Ciudad Juarez, située au nord de l’Etat de Chihuahua au Mexique, connaît depuis deux décennies une criminalité qui l’a rendue tristement célèbre. Une longue série de meurtres et de disparitions de femmes a coloré la ville de manière à la faire classer comme une des plus dangereuses au monde. La façon la plus honnête d’aborder Juarez, pour Baudoin et Troubs, tous deux très familiers du carnet de voyage, était de partir d’une base simple: « Faire le portrait de ceux qui voudront bien, et leur demander : “Quel est votre rêve ?”. Dire la vie dans cette ville où on meurt. » Le récit de ce périple à travers la violence évoque le pire comme le meilleur des relations humaines, à travers une collaboration inédite où les styles de Baudoin et de Troubs se complètent impeccablement.
Lorsque Emmanuel Guibert rencontre Alan I. Cope sur les plages de l'île de Ré, il ne se doute pas qu’il consacrera douze ans de sa vie à cet homme extraordinaire et humble, qui, comme nombre de jeunes américains de son époque, fut enrôlé dans l'armée et traversa l'Europe pour y faire la guerre. Emmanuel Guibert a patiemment enregistré Alan lui racontant son périple, la vie de soldatet les à-côtés de la guerre, loin de la violence des combats. On le suit au gré de ses voyages en France et en Allemagne, de ses rencontres, amicales et littéraires qui auront une influence déterminante sur sa vie d'adulte.En 2009, l'achèvement de La Guerre d'Alan avait été célébré par un grand livre luxueux, désormais épuisé, qui faisait la part belle à la virtuosité du dessinateur. Ce classique de L'Association et de la bande dessinée sort aujourd'hui dans la collection Ciboulette, augmenté d’un cahier photos de vingt pages.
C'est seulement la deuxième fois que cela arrive dans l'histoire de L'Association en vingt ans (après L'Aventure des opposants de Boris Bukulin) : recevoir le manuscrit d'un jeune auteur inconnu et le trouver suffisamment singulier pour l'éditer tel quel. Il s'agit cette fois d'une dessinatrice : Claire Braud. Son Mambo est un ovni, un vrai. On le croirait parfois issu du meilleur de l'ancien Charlie-Mensuel, mais la particularité de ce livre est de ne ressembler à aucune époque. Une fiction débridée comme on n'en a pas lu depuis longtemps, entre les tribulations de Pétula, le pas de côté de l'inspecteur des impôts Bilfond et les tigres qui répondent au téléphone : des scènes d'anthologie, avec un style qui ne rappelle personne d'autre. Claire Braud sort de nulle part, mais à la lecture de Mambo, on sait qu'on va devoir compter avec elle.
Willard Watte est un héros hors du commun, Martin Mollin est un libraire pas très malin. Rien, jusqu'ici, ne les prédisposait à se rencontrer. Sauf, peut-être, une bande dessinée. En effet, Willard n'est pas un justicier comme les autres. Accompagné de sa fine équipe d'experts, il combat le crime et ses aventures sont reproduites et publiées sous forme de feuilletons dessinés. Vengeur cagoulé, sa véritable identité reste mystérieuse et les extrapolations fantaisistes à son sujet vont bon train. À la suite d'une bagarre sur son lieu de travail à laquelle il a assisté, Martin est amené à la base secrète de Willard pour y être interrogé. C'est bien malgré lui qu'il va devenir l'un des protagonistes d'une enquête de son personnage de BD préféré. À l'instar de Gotham City, Capharnaüm est le décor de l'intrigue où le super-vilain Gashinga sème désordre et zizanie.
