Héraclès et Mégara tombent amoureux et fondent une famille. Deux enfants naissent de cet union et tout dans la vie du héros semble changer. Fini les défis et les batailles, la quiétude et la paix semblent être à jamais entrées dans son existence. Mais c’est sans compter sur l’obstination de Héra, qui a juré de le détruire à tout prix. Alors qu’Héraclès est endormi, la déesse lui fait croire que sa maison est attaquée par des monstres et le pousse à nouveau au combat. Une fois réveillé, le héros se rend compte que sa fureur s’est en réalité déchaînée contre les êtres qui lui sont les plus chers ; sa femme et sens enfants, qu’il vient de tuer. Accablé et fou de douleur, Héraclès finit par se retirer au sommet d’une montagne pour expier sa faute dans la solitude la plus totale…
Barcelone, 1943. Des lettres manuscrites fourmillant de problèmes intimes, conjugaux et familiaux, inondent les bureaux de l'une des émissions de radio les plus écoutées du pays. Provenant de femmes de tout âge qui subissent de plein fouet la politique régressive de l'Etat national-catholique, elles sont toutes adressées au Dr Elena Bosch, qui livre à l'antenne ses bons conseils. Eulalia Pilar est l'unique scénariste femme de l'émission ; une fois loin des ondes, la jeune trentenaire parcourt les rues à la recherche de son mari Alfonso, porté disparu, alors qu'elle doit accoucher dans quelques semaines et fait appel au detective Don Mauricio pour mener l'enquête.Mais il se pourrait que, sous sa longue robe noire et ses traits angéliques, la jeune femme cache bien des secrets...
Commencées dans les montagnes du Mexique zapatiste (La pipe de Marcos), puis sur les îles du grand lac du Nicaragua (L'Île de Jamais Jamais), les Voyages de Juan Sans Terre se poursuivent dans la forêt amazonienne, entre l'Equateur et le Pérou. L'auteur aborde ici des thèmes politiques, sociaux, culturels et économiques liés à la réalité de l'Amérique latine. Il y est question des dernières tribus indiennes encore épargnées par la « civilisation », point de départ pour mener une réflexion sur le thème de l'identité.Rio Loco confirme le talent de Javier de Isusi : par ses qualités de scénariste qui allient fiction et témoignage, et par son trait libre et élégant en parfait équilibre entre réalisme et caricature. Un bon exemple du renouvellement du genre « récit d'aventures » à l'époque de la globalisation et du libéralisme forcené.
Peu connu en France, Upton Sinclair est un classique de la littérature américaine. Son oeuvre est proche de celle d'Émile Zola, parson emprise sociale. En 1906, la parution de La Jungle provoqua un scandale sans précédent en dévoilant simultanément la misère ouvrière et l'absence de contrôle sanitaire dans les abattoirs détenus par les trusts de la viande. L'adaptation de Peter Kuper met en scèneune famille d'émigrants pris dans la jungle industrielle de Chicago et n'est pas sans rappeler la situation actuelle de millions d'immigrants illégaux aux Etats-Unis. Le rêve américain vire rapidement au cauchemar pour Jurgis et sa famille : misère, conditions sociales déplorables, exploitation. Dans son style très personnel par une savante utilisation de la couleur, Peter Kuper réussit une oeuvre d'une rare puissance, digne des meilleurs Mattotti.
La publication de l'édition anniversaire de Sin City s'achève avec la sortie du deuxième tome qui comporte les trois dernières histoires de la série (Valeurs Familiales, Des filles et des flingues et L'enfer en retour). Ce volume 2 comprend aussi une galerie de toutes les couvertures réalisées par Frank Miller et mises en couleur par Lynn Varley. Suivent plus de 100 pages de croquis, illustrations, études et la bibliographie complète de toutes les premières éditions originales (en comics et en volume) ainsi que des premières éditions en langue française. Le premier volume (sorti en décembre 2009 et aujourd'hui épuisé) comprenait les quatre premiers épisodes de la série : The Hard Goodbye, J'ai tué pour elle, Le Grand carnage et Cet enfant de salaud.Le tirage du volume 2 est limité et seulement 3200 exemplaires du livre sont disponibles à la vente. Les deux tomes ne seront pas réimprimés.
Anna poursuit sa marche dans la ville en feu, où la lumière crue des flammes déchire la nuit éternelle qui paraît tout envelopper. Sous ses yeux, des images défilent, des scènes brutales, des découvertes douloureuses et des rencontres révélatrices. Sont-elles des séquences d'un film jamais projeté ou bien des hallucinations provoquées par le « lait noir » ? La quête d' Anna, complètement déboussolée, touche pourtant à sa fin ; il est temps pour le Cinéma Zénith de dévoiler tous ses secrets... Ce troisième et ultime volet de Cinéma Zénith montre Andrea Bruno au sommet de sa recherche visuelle et de son expérimentation narrative. Fragmentaire, faisant continuellement se succéder des images qu'il retient avant d'en déclencher leur pleine puissance, le récit se fait ici choral. Y résonne alors l'écho de tout un imaginaire littéraire, d'angoisses ataviques ainsi que d'allusions politiques.
« Poser un lapin », « Avoir d'autres chats à fouetter », « En faire un fromage », « Courir sur le haricot »... Ce ne sont que quelques-unes des expressions dont la langue parlée regorge et qu'Héloïse Guerrier a recueillies et commentées dans ce florilège illustré par David Sánchez. Héloïse Guerrier retrace l'origine de chaque locution et son évolution dans le temps tandis que David Sánchez la met en scène dans une interprétation toute au premier degré. La juxtaposition des textes et des dessins aboutit à un résultat surprenant, restituant à chaque expression son côté hilarant, surréaliste, parfois même inquiétant que son usage quotidien a peu à peu estompé. Les textes, ce qui ne gâte rien, sont aussi traduits en anglais et en espagnol pour venir à l'aide de tous ceux qui veulent initier leurs amis allochtones aux « subtilités » de la langue de Molière.
