Première bande-dessinée d'Ana Penyas dans laquelle elle fait le portrait de ses deux grands-mères, les interrogeant sur leur passé, leur jeunesse sous la dictature franquiste, leur mariage, la façon dont elles ont dû mener la vie du foyer familial et assurer les tâches ménagères.Une vie chargée qui contraste avec leur quotidien actuel de femmes âgées, avec la solitude amenée par la vieillesse. Servie par un style graphique innovant, cette bande-dessinée constitue un hommage aux femmes de leur génération, visant à sortir de l'oubli celles qui ont toujours été reléguées au statut de personnages secondaires. Un travail graphique à dimension historique et sociologique émouvant.
Roman graphique choral, Nos guerres fait entendre un ensemble de voix écrasées par la guerre industrielle et moderne, une guerre jamais nommée précisément, mais proche de la Première Guerre Mondiale.Dix récits se succèdent, d'une grande diversité de points de vue, qui tous réduisent à néant les illusions sur l'héroisme guerrier : de l'officier aristocrate contraint à des actes qui lui répugnent au troufion perdu dans le labyrinthe des tranchées en passant par le paysan pris en tenaille par tes champs de bataille, c'est toute l'absurdité cruelle de ta guerre qui s'exprime dans ces courts récits.Chaque histoire est dessinée et mise en page différemment, en adéquation avec le discours, le niveau social, les références picturales que le texte peut évoquer. Le traitement graphique fait référence tantôt aux avant-gardes, tantôt au dessin de presse ou aux débuts de la bande dessinée, mixés parfois avec des éléments beaucoup plus modernes. Cette vision kaléidoscopique évite tout manichéisme, et affronte au contraire la question de l'ambiguité du rapport des hommes (et des femmes) à la guerre.Intelligent, complexe, nuancé, le livre s'ouvre sur un prologue narratif, qui donne ta parole à un vieil homme riche, mutilé, partisan artiste de la guerre. On peut supposer que l'esprit tourmenté de ce personnage désagréable constitue le théâtre où se déroulent les dix récits. Un album très original, d'une grande virtuosité graphique.
À l'occasion des 10 ans des éditions Cambourakis, Eléonore Zuber invite, après Magali Le Huche et Aude Picault, un troisième ami(e) illustrateur/illustratrice pour un autre inédit de la collection « «Lorsque...» », à paraître aux c?tés de « «Lorsque je suis avec ma mère » »de Florence Dupré Latour et « «Lorsque j'ai un peu trop picolé la veille » » de Terreur Graphique.
Nous n'irons pas voir Auschwitz est le premier roman graphique de Jérémie Dres. À la recherche de leurs origines, l'auteur et son frère partent en Pologne sur les traces de leur grand-mère décédée. Cette quête familale leur permettra de rencontrer la communauté juive polonaise d'aujourd'hui et de mesurer son renouveau. A travers une multitude de rencontres, avec la jeune génération d'artistes polonais à Varsovie, avec un rabbin progressiste américain ou encore avec l'historien Jean-Yves Potel, c'est une image moderne et contrastée de la nouvelle communauté juive de Pologne qui émerge de ce récit intimiste.Au-delà d'un simple travail de mémoire, ce que les deux frères vont découvrir va profondément enrichir leur identité, faire la lumière sur les relations judéo-polonaises et interroger les préjugés, notamment d'antisémitisme, qui ont pu leur être transmis durant leur enfance. De Paris à Varsovie, entre recherche identitaire et enquête documentaire, Jérémie Dres dresse avec un ton plein de justesse et de drôlerie un portrait de la communauté juive de Pologne. Par son aspect documentaire, ce roman graphique original aborde avec une perspective inédite, toute en finesse, des problématiques peu traitées par la bande dessinée contemporaine : le rapport à l'avenir de la communauté juive de Pologne, à travers ses aspirations et ses contradictions.
Récit de piraterie bien éloigné des conventions du genre, Black Lung se distingue par la puissance de l'imaginaire déployé par Chris Wright, mais aussi par la qualité littéraire des dialogues, ponctués de citations de Shakespeare et Milton. Placé sous le signe de la folie et de la transgression, cet impressionnant roman graphique affronte la question du mal, de la violence, du péché et de la rédemption à travers des personnages pour la plupart monstrueux, physiquement ou moralement.
