Si la contre-culture américaine trouve son apogée dans les contestations étudiantes et sociales des années 1960-1970, elle ne constitue pas pour autant un phénomène isolé dans le temps et déconnecté de l'histoire des États-Unis. Ainsi, par un étrange paradoxe, les forces et faiblesses des comic books proviennent tout à la fois de la censure issue de la commission sénatoriale de 1954, mais aussi de la politique volontariste d'éducation voulue par l'administration Eisenhower en réponse à un bip-bip venu de l'espace. La contre-culture sera le fait de cette génération lisant des comics sur les campus : « Merci Spoutnik ! ».Avec l'émergence des comix underground, le mouvement contre-culturel investit la bande dessinée. Mais là encore, cette capillarité des formes trouve son origine dans le courant satirique auquel le magazine MAD a donné naissance en 1952. Et à son tour, à la fin des années 1970, la bande dessinée contre-culturelle donnera naissance à des structures éditoriales pionnières et à un marché en plein essor s'adressant à une nouvelle génération de lecteurs. Aussi, loin d'être un accident de parcours, la contre-culture a profondément bouleversé la société américaine, et elle a trouvé dans la bande dessinée, forme d'expression longtemps méprisée, un partenaire de choix.
Jacob Kurtzberg (1917-1993), dit Jack Kirby est l’un des créateurs les plus importants dans le domaine des comic books américains. Il est à l’origine d’une grande partie des personnages qui alimentent la vague de films consacrés aux super-héros : il a créé, avec Joe Simon, puis Stan Lee, les Avengers, les X-Men, les Quatre Fantastiques, Captain America, Hulk, Ant Man, Thor, le Surfer d’Argent... Et il insuffla à ces personnages une énergie qui lui était propre en faisant éclater le cadre de la bande dessinée américaine, en assumant totalement la part de démesure épique du genre. Géants stellaires, dieux cosmiques et puissances de l’espace sont des motifs récurrents et structurant de son œuvre.En une vertigineuse échelle de Jacob allant de l’humain trop humain jusqu’au dieux créateurs d’univers, Alex Nikolavitch révèle dans cet essai de mythologie comparée les grandes lignes de forces et les systèmes présents dans l’oeuvre de Kirby. Il démontre que Jack Kirby est le créateur d’un système mythologique cohérent pouvant dialoguer avec les anciennes mythologies, celles de la Mésopotamie, de la Grèce ou de la Scandinavie.