Ometepe est la plus grande île lacustre au monde et se trouve sur le lac Cocibolca, au Nicaragua. Ometepe est un de ces endroits dont la beauté a inspiré poètes et écrivains, et où la frontière entre le réel et l'imaginaire ne semble plus exister. Ses deux volcans rappellent les seins fermes d'une jeune fille. De ses eaux surgissent des femmes sublimes qui se transforment soudain en anguilles.Des lutins se promènent souvent dans ses rues, sans que personne ne soit effrayé...Javier de Isusi réunit dans ce livre six contes inspirés de légendes indiennes et de vieilles histoires qui vivent encore dans la mémoire des habitants de l'île.Les lecteurs des voyages de Juan sans terre retrouveront les atmosphères et les personnages chers à Javier de Isusi qui a troqué, cette fois, l'encre de chine pour une boîte d'aquarelles, nous livrant des pages à la poésie délicate et à la beauté sensuelle. À lire absolument quand la réalité devient trop envahissante et ne laisse plus de place à l'imagination.
Sorti pour la première fois en France en 1994 (un an après sa sortie en album aux États-Unis), le premier volume de la saga de la Ville du péché est considéré comme une des oeuvres majeures de Frank Miller, qui a marqué l'histoire de la bande dessi-née. Politiciens véreux, prostituées, femmes fatales, voyous et pauvres types se croi-sent dans les pages de Sin City, composant une fresque cynique et parfois ironique d'une société malade. Hybridation entre roman noir, univers des super-héros et codes du manga, Sin City surprend encore aujourd'hui par son scénario admirable-ment construit et l'élégance puissante du noir et blanc de Miller.À l'occasion du vingtième anniversaire de sa première sortie, Rackham réédite l'intégralité de la série dans un nouveau format et avec de nouvelles couvertures, en com-mençant par ce premier volet qui va prendre désormais le titre de The hard goodbye que Miller lui a attribué en hommage à Raymond Chandler.
En décembre 1991 et janvier 1992, pour connaître un autre point de vue que celui donné par les médias américains, Joe Sacco part en Palestine dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. De ses ren-contres dans les camps de réfugiés et les territoires occupés, il tirera un livre majeur qui marquera l'acte de naissance du journa-lisme en bande dessinée.Palestine offre un bouleversant témoignage humain et un docu-ment de première importance sur le conflit israélo-palestinien qui, à des années de sa première publication, n'a pas perdu une once de sa pertinence et de sa force. Cette édition de Palestine, désormais considéré comme un des grands classiques de la bande dessinée de reportage, est accompagnée d'une préface originale de l'intellectuel et critique littéraire palestinien Edward Said ; et d'un texte où Sacco commente les passages clé de son livre tout en fournissant un éclairage précieux sur sa méthode de travail. Cette partie introductive est illustrée par de nombreux documents tels des pages des carnets de l'auteur, des esquisses et des photos.
De septembre 1999 à mai 2000, Troub's a suivi de ferme en ferme - de la Dordogne à la Charente - un des derniers bouilleurs de cru du pays. Dès potron-minet, le travail se fait harassant, mais les effluves d'alcool aident les langues à se délier, car la « bouille » est le moment privilégié pour les paysans du coin de voir du monde, discuter autour de l'alambic, remémorer les souvenirs... et boire un petit gorgeon.Motivé par le désir d'en savoir plus sur ce monde nocturne et discret, sur cet ancien métier promis à la disparition mais aussi soucieux de connaître plus en profondeur la réalité qui l'entoure (l'auteur habite la Dordogne), Troub's est devenu apprenti bouilleur et reporteur. Il a tiré de ces huit mois de travail une bande dessinée marquée d'humanisme et d'humour, riche de détails sur le métier de bouilleur, ses usages, ses outils. Dix ans plus tard, Troub's retrouve le monde de la « bouille » et ajoute un nouveau chapitre à son livre : qu'en est-il aujourd 'hui des bouilleurs de cru, que sont devenus ces hommes, que reste-t-il de cet univers riche en traditions et en humanité...
Tel Caron, le passeur du Styx, un Arlequin en noir et blanc nous fait traver-ser un marais brumeux vers une banlieue jadis prospère et à présent déser-tée où ne demeurent plus que les laissés pour compte. Des gens sans travail ni espoir, se traînant d'un bistrot minable à un immeuble lépreux, survivant au jour le jour de combines et de menus larcins. Cette ville qui se délite au-tour d'eux les opprime, les anéantit, au point que leur désespoir n'arrive même plus à se muer en révolte mais se cristallise en une haine stupide et aveugle.Andrea Bruno ne se contente pas de nous raconter une banale histoire de vol de voiture ; il évoque, par des dialogues fragmentés et des images à la beauté violente, toute la détresse de cette humanité perdue. Bruno répand l'encre noir du pessimisme sur la blancheur aveuglante du papier ; il tra-vaille et contraint la lumière, la fait jaillir de la page et gicler dans nos yeux.Samedi répit est un coup de poing au ventre, douloureux mais nécessaire.
Wallace, un illustrateur de presse, ancien du Vietnam, sauve une jeune fille du suicide. Leur rencontre tourne vite à l'idylle, hélas de courte durée, car le premier baiser échangé est arrêté net par un coup de feu. Quand il se relève, Esther a été enlevée. Wallace a maintenant un objectif dans la vie, retrouver Esther et la sauver de ses ravisseurs. Sin City la noire ne trahit pas sa réputation sulfureuse. Aux malfrats les plus terribles s'opposent un nouveau héros au grand coeur et des filles pulpeuses. Si cet épisode de Sin City est avant tout une histoire d'amour, tout comme l'épisode fondateur, c'est aussi pour Frank Miller une nouvelle occasion de renouveler son art. Au choc du noir et blanc et de la bichromie, Miller oppose un chapitre délirant, entièrement mis en couleur par Lynn Varley où l'on retrouve tous les personnages ou héros fétiches de sa carrière, de Elektra à Clint Eastwood, en passant par Hagar Dunor. C'est également le plus long épisode de la série, avec plus de 300 pages de bandes dessinées.