«Animaux» est le premier album d'une jeune artiste finlandaise en vogue déjà remarquée pour ses créations visuelles dans le domaine du design et du multimedia. Succession d'histoires courtes, conçues comme un recueil de nouvelles relatant chacune avec poésie et drôlerie la rencontre de l'homme avec un animal, cet ouvrage s'inscrit dans la lignée graphique du travail de dessinatrices telles que Joanna Hellgren.Une auteure à suivre.
L’auteur du somptueux roman graphique La Gigantesque Barbe du mal révèle à travers ce recueil de strips en couleur parus dans le Guardian une autre facette de son immense talent : croquant avec une élégance comique impeccable les travers de ses contemporains, Stephen Collins s’impose comme l’un des chefs de file de la nouvelle scène anglaise du dessin d’humour à l’égal de Tom Gauld (Vous êtes tous jaloux de mon jet pack, éditions 2024).
Aujourd'hui épuisé, «La Ronde» est réédité dans le format des autres albums de Birgit Weyhe. Il s'agit d'un impressionnant roman graphique qui balaie un siècle d'histoire, de la Première Guerre mondiale à nos jours, et entrelace avec virtuosité et fluidité les destinées d'une dizaine de personnages aux quatre coins du monde, entre Europe, Amérique et Afrique. Une petite médaille en or, qui passe de main en main tel un talisman, constitue le lien secret entre toutes ces vies, marquées par les guerres et les convulsions politiques et sociales du XXe siècle.
Amy Tinsdale et Jordan Levine sont les personnages d'une série de strips publiés par Mark Beyer dans le magazine alternatif New York Press, entre 1988 et 1996. Cette anthologie de 292 strips permet d'appréhender l'incroyable inventivité graphique déployée par Mark Beyer dans cette série, qui représente véritablement le coeur de son oeuvre. Amy et Jordan forment un couple névrotique et pathogène, qui évolue dans un univers urbain cauchemardesque, aux prises avec une absurdité quotidienne qui bascule souvent vers le fantastique et le monstrueux.Ils vivotent dans un appartement minable, dépriment, se querellent, mais semblent condamnés à rester ensemble, unis par une pulsion qui les dépasse. Lorsqu'ils sortent de leur enfer domestique, le pire les attend dans la rue : voisins bizarres et déviants, enfants malveillants et agressifs, animaux répugnants. Les petits ennuis de la vie courante, un retard au travail, un moteur qui lâche, basculent souvent vers l'ultra-violence : des hordes de zombies assaillent leur véhicule, des virus mortels s'abattent sur la ville.Dans ce tableau surchargé de désespérance, l'humour totalement froid de Mark Beyer surgit du décalage entre l'horreur des faits et les réactions pragmatiques et désabusées des personnages, les dialogues se bornant souvent à décrire platement les événements les plus atroces, sans étonnement ni hystérie. La force du livre naît de l'étourdissante succession de ces strips, répétitifs jusqu'à l'obsession dans leurs thèmes et leurs motifs, mais jamais dans leur traitement graphique.Impressionnant par son format et sa pagination, l'anthologie Amy et Jordan constitue un objet éditorial hors norme, qui va permettre au public français de découvrir un auteur américain majeur.
« En avril 2006, sur le site internet de l'Institut National de l'Audiovisuel (INA), je suis tombée sur un reportage tourné à Beyrouth en 1984.Les journalistes interrogeaient les habitants d'une rue située à proximité de la ligne de démarcation, qui coupait la ville en deux. Une femme, bloquée par les bombardements dans l'entrée de son appartement, a dit une phrase qui m'a bouleversée : 'Vous savez, je pense qu'on est quand même, peut-être, plus ou moins, en sécurité, ici'.Cette femme, c'était ma grand-mère ».Zeina Abirached revient sur l'histoire de son premier roman graphique, et du graffiti qui en a inspiré le titre, dans cette nouvelle édition augmentée d'un texte illustré.
Ce premier roman graphique de Camille Vannier à paraître en France est une fiction autobiographique empreinte d'une folie douce, à l'image du grand-père fantasque dont elle raconte l'histoire: imbroglios en tous genres, succès flamboyants et échecs redoutables, mines d'or inexistantes et nombreuses conquêtes sur fond de Riviera méditerranéenne comme cadre à ses mésaventures rocambolesques. Telle est la vie de Poulou, ce bon vivant en avance sur son temps, un grand-père comme peu en ont eu, racontée par sa petite-fille,dans la Barcelone contemporaine, dotée d'un inimitable sens de l'humour et de la narration. Un récit rocambolesque qui dépasse le cadre particulier d'une famille pour livrer en creux le portrait d'une époque des années 1940 aux années 1980.