C'est à la fin des années 1980 que Lewis Trondheim a dessiné les premières planches de Psychanalyse, dans son fanzine ACCI H3319, puis dans l'éphémère mais fondatrice revue Labo. Édité ensuite chez Le Lézard, Psychanalyse s'est vu augmenté en 1992, d'une deuxième partie intitulée Monolinguistes. Après deux rééditions, ce petit opuscule était devenu introuvable. Chef-d'oeuvre du courant minimaliste du début des années 1990, Monolinguistes & Psychanalyse illustre à merveille la force et la radicalité du procédé le plus simple qui soit, l'itération iconique, ou la répétition d'une même case tout au long de l'album.À rebours total de l'esprit de l'époque, Lewis Trondheim y affirmait ainsi qu'il n'est plus besoin d'être un virtuose du dessin pour s'imposer comme un auteur de bande dessinée : le talent et l'audace suffisent.
Il était temps que José Parrondo fasse son entrée dans la prestigieuse collection Ciboulette, et il le fait de surcroît en quadrichromie, mais aux crayons de couleur. Nul doute que La Porte constitue l'un de ses travaux en bande dessinée les plus aboutis, et il serait bon que ce livre contribue à mieux faire connaître la personnalité de Parrondo, qui sous ses airs d'enfant sage, est l'un de ceux qui savent le mieux utiliser le langage de la Bande Dessinée pour aborder des contrées aussi rares en ce domaine que la Poésie ou la Philosophie. Le dessin de Parrondo, identifiable au premier coup d'oeil, est extrêmement synthétique, délicat et poétique. La Porte est en effet une sorte de récit initiatique décalé, que le dessin, lié à l'enfance (tant par le style que par la technique) rend d'autant plus effectif : les tribulations de ce personnage inséparable de sa porte nous paraissent dès lors comme autant de réponses à des énigmes éternelles et informulables.
En 2005, François Ayroles publiait ses 28 moments-clés de l'Histoire de la bande dessinée (Le 9e monde). En 2008, il nous montrait encore son talent de cartoonist dans les Nouveaux moments-clés de l'Histoire de la bande dessinée (Alain Beaulet). Désormais auréolé du titre de meilleur fournisseur de private jokes de l'histoire de l'art séquentiel, il remet ses gants pour nous livrer ses Moments-clés de L'Association.En 44 dessins, François Ayroles dresse un portrait tour à tour tendre et ironique des auteurs majeurs de L'Association. Tout y passe, de la gestation des grands classiques à la découverte des vertus de l'humour autrichien ou finlandais, sans oublier les affres du succès et les joies de la vie associative.Un bon moyen de se remémorer plus de vingt années d'édition et de bande dessinée, en compagnie de l'humour mordant et absurde de François Ayroles.
Parfaitement adapté à la collection Côtelette, Hard West va permettre de découvrir l'autre face du génie finlandais Matti Hagelberg. Pas de carte à gratter ici, mais des pages minimalistes au pinceau, au service de l'un des ouvrages les plus drôles qui a pour sujet la bande dessinée, ou plutôt une forme méconnue de la bande dessinée : le western de gare italien. L'intrigue commence quand un dessinateur finlandais, Mikko Komu, reprend l'un des westerns italiens les plus célèbres, aux aventures duquel se sont succédées des générations de dessinateurs académiques italiens : Calamity Kid. Le livre est presque exclusivement composé des réactions des lecteurs à cet événement souvent jugé comme scandaleux, et le plus souvent en plan fixe. Déjà totalement culte en Finlande, Hard West devrait devenir ici aussi le livre fétiche des amateurs de paraboles insolites liées à la bande dessinée.
En 2003, la Collection Mimolette accueillait Mémoires courtes, la première réussite autobiographique de Thiriet, un des plus anciens compagnons de route de L'Association, plus connu pour ses récits humoristiques chez Fluide Glacial ou Spirou. Si Mémoires courtes développait un patchwork de souvenirs de toutes époques, Les couchettes, deuxième Mimolette autobiographique de Thiriet, se concentre sur une expérience mémorable de l'auteur : son travail de couchettiste dans les wagons-lits franco-italiens à son arrivée à Paris en 1983. Au moyen d'anecdotes aussi nombreuses qu'ahurissantes, Thiriet nous fait partager avec jubilation cette période singulière de son parcours. Les wagons-lits deviennent ainsi un huis-clos de premier choix où le comique peut voisiner l'absurde et l'angoisse. Personne ne prendra plus jamais les trains-couchettes (les professionnels disent les couchettes) sans repenser aux anecdotes de Thiriet.
