De ceux qui construisent on ne sait rien, de ceux qui commandent ou ordonnent les travaux moins encore : Yokoyama ne donne à voir que la massivité des rochers, l'étendue des plaines et du ciel, le fracas des matériaux, le travail. Ici, la narration s'efface pour rendre à la bande-dessinée son matériau : le dessin, et sa vocation : l'agencement des formes.Le dessin de Yokoyama aussi bien que ses personnages, leurs (absences de) motivations, les actions auxquelles ils se livrent restent étrangers aux codes et aux habitudes propres à la bande dessinée japonaise. Ce pourquoi ses planches sont souvent qualifiées de néo-manga.
Avec ce sixième ouvrage, Yûichi Yokoyama frappe haut, frappe fort et frappe où on ne l’attend pas. Délaissant un moment sa manière habituelle – la ligne claire incisive, parfaitement maîtrisée, rehaussée d’aplats noirs et de trames reconnaissable entre toutes –, il offre avec Baby boom sa première bande dessinée en couleurs. Baby boom est un recueil de saynètes ultra-rapides animées par deux personnages récurrents, un « oiseau » (l’animal à tête noire sous le masque duquel l’auteur aime se figurer) et un « poussin », engagés dans toutes sortes de jeux et d’activités propres à l’enfance : cerceau, cubes, baignade, pliages, dessin, goûter, construction, bac à sable, saut dans les flaques… Dessinant vigoureusement à l’aide de deux couleurs de feutres (dont il change à chaque scène ou à chaque page), Yokoyama a laissé à ses dessins leur fraîcheur d’esquisses. Par leur rapidité d’exécution, par leurs contrastes colorés, ses planches sont le prolongement évident et communicatif de la joie frénétique de l’oiseau, du poussin et de leur bande de copains. Nouvelle clé d’accès à une œuvre trop souvent jugée austère, sérieuse et froide, Baby boom – livre de l’enthousiasme – expose ainsi au grand jour pour la première fois l’un des ressorts les plus puissants de l’œuvre de Yûichi Yokoyama : sa part d’enfance.
Dès son premier long métrage, À Bout de souffle (1960), Jean-Luc Godard se montre attentif à la bande dessinée, au roman-photo et à la publicité. Il s'empare de ces images populaires pour construire certaines séquences cinématographiques, y fait des allusions ou les cite dans ses films, mais surtout - de façon plus originale et plus méconnue - s'en empare hors écran. C'est ainsi qu'entre 1960 et 1968, Godard fait accompagner ses films, dans la presse, d'un important appareil promotionnel qui puise aux registres de la BD et du romanphoto.Au-delà de leur aspect publicitaire, les bandes dessinées et les « romansfilms » conçus pour À Bout de souffle ou Alphaville participent à la fabrication de l'oeuvre. Le scénario imagé du Petit Soldat, paru dans Les Cahiers du cinéma, les romans-photos d'Une Femme est une femme et d'Une Femme mariée (conçu par son actrice Macha Méril) sont des prolongements du cinéma hors la salle :Une extension de l'action de l'artiste à tout l'espace médiatique, qui repose sur l'affirmation de la séquence comme fondement de l'acte cinématographique - le moyen pour Godard d'exercer son art en « contrebandes ». Contrebandes Godard reproduit de nombreux documents restés inédits depuis les années 1960 et fait la part belle à plusieurs oeuvres dans leur intégralité. Ces documents sont présentés par Pierre Pinchon et Marie-Charlotte Calafat, historiens del'art.