« Qu'est-ce qui vaut la peine d'être dit de moi ? » Frédéric Debomy, journaliste et scénariste de BD, tente de décliner la proposition embarrassante de son ami, le grand Edmond Baudoin : lui tirer le portrait.En vain. Pour le dessinateur, cette pudeur constitue au contraire l'amorce idéale, celle d'une esquisse au trait charbonneux, où les fragments épars d'une trajectoire à la fois banale et exceptionnelle - amour, attente, rupture ou deuil - se répondent à travers un double prisme :Le regard que les autres portent sur soi et celui qu'on porte aux autres. Au fil du dialogue qui s'établit peu à peu entre les deux hommes, le récit graphique prend ses libertés, et le style inimitable de Baudoin, à mi-chemin entre peinture et bande dessinée, fait la part belle à l'imaginaire et à la suggestion. Un tableau dansant, direct, fluide et fuyant comme la vie.
Après le succès de Kobane Calling, l'intérêt de Zerocalcare pour la situation politique en Syrie n'a pas faibli. Le contexte ne cessant d'évoluer, il a souhaité prolonger le travail graphique qu'il avait commencé pour mettre à jour son témoignage. Sur le même ton, décalé, il prolonge son projet avec ces 12 planches inédites, publiées en Italie dans le journal La Repubblica, en forme de mise à jour de la situation. Il évoque ainsi plus précisément l'implication de la Turquie, l'évolution des prises de décision à l'international au regard d'une intervention aux côtés des Kurdes, etc.Un travail toujours empreint de justesse, d'émotion et, paradoxalement, d'un humour permettant de conserver une nécessaire distance avec la dureté des faits.Afin d'en conserver l'esprit, nous les publions au format journal également.
Après «Manolis», le nouveau roman graphique d'Allain Glykos et Antonin Dubuisson. Allain Glykos retourne sur les terres de son père pour trouver un peu de soleil au milieu de l'hiver et quitter Paris qui vient de subir les attentats en 2015. Or, dès qu'il arrive sur l'île de Chios, il assiste à une autre tragédie: l'arrivée massive de migrants. Il ne peut rester indifférent à la détresse de ses hommes et ses femmes qui ont fui la misère et les conflits en quête d'un accueil un peu plus chaleureux en Europe. Allant à leur rencontre pour les aider, il leur donne donc la parole, restitue leurs histoires qui sont autant d'échos à la trajectoire de son père qui a dû fuir sa terre, chassé par les Turcs lors de la Grande Catastrophe en 1922. Un témoignage empreint d'une grande humanité qui rend compte des prolongements et des rebondissements de l'Histoire.
L’univers de Chair de ma chair est celui de l’enfance : Lola Lorente joue avec subtilité des paradoxes de l’âge tendre, oscillant entre innocence et cruauté, violence et jeu.Ralfi, Amanda et Adrian se préparent pour un bal costumé. Tandis qu’Adrian est obnubilé par l’amélioration de ses talents de ventriloque, son frère Ralfi rêve de se parer des atours de danseuse de leur mère décédée. De banales disputes entre frères et soeurs en drames familiaux, de jeux fantasques en promesses solennelles, Chair de ma chair explore avec poésie et finesse la complexité des sentiments qui nourrissent les rêves d’enfants.Soutenu par un subtil traitement graphique en noir et blanc, ce récit onirique évoque avec douceur des thèmes comme la construction de l’identité sexuelle et l’opposition entre le monde de l’enfance et celui des adultes
Sur l' île d'ICI, l'ordre est le maître mot : des visages aux haies soigneusement taillées, jamais rien ne dépasse, jusqu'au jour où Dave, l'un de ses impeccables habitants, se retrouve affublé d'une incontrôlable barbe qui ne cesse de grandir, grandir jusqu'à passer la porte de sa maison, entraver la circulation, causer mille et un incidents, grippant ainsi la mécanique sociale parfaitement huilée que le gouvernement, appuyé par les médias de masse, tente de maintenir par tous les moyens. Un certain professeur Darren Black va bientôt s'emparer du phénomène pour lancer une nouvelle idéologie, apologie du désordre.Un premier roman graphique d'une grande originalité, tant du point de vue du dessin que de l'inspiration scénaristique.Mélancolique, burlesque et poétique, La gigantesque barbe du mal , merveilleuse fable dans la droite lignée d'un Roald Dahl, a été saluée outre-Manche par une critique unanimement enthousiaste.