Caricature réunit neuf histoires de Daniel Clowes (Caricature, Blue italian shit, La maman dorée, MCMLXVI, Comme une brindille, Joe, Immortel, invisible, Eyeliner vert, Gynécologie, Nylon noir) publiées à l'origine dans la revue Heightball. Toutes ces histoires sont liées par le fil rouge de la solitude urbaine et du désespoir : Le caricaturiste de foire, le puceau qui s'installe en ville, la blonde obsédée par l'ancien camarade de classe devenu star de la télé, le jeune homme qui se prend pour un super héros... autant de portraits déformés, immergés dans une réalité décalée et trouble qui se situe quelque part, aux antipodes du rêve américain, dont Clowes dévoile les inquiétantes coulisses. « Ces histoires reflètent toute la sophistication de l'univers de Daniel Clowes : étrangeté, ironie, nostalgie, obsession du détail. Des récits de vie quotidienne servis par un dessin des plus modernes et terriblement efficace » (Les Inrockuptibles) Les pages de Caricature sont sans doute parmi les meilleures de Daniel Clowes : à découvrir ou redécouvrir.
Soba était en train de devenir une rock star avant que la guerre éclate et l’oblige à partir se battre. Maintenant, la paix en Bosnie est proche, Soba évoque son passé et s’interroge sur son futur. Que va-t-il faire quand la guerre finira ? Va-t-il rester dans la Sarajevo qu’il aime tant et pour laquelle il a risqué sa vie ? Va-t-il partir ailleurs, où la vie sera sans doute plus facile et le succès semble à portée de main ?Héritier du « nouveau journalisme », Joe Sacco raconte en toute subjectivité ses voyages dans un monde en feu. Ici : son séjour à Sarajevo entre 1995 et 1996.Les accords de Dayton viennent alors d'imposer un cessez-le-feu, mais les balles traçantes illuminent encore la nuit bosniaque. Muni d'une carte de presse, le dessinateur hante les décombres. Ainsi, lors d'une messe de Noël, il croise Karadzic qui avait déclaré que « les Sarajéviens ne compteront pas les morts, ils compteront les survivants ».Son portrait de Soba, le sculpteur poseur de mines, restera un modèle de reportage graphique.
Love & Rockets X est sans doute une des oeuvres majeures de Gilbert Hernandez ; pour la première fois, l'auteur développe son récit dans un lieu et à une époque facilement identifiables : Los Angeles à la fin des années quatre-vingt.Cette histoire aux multiples facettes et dans laquelle évoluent près de trente personnages, fait écho à Nashville, le film de Robert Altman tourné en 1977, pas seulement dans la structure mais aussi dans les intentions. Love & Rockets X se déroule juste avant deux événements emblématiques de la décennie : la Guerre du Golfe et l'affaire Rodney King qui hante déjà, comme des fantômes, le récit de Gilbert Hernandez.Love & Rockets X parle en effet des tensions, des conflits, des espoirs et des rêves d'une génération et dresse une sorte d'état des lieux des problèmes raciaux, sexuels et politiques de la société américaine. Dix ans après, la bande dessinée de Gilbert Hernandez n'a rien perdu de sa charge émotionnelle et de sa finesse dans l'analyse psychologique et sociologique des personnages comme des situations.
Vasco, toujours à la recherche de son ami Jean Sans Terre, se rend du Chiapas zapatiste au Nicaragua, où l'attendent des nouvelles et surprenantes rencontres. Dans l'oeuvre de Javier De Isusi, le choix du lieu n'est jamais laissé au hasard. Tout comme le Chiapas l'est de nos jours, le Nicaragua a été un lieu de conflits et révolutions, avant d'être effacé de la mémoire collective par l'indifférence des médias. Poursuivant dans la quête de l'insaisissable Jean, Javier De Isusi nous plonge d'emblée dans la réalité de ce pays oublié en relatant avec beaucoup d'émotion le quotidien des gens, leurs rêves et leurs souffrances. Les personnages, dotés tous d'une forte valeur symbolique, auxquels Javier donne vie au fil du récit, racontent chacun sa propre histoire qui est aussi celle d'un peuple, d'un pays, d'un continent. Les références littéraires, historiques et cinématographiques s'accumulent dans l'oeuvre de De Isusi en l'enrichissant sans jamais l'alourdir, pour donner vie à un beau récit d'aventures qui est aussi un étonnant guide de voyage.
De 2008 à 2011, Pino Creanza a séjourné à plusieurs reprises au Caire. Fasciné par les trésors d'art de la capitale égyptienne ainsi que par son cosmopolitisme et son exceptionnelle vitalité, il en tire chaque fois ce qu'il appelle des « cartes postales », courtes bandes dessinées faites de tranches de vie, de faits divers, de fragments d'histoire et de paysages urbains. Les mosquées, le nilomètre de Rodah, la ville des éboueurs... mais aussi les manifestations de la Place Tahrir, l'affaire Talaat Moustafa, l'activisme des blogueurs, la chute de Moubarak. Entre deux voyages, s'ajoute au souvenir des expériences vécues sur place le besoin d'approfondir, de comprendre : le touriste devient reporter. Creanza compose ainsi une mosaïque aux multiples facettes, un portrait insolite du Caire, miroir des tensions qui ont traversé la société égyptienne et qui ont débouché sur la Révolution du 25 janvier.Observateur sans préjugés, Creanza nous livre un témoignage précieux pour comprendre non seulement les événements qui se sont déroulés ces dernières années en Égypte, mais aussi ce qui est en train de s'y produire aujourd'hui.
Le Mexique et les États-Unis partagent une frontière commune longue de 3200 kilomètres dont un tiers est marqué depuis vingt ans par un haut mur de métal rouillé. Censé empêcher aux migrants d'entrer clandestinement aux États-Unis, cette barrière - que le président Trump voudrait étendre à l'ensemble de la frontière - n'est qu'un rempart dérisoire qui oblige cependant les candidats à l'exil à emprunter les routes dangereuses du désert et des montagnes où beaucoup d'entre eux finissent pour y laisser la vie. Au printemps 2017,Renato Chiocca et Andrea Ferraris ont voyagé le long de ce monument à la haine et à l'ignorance, ont écouté les histoires de ceux qui vivent à l'ombre du mur et recueilli le témoignage de ceux qui portent de l'aide aux migrants, les sauvant parfois d'une mort certaine et leur assurant un accueil dans la dignité et le respect de leur droits. Dans La Cicatrice, Chiocca et Ferraris racontent leur périple le long de ce «mur de la honte» nous rapprochant de son effrayante réalité et nous poussant à réfléchir à d'autres manières, plus sensées et humaines, de résoudre cette urgence devenue désormais planétaire.