Rencontre au sommet entre Guy Delisle (fauve d'or en 2012) et Jean Echenoz (prix Médicis en 1983 et Goncourt en 1999).Accordant tous les deux une grande importance à l'environnement et l'atmosphère des lieux dans lesquels ils placent leurs récits, c'est la Corée du Nord, respectivement à travers Pyongyang, et Envoyée spéciale, qui a amené les deux auteurs à se rencontrer. Et c'est à Marseille, pour le Festival Oh les beaux jours ! en 2018, qu'est né le projet Ici ou ailleurs. Guy Delisle propose une promenade au gré des rues citées dans l'oeuvre d'Echenoz, en illustrant de son trait précis et ses gris légers les textes au style réputé minimaliste de l'écrivain.Dans un même mouvement, au travers de la graphie manuelle, les traits de l'écriture rejoignent les traits du dessin. À Paris souvent, mais pas seulement, les décors volontairement déserts évoquent sans les figer les scènes qui s'y déroulent, et permettent au lecteur d'y pénétrer et s'approprier les lieux.
Pourquoi fais-je de la bande dessinée ?... Chez Olivier Josso, cette question récurrente a peu à peu tissé un noeud de frustration, où s'opposent l'incommunicabilité et le désir de dire. Y répondre tient alors de l'urgence, de la réelle nécessité... dont acte : Au travail. Abandonnant la gomme, le crayon à papier et les hachures peaufinées - jusque là, ses garde-fous habituels -, l'auteur se jette à l'encre sans filet et plonge dans les profondeurs de son passé. À la surface du même papier orange sur lequel il dessinait enfant, il fait remonter les manques et les silences, comblés par l'empreinte salutaire de lectures illustrées. Ces dernières font ici figure de tatouages, de madeleines voire de pierres angulaires, qu'il revisite au gré de son histoire personnelle. Et si la plume se lâche, au risque de gratter, c'est pour mieux respirer.Au travail est un jeu de piste et de construction, une quête de sens et d'identité autour de la création en bande dessinée : un vrai hommage à la bande-dessinée.
Auteur à L'Association d'un manuel de canevas qui ne verra sans doute jamais le jour, Moolinex est un dessinateur bien connu des lecteurs des débuts de Ferraille Illustré et du Dernier Cri. Il est depuis devenu incontournable, en exposant une oeuvre polymorphe, faite de points de croix, de tableaux, et des nombreux carnets Art-pute.Ce carnet, reproduit ici dans son intégralité, est issu d'une série réalisée dans l'exiguïté de son appartement HLM poitevin. HLM est la Bible, le codex qu'il manquait pour aborder son oeuvre prolifique. En artiste complet, Moolinex montre ici sa maîtrise de différentes techniques (feutre, collages, gouache) dans des pages aux allures de carnaval, qui voit défiler militaires, super-héros de pacotille et slogans brandis en hommage à la médiocrité banale de l'espèce humaine.Ce «chapelet d'images trempées dans une vulgarité désarmante» comme le rappelle Benoît Decron qui signe la préface, imposera à tous les amateurs d'images la force de ses carambolages furieux.
