Dans le domaine de l'humour, et plus singulièrement de l'humour absurde, l'inspecteur Modo Quid constitue un personnage unique dans un univers extrêmement particulier. Entouré d'un poisson lobotomisé, une espèce de Watson dégénéré et de deux poules (para)psychologues passées maîtresses dans l'art de la télé-transportation, l'inspecteur est habité par un immense désespoir, ce qui donne un côté expressionniste au livre. Sa sensibilité à fleur de peau donne à Long l'occasion de pasticher romans à l'eau de rose et photo-romans de gare, avec une acidité de ton et de couleurs peu commune dans le genre du polar. Le récit alterne vivacité des roses, ocres ou bleus et sobriété des noirs et blancs, ainsi que deux techniques de gravure : la linogravure et le bois gravé (bois de fil). Au-delà de l'apparent delirium narratif, cet ouvrage souligne la maîtrise technique du graveur /dessinateur. Un album non seulement drôle et sombre mais tout simplement beau.
Faisceau de récits prenant la chute de notre civilisation et la bande dessinée comme objets d'expérimentations, Eldorado de Tobias Schalken est un livre en perpétuelle mutation, qui surprend à chaque page notre horizon d'attente. Peintures, sculptures, installations et dessins s'y unissent, laissent libre cours à l'interprétation et à la déambulation dans un monde ébranlé. Étranges et poétiques, les aventures intimes des personnages y font écho à nos doutes, de familières prémonitions teintent nos cauchemars de sérénité, de sensualité. Tobias Schalken est né 1972. Fils d'un dessinateur de procès (qui l'emmenait avec lui et le laissait dessiner paires de moustache ou de lunettes) et d'une mère femme de ménage au Rijksmuseum d'Amsterdam (qui l'emmenait avec elle jusqu'à ce qu'il égratigne un tableau et qu'elle soit licenciée), Tobias Schalken est réellement né dans l'Art.Il a fondé avec Stefan Van Dinther la revue Eiland, dont sont à ce jour parus 5 volumes, le dernier aux éditions FRMK. Pratiquant aussi bien la bande dessinée que la peinture, la sculpture ou la vidéo. Tobais Schalken a vu son travail présenté aux côtés de celui des plus grands (Bill Viola, Sophie Calle...), dans les circuits de l'art contemporain. Une monographie est même consacrée à son travail, The heart of the matter, et, chose rare, elle reprend tous les pans de son champ d'action, y compris ses récits en bande dessinée. En 2012, son travail a été présenté dans le cadre du Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême lors de l'exposition dont il a réalisé l'affiche « Une autre histoire, bande dessinée : l'oeuvre peint » à la Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l'Image. En 2012, les éditions de la cerise ont fait paraître son livre Balthazar, prépublié au fil de 3 numéros d'Eiland.
« Souvenir d ' une journée parfaite explore les frontières ténues entre autobio- graphie et fiction et capture avec grâce la fragilité d'un souvenir lumineux.Longtemps épuisé, Souvenir d'une jour- née parfaite dévoile l'ampleur du travail de Dominique Goblet : intime, puissant. » Tout commence par une visite au cimetière.L'auteure tente de retrouver le nom de son père parmi une forêt de vies disparues, sans y parve- nir. Frappée par cette disparition, elle s'attache alors aux traces qui subsistent et à un nom en particulier : Mathias Khan (1945-1988).Mathias Khan, Memento Mori : Souviens-toi que tu vas mourir. Conscient de sa mort imminente, Mathias Khan retient le présent : il rejoint celle qu'il aime, profite d'une balade en forêt, essaie en quelques mots d'immortaliser la perfection d'un voyage vers la mer. Des souvenirs gravés dans un petit agenda, a present time book.« Chaque déchirure est une histoire. » Faute de pouvoir saisir la dernière présence tangible d'un père, le récit s'engouffre dans l'existence d'un autre. Passé, présent, la vie, la mort : le dessin même explore ce mouvement que nul ne peut interrompre, imitant sa fugacité, ou déployant sa densité. Pour vaincre la disparition, Dominique Goblet fixe mille sensations qui donnent corps au souvenir : un ciel tumultueux, une pluie fine, la beauté d'une lumière automnale, la quiétude de la forêt, la rondeur et l'éclat réconfortant des châtaignes - le fruit des défunts -, l'harmonie d'un moteur et de deux êtres à l'unisson.Publié initialement en 2001 dans le cadre du projet Récit de ville, Souvenir d'une journée parfaite rappelle qu'une cité se construit par strates : on y détruit, on y jette, on y brûle, on y meurt ; on y construit aussi. On y vit, on y aime.Édité à l'époque à 3000 exemplaires, le livre révéla une artiste majeure, consacrée par la suite avec Faire semblant c'est mentir. Depuis, Souvenir d'une journée parfaite Dominique Goblet a multiplié expositions per- sonnelles, collaborations et résidences, tant en Belgique qu'à l'étranger. Pour appréhender l'oeuvre de cette auteure de renommée interna- tionale, la réédition de Souvenir d'une journée parfaite était donc essentielle.