En 1825, Mordecai Noah, un politicien new-yorkais et écrivain de théâtre amateur, est possédé d'une vision utopique : rassembler les tribus perdues d'Israël sur une île près de Buffalo dans l'espoir d'y établir un état juif. L'échec de son plan, une note de bas de page dans l'histoire du judaïsme américain, est le point de départ de la brillante épopée que Ben Katchor imagine dans les rues de New York quelques années plus tard. Un boucher kasher déchu, un importateur d'articles religieux et de lingerie féminine, un homme qui veut gazéïfier un lac, un pélerin qui vend du sable de la terre promise. Ce ne sont là que quelques-uns des personnages qui évoluent dans l'univers de Katchor, luttant pour s'établir à New York, emportés dans une frénésie financière qui pourrait tout autant les mener à la ruine que vers un futur meilleur.Le Juif de New York est une comédie burlesque menée de main de maitre par un conteur hors-pair. On ne sait jamais où s'arrête la réalité et où commence la fiction dans ce carnaval de pélerins, de kabbalistes et d'entrepreneurs . L'ouvrage, édité en Italie, au Japon et prochainement en Espagne, a remporté aux Etats-Unis un vif succès tant auprès de la critique que du public.
Abîmée par une longue relation sentimentale, une jeune femme décide de renouer avec sa sexualité et de faire de nouvelles rencontres. Son sésame : une application qui lui permet de contacter des inconnus directement depuis son smartphone pour partager, le temps d'une nuit, des instants de plaisir. Ses débuts sont hésitants, oscillant entre amusement, déception, voire ennui que ces rencontres lui procurent. Tandis qu'elle doit faire face au jugement de son père et à l'obstination de ses amis qui l'encouragent à se trouver un petit ami, la jeune femme cache sa fragilité derrière des comportements décomplexés et destructeurs.Peu à peu, contre toute attente, elle parvient à recouvrer l'estime d'ellemême et à s'ouvrir à des relations plus profondes et sincères, constatant que la quête d'une simple entente sexuelle peut conduire à une lente exploration et appréhension de soi et de l'autre. Au carrefour de la fiction, de l'autobiographie et de la critique sociale, Je ne te connais pas de Cristina Portolano ébranle tout stéréotype ou moralisme facile sur le sujet en l'explorant avec légèreté, mais loin de toute superficialité. Adoptant un point de vue féminin, elle revendique la sexualité en en faisant un élément incontournable de la construction de soi et retrace avec une grande précision les plaisirs et les difficultés menant à la connaissance de l'autre.
An 1847. Résolus a s'emparer de la Californie, les Etats-Unis déclarent la guerre au Mexique et en envahissent le territoire.Dans les rangs de l'armée occupante, un bataillon entier - le Saint-Patrick - prend la décision de déserter. Ses hommes - tous des immigre s irlandais, espagnols et polonais - ne supportent plus les discriminations, les violences et les exactions de leurs officiers yankees. Désormais, dans cette guerre meurtrière et injuste, ils vont se battre aux côtés des mexicains. Ils sont devenus les San Patricios.Dans la colonne yankee qui sans relâche poursuit les déserteurs, chevauche Rizzo, un jeune sicilien. Arrive au Nouveau Monde dans un bateau charge d'hommes et de femmes fuyant la faim et la misère, Rizzo s'est enrôlé en e change d'une promesse d'obtenir la citoyenneté et un lopin de terre. Devant le village de Churubusco, dernier rempart des rebelles, lui aussi va devoir choisir de quel côté se ranger.Churubusco surgit des plis - réels et imaginaires - de l'Histoire pour raconter la fin héroîque de l'impossible rêve de liberté des San Patricios. Le récit d'Andrea Ferraris - pétri de poussière et de sang - nous rappelle a chaque page que se dresser contre les abus et l'oppression est juste et nécessaire. Quel qu'en soit le prix a payer.
Ceux qui l'ont fait, savent que traverser des continents ne garantit pas la rencontre avec l'altérité : au bout du chemin, vous avez toutes les chances de ne rencontrer que vous-mêmes, vos certitudes, vos aprioris, vos limites. Mais traversez votre jardin, votre palier, et allez voir votre voisin : votre monde vacille, vos certitudes morales s'écrasent contre un mur, tout ce que vous teniez pour évident se fissure.Dans une bande dessinée, on considère ce qu'on voit comme porteur d'une double évidence : l'image ne laisserait rien échapper à notre regard, elle serait l'affirmation d'elle-même rendue plus évidente encore par le récit, dont elle ne serait que le contexte. Et si le fait même de regarder devenait l'objet d'un récit ? S'il n'y était question que de rapports entre différentes façons de regarder, angles de vues, moments du regard ? Et si cette question prenait son sens dans la sphère politique, où un monde, une nation, une cité se construisent en ne donnant à voir que certains points de vue appelés réalité ? Dans le chaos apparent des images de Moins par moins se dessine une forme d'éducation au regard, une conscience rénovée de la puissance politique des images.