Premier volume de la saisissante trilogie autobiographique de Mogorosi Motshumi, L'Initiation retrace vingt ans d'histoire sud-africaine, de son enfance dans un township de Bloemfontein au début des années soixante à son arrivée à Johannesburg une quinzaine d'années plus tard en tant que jeune dessinateur politisé et repéré par les services de la sécurité.À travers cet autoportrait en illustrateur, militant, passionné de jazz, lecteur, petit-fils, frère et amant, Motshumi livre un témoignage de premier plan sur la vie et l'éveil politique de lajeunesse noire au plus fort de l'apartheid. Événements personnels et faits historiques entremêlés dessinent une vie d'artiste noir ballottée au gré des fractures sociales et politiques de son pays.Signé par un homme qui fut à la fois victime de l'apartheid et acteur de la lutte contre celui-ci, ce roman graphique est à ce jour l'oeuvre la plus ambitieuse créée par un artiste noir sud-africain.
Récit autobiographique particulièrement touchant, 3 Grammes raconte la lutte - victorieuse - de l'auteure contre un cancer de l'ovaire, diagnostiqué alors qu'elle n'a que vingt six ans. Passé le choc du diagnostic, qui suscite nombres d'interrogations chez une toute jeune fille, commencent les pénibles étapes du traitement, opération, chimiothérapie. Avec franchise, sincérité et humour, Jisue Shin évoque la vie à l'hôpital, les peurs, l'ennui, la solitude. Elle souligne le rôle décisif des proches, montre également l'éloignement progressif de certains amis dont les visites s'espacent alors que son séjour se prolonge.La douceur du trait de Jisue Shin donne au récit légèreté et fluidité, l'incursion ponctuelle de la couleur et des modifications de style graphique rythment le livre et suscitent l'émotion. Le livre s'achève sur une lumineuse journée de printemps, symbole de vie et de renaissance.
Paul a perdu sa mère il y a quelques années. Sa disparition demeure mystérieuse et ne cesse de hanter le jeune garçon. Aussi s'efforce-t-il de rassembler les indices qui pourraient lui permettre de trouver une explication.Entre ses propres souvenirs, brumeux et lacunaires, la version de sa grande soeur perpétuellement distante, la conviction de son père, les silences, les tabous, et la découverte de photos et lettres de sa mère, Paul va retracer le fil de son histoire personnelle, nous livrant son interprétation des événements passés. Car si certaines familles célèbrent leur histoire avec un arbre généalogique et d'innombrables albums photos, d'autres couvent un secret autour duquel les vérités divergent et s'entrechoquent.Dans ce premier roman graphique, Antonia Kühn rend compte avec sensibilité des émotions de chacun et questionne avec justesse ce qui détermine et façonne l'histoire des individus, ce qui unit ou pas les membres d'une famille les uns aux autres.
Chiens et chat à tête d'homme, Petey et Pussy forment un duo clownesque et immoral, compagnons de soif obsédés et cyniques lancés dans de dérisoires et fumeuses aventures. Ils vivent aux crochets d'une horrible bonne femme sénile etalcoolique, mamie peu ragoutante qui martyrise Bernie, canari déplumé, ultime souffre douleur de la maisonnée. Enfermé dans sa cage, l'oiseau ne demande qu'une chose : qu'on l'aide à se suicider, mais le spectacle de ses souffrances réjouit trop Petey et Pussy pour qu'ils s'avisent d'y mettre fin. Un boa en cavale va peut-être faire basculer la situation.John Kerschbaum s'en donne à coeur joie dans cette farce énorme et survoltée qui dynamite les codes habituels de la bd. Ses dialogues sont hilarants : dans la bouche de ces animaux anthropomorphes, des paroles d'une vulgarité tristement humaine acquièrent une indéniable force comique.Un concentré d'humour grinçant d'une terrible efficacité graphique.
