares du Pharaon. Tintin, qui vient de soigner un éléphant, décrypte la langue des pachydermes. Entre reconnaissance et création d'une langue particulière face à une engeance qui se caractérise par la mémoire, on peut considérer cet épisode fondateur comme emblématique du rapport qu'Hergé a su établir avec son lectorat. Sollicitations constantes, références au reste du cycle, jeux de miroirs, ellipses à combler, le père de Tintin n'a eu de cesse de tendre la main à son lecteur en sollicitant sa perspicacité, sa culture et son empathie pour un héros parfois peu héroïque... Hergé aime son lecteur et son lecteur le lui rend bien.