Une jeune fille erre dans une cité ravagée par un tremblement de terre où se font face ses habitants insoumis et une mystérieuse armée d'occupation. Sa progression vers le centre ville, dont l'accès est interdit à toute personne, est rythmée par des apparitions, des rencontres inattendues et des incidents curieux. Dans une ambiance qui se fait de plus en plus inquiétante, elle se retrouve enfin face à la devanture de ce qui fut le Cinéma Zénith... Dans cette oeuvre en trois volets, Andrea Bruno revient aux thématiques qu'il avait développé dans Bouillon de Néant : la guerre, ou mieux, les conséquences de la guerre sur les personnes et les choses. Dans Cinéma Zénith, Bruno explore toutes les possibilités offertes par le récit fragmentaire : les images, puissants contrastes de noirs profonds et de blancs purs, se succèdent dans un flux ininterrompu, tels des photogrammes de court-métrages projetés sur l'écran d'un cinéma abandonné ; les textes, qui rythment l'histoire et suspendent ce flux pour un court instant, ne sont à leur tour que des fragments : les souvenirs de la protagoniste, les passages d'une lettre qui lui a été adressée, les courts paragraphes d'un hypothétique guide de la ville. Récit visuel par excellence, Cinéma Zénith dégage une force et une ambiance dignes du cinéma de Tarkowsky ou de Béla Tarr.
Née d'une famille de pêcheurs qui vit sur une île, à l'écart de tous, Emad se révèle être différente dès sa plus tendre enfance : elle ne parle pas et ne s'exprime que par des simples interjections. La chamane appelée pour prédire son avenir dit qu'elle est chaude et froide, maladroite sur terre et à l'aise dans l'eau car elle est née sous le signe des poissons, de la Morue et du Barracuda. À l'âge de dix ans, Emad est donnée en mariage à un vieil homme dont le seul souci est de lui offrir l'enfance heureuse que ses parents lui ont toujours refusé. Emad apprend à parler, à rire, à jouer de la musique... La guerre met fin à son bonheur et marque le début de ses pérégrinations. Elle devient servante brimée, puis bonne dans un hôtel où elle revitles souvenirs les plus douloureux de son enfance aux travers des mal-heurs des clients. Jusqu'à ce qu'Emad rencontre Baldo, avec qui elle va connaître l'amour et le bonheur, puis la tristesse et la colère...Fable morale sur le sens de l'existence, Qui a peur d'Emad Ellieiv ? réunit tous les thèmes chers à Kati Kovács : la découverte du monde adulte, le besoin de liberté, la jouissance de la vie. Tout en aquarelles, son trait sensuel et son style efferves-cent lui permettent aussi d'aborder des sujets graves avec une légèreté à peine teintée de mélancolie, entourant son récit d'une beauté étrange et profonde.
Nés - selon la légende - en 1994 sur le comptoir d'un bar, Oncle Gabby et Drinky Crow trimballent depuis leur carcasse entre combats navals, chasses aux monstres marins, bagarres futiles, expériences pseudo-scientifiques et mémorables beuveries. Ignobles, violents et sanguinaires, ils mènent une vie de débauche tout en essayant régulièrement et en vain d'y mettre fin : on ne compte plus les fois où ils se sont fait sauter la cervelle, ont été mutilés, écrasés, déchiquetés ou brûlés aux enfers. Les morts et résurrections à répétition d'Oncle Gabby et de Drinky Crow ont pour toile de fond des dé-cors féeriques, paysages paisibles, somptueuses marines et jardins luxuriants, et s'enchaînent page après page dans un crescendo de gags toujours plus absurdes, excessifs et hilarants. Un vrai hommage à Krazy Kat de George Herriman par l'auteur de l'incontournable série Sock Monkey. Sentimental et héroïque, grotesque et scatologique, Maakies est un répertoire tout en contrastes des misères humaines, où l'humour bête et méchant cohabite avec un dessin d'une rare élégance ; l'un évoquant toute la laideur du monde moderne, l'autre le souvenir nostalgique de sa beauté passée et le désir de la retrouver.Maakies vol.1 reprend le format à l'italienne des éditions originales américaines. Rackham en publiera l'intégralité au rythme d'un volume tous les 6 mois.
Avant de réaliser les deux chefs-d'oeuvre du « journalisme en bande dessinée » que sont Palestine et Gorazde, Joe Sacco a dessiné de nombreuses histoires courtes tenant souvent en une seule page mais pouvant parfois aller jusqu'à une trentaine de planches. Journal d’un défaitiste présente la quasi totalité de ces travaux journalistiques et autobiographiques, où figurent notamment des histoires de guerre : Quand les bonnes bombes tombent sur les méchants, qui retrace l’histoire des bombardements des populations civiles ; Plus de femmes, plus d’enfants, plus vite, où Sacco raconte les expériences endurées par sa mère lors de la Seconde Guerre mondiale à Malte ; et Comment j’ai aimé la guerre, suite de récits plus personnels et plus proches des derniers travaux de Sacco, réflexion passionnée et caustique sur la couverture médiatique de la Guerre du Golfe. S'en suivent des histoires telles que En compagnie des longs cheveux, pièces de journalisme-gonzo sur la tournée européenne d’un groupe de rock qu’il suit sur les chemins de tous les excès et, pour terminer, une série de courts récits où l’auteur laisse libre cours à sa débordante veine satirique. Journal d’un défaitiste condense tous les sujets que Joe Sacco affectionne dans une sorte d’inventaire de ses formidables talents journalistiques. De fait, les lecteurs de ses oeuvres plus récentes pourront retrouver dans ce livre son trait expressif, sa prose brillante et ses commentaires subtils.
Fermín Solís, s'écarte, le temps d'un album, du registre autobiographique et brosse un remarquable portrait de Luís Buñuel, autour du récit du tournage de Las Hurdes, terre sans pain. Ce film documentaire, tourné en 1932 dans la région de Las Hurdes (Estrémadure), montre la vie quotidienne des paysans qui habitent cette région isolée de l'Espagne tout en évoquant, par une séquences d'images à la beauté amère et terrible, les moindres détails de leur inimaginable misère.Oeuvre emblématique de par son message, ses qualités formelles ainsi que par les circonstances de sa réalisation, Terre sans pain a fourni à Fermín Solís l'inspiration pour réaliser son portrait du cinéaste. Du Paris des surréalistes à l'Estrémadure, Solís imagine les péripéties et les errances de Buñuel et ses compagnons dans les montagnes arides de Las Hurdes, leurs rencontres avec les misérables hurdanos et les épisodes souvent grotesques qui ont pu émailler la réalisation de ce film. Puisant dans les rares documents existants sur Terre sans pain, Solís déroule le fil de son récit en parcourant les chemins de la fiction : une fiction nourrie par les images du film mais aussi par de savoureuses séquences oniriques où Solís met en scène les thèmes obsessionnels de Buñuel.Fermín Solís réussit ainsi un portrait magistral du cinéaste, de l' homme et de l'artiste, sans oublier aucune de ses différentes facettes, parfois complexes et contradictoires.