Du mensonge met en scène les retrouvailles de deux ancien·ne·s ami·e·s de lycée, autrefois très proches, mais que la vie a séparé·e·s. Le temps d'une nuit, Cleary et Tim vont évoquer leur vie actuelle mais aussi le passé, leurs échecs sentimentaux, les questionnements sur leur sexualité.En écho à ces conversations parfois laconiques, l'on découvre, en même temps que Cleary qui l'a trouvé par hasard dans la rue, un livre qui rend compte d'une relation brève et décevante.Cette mise en abyme jette une lumière différente sur la conversation des deux ami·e·s, dont le chemin prend un tour toujours plus intime et erratique sous les effets conjugués de l'alcool et de la fatigue.Ce premier long récit atteste du grand talent graphique et narratif de Tommi Parrish.Jeune icône du milieu queer américain, Tommi Parrish s'interroge dans ses oeuvres sur les questions de genre, de sexualité, et de normativité, avec une approche à la fois crue et respectueuse des conflits intimes qui animent les individus.
Cet impressionnant roman graphique en noir et blanc entrelace six histoires distinctes, sans lien objectif évident. Ce qui unit néanmoins ces récits est le sentiment de vide existentiel et de solitude auquel chacun des personnages se trouvent à leur manière confrontés. D’une très grande virtuosité dans sa construction, le livre est ponctué de scènes qui se font écho, de fantasmes et d’obsessions qui circulent et tournoient comme dans un cauchemar, de motifs allégoriques qui surgissent à plusieurs reprises, parfois de manière inattendue, ainsi l’image du cachalot.Daniel Galera et Rafael Coutinho donnent à voir un Brésil contemporain et urbain miné par une violence sourde, où les rapport de forces sont constamment présents, jusqu’au plus intime des relations individuelles. Leurs personnages appartiennent à des milieux divers, bourgeois, artistes, jeunesse dorée et jeunesse bohème et désargentée, couple divorcé de la middle class… Mais aucun n’échappe à une forme de mélancolie, une saudade moderne qui semble inéluctable, comme si nos vies étaient vouées à l’inaccomplissement.
Une famille composée d'unepetite fille, Zoé, de ses parents et de son grand père, vit dans une maison isolée, entre forêt et marais, dans une contrée qui évoque le sud des Etats Unis. On pense à l'univers de Flannery O'Connor ou Carson McCullers, mais aussi à des films comme La Nuit du chasseur ou encore. L'étrange créature du lac noir, de Jack Arnold. Car on l'apprend vite, le marais abrite une bête étrange, qui envoûte les habitants de la région par son chant nocturne.La narration se construit au fil de l'alternance des sons et du silence. Peu de dialogues, mais des bruits obsédants : celui du métronome, des doigts qui tambourinent machinalement, mais surtout une mélodie, un air d'une beauté irrésistible qui revient toujours troubler ceux qui l'entendent, ou qui s'en souviennent. C'est le chant de la créature du marais, dangereux, voire mortel pour les uns, apaisant pour les autres.Après la disparition de ses parents, la petite Zoé grandira seule avec son grand-père, personnage fantasque qui s'accommode fort bien de l'étrangeté ambiante.Un roman graphique mystérieux et sensible, au plus près des sensations de l'enfance.
Dans ce troisième et dernier volume, Joanna Hellgren approfondit la chronique familiale développée dans les deux épisodes précédents. Elle explore le passé de ses personnages, Frances, August et Ada tout en creusant leurs personnalités. En évoquant l'enfance de Frances, elle montre la difficulté pour August d'élever seul son enfant, allant d'un petit boulot à un autre pour permettre à sa fille de grandir dans de bonnes conditions. À la même époque, Ada, la tante de Frances qui l'a recueillie après la mort de son père, voit sa vie basculer. Elle se retrouve, trop jeune, face à de lourdes responsabilités, submergée par le poids des devoirs familiaux. Parallèlement, la petite Frances grandit dans son nouvel environnement, observe et se révolte contre la méchanceté gratuite des autres enfants, premier aperçu de la cruauté du monde des adultes.De nouveau, Joanna Hellegren mêle avec finesse et sensibilité questions de société et questions familiales dans un dernier volet d'une grande densité, qui vient clore la série dans une apothéose graphique.