Le salon de thé de l'Ours malais (finaliste du Premio Nacional del Comic 2007 en Espagne) présente douze histoires en partie inédites et en partie publiées dans la revue Dos veces breve. Le talent de Rubín s'exprime à travers les thèmes qui lui sont chers et que les lecteurs français ont déjà pu apprécier dans Hors d'atteinte : le mythe de Prométhée, le héros déchu, est le fil conducteur qui parcourt tous les récits de ce livre et offre à l'auteur le prétexte pour explorer la condition de l'homme contemporain. OEuvre charnière d'un parcours artistique en constante progression, Le salon de thé de l'Ours malais désigne sans doute Rubín comme l'un des auteurs espagnols à suivre dans les prochaines années. Depuis la sortie en 2005 de El circo del desaliento - dont une partie a été publiée en France par Rackham sous le titre Hors d'atteinte - le travail de David Rubín n'a pas cessé d'évoluer et ce galicien est aujourd'hui un des auteurs les plus prometteurs de la jeune génération espagnole.À 33 ans, David Rubín a sans doute atteint une maturité qui se manifeste tant par un dessin d'une élégance rare, une parfaite maîtrise de la composition qui aboutit à des pages très dynamiques, que par l'extrême sensibilité qui habite tous ses personnages, toujours aussi fragiles et attachants. Attentif aux expériences venues d'ailleurs (du Japon comme des États-Unis), Rubín a su synthétiser ces influences dans un style original qu'il a affiné sans relâche au cours de ces dernières années.
Kim Jong-il balance une bombe atomique sur Seattle, pendant que Perry - informaticien de son état - et Gordo, apôtre du retour à la nature, se baladent dans les bois de la région. Perry et Gordo sont plongés dans l'impitoyable lutte pour la vie dans un décor post-apocalyptique digne d'un The Day After dirigé par Claude Zidi ! Au fil des pages, toujours aux prises avec des situations de plus en plus inconfortables, les deux compères glissent inéluctablement de l'instinct primordial de survie à la dépravation, la cruauté et le mal absolu. Ce qui offre la possibilité à leur créateur de disserter sur des thèmes qui vont des valeurs familiales aux relations entre les sexes, de la paranoïa qui imprègne la société contemporaine aux effets dévastants de la diarrhée ; toujours avec l'humour acéré qui est le sien. Sur un rythme moins frénétique et déglingué que dans Hate ou les Bradleys, Bagge focalise son récit sur des considérations philosophiques sur la vie et la mort et se démontre en tout cas beaucoup plus indulgent avec ses personnages, tels Perry, l'everyman totalement désemparé face à des situations extrêmes.Si le récit se fait plus linéaire et fluide, loin des retournements explosifs de la saga de Buddy Bradley, Peter Bagge reste pourtant incapable de dessiner sans nous pousser au fou rire, même dans les circonstances les plus dramatiques. Proche des dernières expériences de Bagge, qui s'est récemment consacré au journalisme politique dans les pages de Reason ou sur suck.com, Apocalypse Nerd témoigne de l'extraordinaire vitalité créative de cet incontournable auteur.
26 avril 1937. Un déluge de bombes franquistes s'abat sur Guernica, emportant la femme et l'enfant de Tomka. En quelques instants, sa vie bascule. La loi de son peuple exigeant que les coupables soient condamnés à mort, le gitan rejoint l'armée républicaine, bien décidé à abattre les assassins de sa famille. Enrôlé auprès des « Gadjé », cet étranger qui n'a plus soif que de vengeance survit à la faim et à la discipline militaire qu'il juge absurde. Au siège de Huesca, il rencontre une belle et courageuse combattante basque, Amalur. Tandis que la passion qui naît aussitôt entre eux les aide à surmonter les épreuves et semble les protéger de la folie meurtrière des hommes, sur le chemin de l'exil, un ultime drame les attend...Grâce à des images puissantes et des dialogues vifs, Massimo Carlotto et Giuseppe Palumbo plongent au coeur d'un conflit, à un tournant de notre histoire contemporaine où pourtant, durant un instant, « les paroles de chansons et le sens des rêves ont eu une chance de devenir réalité », selon Carlotto. Faisant défiler les faits historiques en toile de fond, ils donnent un relief éloquent à leurs personnages, tous inéluctablement happés par l'engrenage infernal de la guerre civile espagnole. À travers l'histoire de Tomka, celle d'un syndicaliste noir américain fuyant le Ku Klux Klan ou encore celle d'un militaire marocain devenu chair à canon des franquistes, c'est la mémoire de tous ceux qui se sont battus contre le fascisme pour leurs idéaux qui se rallume.
Une certaine partie du corps de la femme, celle que Gustave Courbet a évoquée dans son tableau L’origine du monde, a suscité et continue de susciter l’intérêt un peu trop “vif“ de certains représentants de la gent masculine. C’est ainsi que le Dr. Kellogs, l’inventeur des corn-flakes, a pu affirmer que la masturbation provoque le cancer de l’utérus et le Dr. Baker-Brown a pu préconiser l’éradication de l’onanisme féminin par l’ablation du clitoris (la dernière a été pratiquée en 1948). Si le corps médical n’y va pas avec le dos de la cuillère, les philosophes ne sont pas en reste. Jean-Paul Sartrepeut ainsi écrire « ... le sexe féminin... est un appel d’être, comme d’ailleurs tous les trous ». Sous la plume acérée de Liv Strömquist défile toute une galerie de personnages (pères de l’église et de la psychanalyse, pédagogues, sexologues) dont les théories et les diagnostics ont eu des conséquences dévastatrices sur la sexualité de la femme. Après avoir disséqué dans Les Sentiments du Prince Charles le mariage en tant que construction historique et sociale, Liv Strömquist lève le voile sur des siècles de répression sexuelle et fait voler en éclats toutes les idées fausses autour du sexe féminin, sans oublier d’égratigner - au passage - l’obsession de notre culture pour la sexualité binaire. Dans ce nouvel essai en bande dessinée, Liv Strömquist nous surprend encore une fois par la justesse et la clarté de son analyse, ses allers et retours effrénés entre passé et présent, ses parallèles inattendus et, surtout, son humour au vitriol.