Tristes Cendres rend hommage au grand reporter et photographe Robert Capa, et retrace son engagement aux cotés des républicains pendant la guerre civile espagnole.L'action se situe de 1932 à 1940, entre Paris, Bilbao et Mexico : des années cruciales dans la vie de Capa, qui va accéder à la reconnaissance internationale au moment où l'Europe sombre dans le chaos. On découvre tout d'abord Capa à Paris, insouciant et amoureux de Gerda Taro, photographe elle aussi : tous deux partagent l'ambition de rendre compte des événements de leur temps au risque de leur vie. Ils fréquentent les milieux artistiques et intellectuels, sensibilisés à la lutte anti-fasciste. En 36, Gerda Taro part seule à Barcelone - elle trouvera la mort aux cours des combats en 1937 -, Capa rejoint lui aussi l'Espagne et couvre la bataille de Bilbao. Après la victoire de Franco, Capa gagnera le Mexique : il est devenu un photographe célèbre, mais son succès a un goût amer.Au fil d'une conversation avec un ami, Capa plonge dans ses souvenirs et évoque de manière très vivante le contexte de l'époque. Le cadrage de certaines cases s'inspire de clichés célèbres du photographe. Le traitement en bichromie donne son dynamisme à ce passionnant roman graphique, qui plonge le lecteur au coeur d'une époque tourmentée et héroïque.
Ce roman graphique qui paraîtra au moment du centième anniversaire du Tour de France, rend hommage à l'une des figures les plus mythiques de l'histoire du cyclisme: Fausto Coppi, le campionissimo, qui fut tout au long de sa carrière en compétition avec un autre grand champion italien, Gino Bartali. Cette rivalité a enflammé l'Italie de l'après-guerre et littéralement divisé le pays en deux. Physiquement et politiquement, tout semble les opposer :Bartali, musclé, râblé, bavard, est très croyant et devient le favori du parti catholique; Coppi, élancé, maigre, silencieux, laïque, devient celui des partis de gauche.Davide Pascutti centre son approche sur une année clé dans la carrière de Coppi, l'année 1949, où celui-ci parviendra à accomplir un exploit réputé impossible, remportant successivement le Giro et le Tour de France. Quelques autres personnages hauts en couleurs du cyclisme italien traversent le livre : Biagio Cavanna, le fameux masseur, qui sera l'un des premiers à repérer le talent du jeune Fausto, et Alfredo Binga, directeur technique de l'équipe nationale italienne, qui par sa sagesse savait faire jaillir le meilleur de chaque coureur.Plongeant dans la geste et les pensées de Coppi, la bande dessinée révèle l'homme derrière le champion, montrant ses qualités comme ses contradictions - sa vulnérabilité, ses tiraillements entre sa carrière et sa famille - et nous fait revivre l'excitation de ces années légendaires.
Publié en 2007, Misery loves Comedy rassemble les trois premiers volumes de la série Schizo, augmentés de dessins de jeunesse et de contributions à divers périodiques, et enfin d'une série d'oeuvres en couleurs, plus proches du style graphique de Schizo 4, avec en particulier un hommage à Chris Ware. Brunetti se montre d'ailleurs capable de parodier à peu près tous les styles graphiques du dessin d'humour, du début du XXè siècle à nos jours.Dans chacun des numéros de Schizo, Brunetti met en scène ses obsessions philosophico-existentielles : si la forme évolue, les thématiques se répètent avec une récurrence volontairement désespérante : haine du monde et de soi même, absurdité de l'existence, horreur de la bêtise et de l'avidité des hommes, imposture de la civilisation et cruauté aveugle de la nature, dictature oppressante des instincts sexuels. Brunetti développe au fil des pages une variante personnelle du nihilisme, qui s'accompagne logiquement de fantasmes d'autodestruction et d'anéantissement global. Les digressions métaphysiques les plus échevelées côtoient en permanence les dessins les plus triviaux, les images violentes ou scatologiques : l'auteur utilise les vertus subversives de la farce pour mettre au jour l'imposture morale de nos sociétés « civilisées ». Famille, amour, travail, politique, culture : rien n'échappe à ce joyeux jeu de massacre, et surtout pas l'auteur lui-même.Fruit d'une dizaine d'années de création, Misery loves Comedy est un livre monstrueux, furieusement drôle et dérangeant, sans équivalent dans l'histoire de la bande dessinée américaine.