« Tu poursuivras la bête et la transperceras de ta flèche. Tu couperas sa tête, mangeras son coeur et boiras son sang. Elle t'apprendra à voir le vrai visage du monde ».Obéissant à l'oracle, l'homme se met à traquer l'animal, gibier capable de sustenter toute sa famille, toute sa tribu. S'enfonçant dans la forêt inhospitalière, nécrosée, le chasseur flaire sa pâture, perd sa trace puis la retrouve. La quête devient alors initiatique : la proie se fait guide, l'homme et l'animal, s'agrègent pour écrire, par-delà l'espace et le temps, leur tragédie commune.Dans ses précédents travaux de bande dessinée (Psychonautes) et de cinéma d'animation (Psiconautas, los niños olvidados et Decorado), Alberto Vázquez dénonçait les ravages de la pollution massive et la déshumanisation croissante de notre modèle social. Autant de métaphores dystopiques qui lui ont permis de mettre en évidence l'échec de la modernité, que la science et le progrès, ces mythes, ne peuvent désormais plus enrayer.Ces thèmes constituent de nouveau le coeur de La chasse, haletant récit de traque et de survie mêlant rites primitifs et initiatiques où Vázquez recompose le couple ancestral homme/ animal, lui seul qui pourrait endiguer la destruction du vivant. Tissées d'échos à l'art pariétal, à la peinture classique chinoise ou encore à l'expressionnisme sombre de Lynd Ward et Frans Maaserel, les pages de La chasse sont de plus émaillées de lavis saisissants. Le tout est mis au service d'une allégorie puissante à la poésie déchirante, qui incite à la réflexion.
Quelques jours après la chute du mur de Berlin, un homme revient dans la ville qui l'a vu naître... et que peut-être il n'a jamais quitté. Il en arpente les rues dans un périple sans fin et ne s'arrête que pour écrire des courtes lettres à sa grand-mère, sans pourtant en attendre une réponse. Le passé refait lentement surface et ses souvenirs se fondent aux récits entendus de la bouche de ses proches... Il est entouré par des ombres qui se dessinent sur les murs ; les façades fatiguées des immeubles lui renvoient l'écho de langues désormais oubliées. Les fantômes des anciens habitants, que le XXe siècle finissant a emporté avec lui, l'entourent mêlant leurs voix avec celles des hommes et des femmes, ceux-ci bien réels, qui les ont remplacés.En redonnant vie et forme à ses souvenirs familiaux, Elettra Stamboulis brosse par petites touches un portrait intime de Salonique, trait d'union entre l'Orient et l'Occident, ville à l'histoire millénaire et aux multiples facettes séfarades, valaques, arméniennes, pontiques, albanaises ; ville emblématique d'un pays à l'identité hybride, la Grèce. Le récit d'Elettra Stamboulis en parcourt l'histoire récente : l'Occupation allemande, l'extermination presque totale de sa communauté juive, la Guerre civile qui l'a divisée et ensanglantée, comme le pays tout entier. La plume d'Angelo Mennillo redouble la dimension poétique du texte de Stamboulis et forge une clé de lecture puissante et originale de l'histoire en noir et blanc qui a été, et continue d'être, celle de la République hellénique.
Alberto Breccia, l'un des auteurs de bande dessinée les plus importants du XXe siècle, a brisé les codes et révolutionné le genre. Faisant figure de précurseur, il a enrichi le neuvième art d'un sens nouveau et en a élargi les potentialités narratives. Les entretiens recueillis dans ce volume, fruit de conversations menées à bâtons rompus entre le dessinateur et le scénariste Juan Sasturain, dévoilent les multiples facettes du créateur en même temps qu'un homme au caractère intègre, tendre et doux, mais aussi têtu et caractériel.Un homme qui s'est fait tout seul et sans détours, unique et inoubliable. Longtemps restées enfouies dans les archives de Sasturain, ces confidences enregistrées sur cassettes ont depuis fait l'objet de retranscriptions fidèles, classées par thèmes : ses premiers pas dans la profession, ses relations avec confrères et éditeurs, ses intérêts, influences, sources visuelles et littéraires mais aussi la genèse de ses histoires, sa conception du travail de dessinateur et enfin sa vision de la bande dessinée comme moyen d'expression à part entière.Le tout forme un éclairage incomparable et souvent inédit à la fois sur l'artiste et sur l'homme. Les textes de Breccia sont accompagnés d'un grand nombre d'illustrations, la plupart encore jamais présentées, et d'un corpus de notes permettant de familiariser le lecteur français avec les situations et les personnages qu'y sont évoqués. Une chronologie détaillée situe pour finir l'oeuvre de Breccia dans son contexte historique.
Judas est un personnage muet, inexpressif et mystérieux qui ressemble en tout et pour tout à un écureuil : de lui on sait seulement qu'il aime beaucoup dessiner. Au fil des ses péripéties, on découvre les multiples facettes de sa personnalité, ses dépendances (aux psychotropes etau travail), ses chutes et ses renaissances. Dans son parcours existentiel en zigzag, il rencontre l'ami Vernel, le Gran Maître qui tout connaît, Micael le moineau fantôme, Christian le crapaud, Jésus-Christ l'éditeur, le louveteau. personnages qui accompagnent Judas dans ses déambulations dans des univers imaginaires tels le Labyrinthe du Faux Bonheur, la Montagne du Grand Maître ou Mimolandia. Dans L'évangile selon Judas, Alberto Vazquez (A Coruña, Espagne, 1980) donne une dimension totalement nouvelle à l'autobiographie en l'affranchissant entièrement du registre réaliste et l'ancrer dans l'allégorie et le symbolisme. Qu'ils traitent de doutes existentielles, tracasseries professionnelles, petits ou grands bonheurs de la vie quotidienne, tous les épisodes de L'évangile selon Judas ont, à l'instar des paraboles, un corps et une âme,le récit lui-même dans son sens naturel, auquel se juxtapose un sens parallèle au premier, se déroulant dans un plan supérieur, qui lui confère sa véritable signification. Le riche et original univers graphique imaginé par Vazquez est très proche de celui d'Alice au pays des merveilles mais aussi des codex médiévaux, du symbolisme de l'alchimie et même des tous premiers dessins animés de Walt Disney. Les toutes premières pages de L'évangile selon Judas ont été réalisées en 2004 et publiées dans Fanzine Enfermo et Stripburger
Dans une île bouleversée par un désastre écologique, l’oisillon Birdboy essaie en vain de voler et à chaque tentative ratée s’enfonce un peu plus dans son addiction aux psychotropes. Dinky, la souris, ne veut plus se lever du lit pour aller à l’école. Depuis la mort de son père, rien ne semble plus motiver la brillante élève qu’elle était. Dinky n’a qu’une idée en tête : partir ailleurs, laisser derrière elle les paysages desséchés de son île, traverser la mer stérile qui l’entoure, commencer une nouvelle vie avec Birdboy. Forts de leur amour naissant, réussiront-ils à atteindre enfin le monde meilleur dont ils rêvent ? Alberto Vázquez nous livre une histoire intense et poétique, tout en portant un regard lucide et désenchanté sur le monde contemporain. Désindustrialisation, chômage, répression, nature violentée : la petite île de Dinky et Birdboy semble renfermer en elle tous les maux de notre société. Vázquez manie avec grâce son trait élégant et ses ambiances minimalistes en distillant en parties égales, tout au long de son récit, tendresse et cruauté ; un peu comme un Tim Burton qui aurait chaussé des gants de boxe. En 2012, Alberto Vázquez, avec Pedro Rivero, a porté Psychonautes à l’écran dans un film d’animation intitulé Birdboy qui a obtenu le prix du meilleur court-métrage d’animation aux Goyas (les Césars espagnols). En 2015, Vázquez et Rivero ont réalisé une version long-métrage (80 minutes) qui reprend le titre du livre et qui a été présentée au festival de San Sebastián. La version française sera présentée à la prochaine édition du Festival international du film d’animation d’Annecy et distribuée sur le territoire national.
Lors d’une conférence de presse après ses fiançailles avec Diana, le prince Charles dut répondre à la question : « Êtes-vous amoureux ? » Après une petite hésitation, il répondit : « Oui... Quel que soit le sens du mot “amour” ». Or, en lisant la presse people quelques années plus tard, on constata que, de toute évidence, Charles et Diana n’attribuaient pas du tout le même sens au mot « amour »... En feuilletant les mêmes magazines, on pouvait aussi se demander comment Whitney Houston avait pu tomber amoureuse d’un sale type comme Bobby Brown, et de remarquer au passage qu’en matière d’amour, le bonheur de l’un ne fait pas forcement celui de l’autre.?« Qu’est-ce donc que l’amour ? » Forte du constat que les déconvenues sentimentales sont loin d’être l’apanage exclusif de quelques chanteuses ou têtes couronnées, Liv Strömquist mène sa réflexion sur le pourquoi du comment de la relation amoureuse.?Ainsi, les moindres faits et gestes de Charles, Diana, Whitney, Bobby Brown (et d’une foule de philosophes, écrivains et hommes politiques qui peuplent les pages de Les Sentiments du Prince Charles) se mêlent à des faits historiques ou à des situations tirées du quotidien. En replaçant les liaisons sentimentales dans leur contexte socio-culturel, elle invite à reconsidérer la relation amoureuse autrement que selon la norme hétérosexuelle-monogame. Essai en bande dessinée rigoureux et documenté, Les Sentiments du Prince Charles est avant tout un plaidoyer passionné pour l’autodétermination et la libération des corps et des consciences. Par son humour décapant et salvateur, Liv Strömquist insuffle à son livre une exceptionnelle vitalité, tout en réussissant – par son trait à première vue naïf – à l’imprégner d’une fraîcheur singulière qui renforce son propos.
Miguel Mármol naît en 1905 de mère célibataire, dans la petite ville d’Ilopango au Salvador. Enfant, il tente d’échapper à la misère en faisant le ménage dans une caserne où il se trouve confronté à la brutalité des soldats, puis devient cordonnier – métier qu’il exercera une grande partie de sa vie. Il mène en parallèle une activité syndicale intense qui le conduit à participer à la fondation du Parti Communiste Salvadorien (PCS) en 1930. S’ensuit un voyage en URSS où il affine ses connaissances idéologiques.De retour au Salvador, il prend part au soulèvement contre le Général Martínez aux côtés du dirigeant du PCS, Farabundo Martí. Emprisonné et fusillé, il survit miraculeusement. Cet épisode est à l’image de ce que sera désormais toute sa vie : une vie passée à revendiquer la liberté et la justice sociale, faite de luttes contre dictateurs et propriétaires terriens entre menaces, réclusions et tortures. Dix autres fois Miguel Mármol s’est retrouvé face à face avec la mort, il en a échappé et a recommencé a se battre.Les Douze Naissances de Miguel Mármol est le fruit de presque dix années de recherches autour du révolutionnaire salvadorien. Pour rendre compte de son destin mouvementé, Dani Fano s’est plongé dans les écrits d’Eduardo Galeano et les poèmes de Roque Dalton et s’est également rendu sur place. Un travail d’orfèvre qui lui permet de livrer un album sous forme d’hommage, à la fois poétique et passionné, évoquant à travers l’émancipation d’un homme les luttes des paysans indigènes, leurs légendes et croyances ancestrales ainsi que la beauté de leurs terres. Allégorie d’une vie qui fait un écho implacable à ce vers de Victor Hugo : « Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent […]. »