Le nouveau livre d'Edmond Baudoin est un événement. Sa rencontre avec le livre Travesti du roumain Mircea Cartarescu lui a permis de renouveler son approche de la bande dessinée autobiographique. Travesti s'inscrit en effet dans ce genre : Cartarescu y raconte une jeunesse tourmentée, à la limite de la schizophrénie. Mais Baudoin n'effectue pas une simple adaptation de ce texte, il se l'accapare comme matière première. S'il livre sa propre lecture du livre, c'est pour mieux s'y projeter lui-même. Il alterne donc la retranscription du roman Travesti, avec ses rencontres de l'écrivain Mircea Cartarescu qui s'était lui-même transposé dans Victor, le personnage de son roman. On a donc ici une sorte d'autobiographie au deuxième degré, où les obsessions de Cartarescu résonnent étrangement avec celles de Baudoin : sexe, folie et angoisse sont les ingrédients de cette expérience inédite de transfusion hallucinatoire entre un écrivain et un auteur de bandes dessinées.
Le vieux dessinateur aigri Mathieu Sapin a retrouvé la pipe à opium d'H.P. Lovecraft grâce au facteur Septimus, ce qui devrait lui permettre d'enfin réaliser le come-back des aventures de Rififi et Biscoto. Mais le scout Capucin, voleur de la pipe, est enrôlé de force par des pêcheurs véreux, pour livrer du poisson aux riches colons, alors que le scout Buseau est séquestré dans un clapier à lapin par deux gosses de riches. Pendant ce temps, Pedro va encore être accusé d'un meurtre qu'il n'a pas commis, et de la femme qu'il aimait, de surcroît ! L'ignoble écrivain Ernest Lamare a t-il, jadis, eu quelque chose à voir avec tout ça ? Seule chose sûre, quand apparaît dans un coin un vieux Journal de la Jungle, les aventures de Crispin Sucre s'y achèvent systématiquement en eau de boudin. Quant à Jean-Poil, il vient juste d'arriver et son rôle est encore un peu obscur...
Juin 2005. Un diagnostic est enfin posé : sa mère souffre de démence fronto-temporale précoce, affection cousine de la maladie d'Alzheimer. Septembre 2005. Son fils Emile naît prématurément. Il est atteint de trisomie. A quelques mois d'intervalle, Morvandiau doit faire le deuil de la mère qu'il a connue et de l'enfant qu'il avait attendu. C'est l'occasion pour lui de revenir, avec pudeur et poésie, sur l'histoire de sa famille et plus particulièrement celle de sa mère, femme très pieuse au fort caractère, alliant conformisme et fantaisie.C'est aussi le récit du difficile apprentissage de la vie auprès d'un enfant handicapé, du regard porté par les autres, de la jungle administrative qu'il doit affronter. A travers le regard tantôt amusé, tantôt agacé qu'il porte sur les incongruités de la différence et ce qui l'entoure, Morvandiau évoque avec tendresse l'intensité des émotions d'un père et d'un fils face à la maladie, et finalement, le bonheur d'être en vie.
« C'est un arbre qui a comme des mains au bout. Des mains qui offrent. C'est un des arbres les plus vieux de la planète. » L'arbre décrit ici par Baudoin, c'est l'araucaria, un arbre originaire du Chili, pays qu'il va découvrir un mois durant, en 2003.Invité par la bibliothèque de l'institut franco-chilien, il est là pour donner des cours de dessin, et pourtant, il découvre et apprend autant qu'il enseigne. Dans les pages de ce carnet, on le retrouve en voyageur insatiable, curieux de tout, des paysages et des autres. Il est avide de mieux connaître ce pays encore meurtri par les terribles années de la dictature de Pinochet, lui qui avait tant cru à la promesse du socialisme chilien et pleuré Allende. De Santiago à Valparaiso, Baudoin garde aussi trace de ses rencontres chiliennes avec les étudiants, les indiens mapuche, ou d'anciens dissidents du régime militaire, autant d'amitiés qui l'aident à comprendre le Chili, pays de Pablo Neruda, ce poète qui lui est si cher et qu'il avait pu rencontrer des années auparavant.
Après Quatre Yeux (Atrabile) et Insekt (Sarbacane) Sascha Hommer illustre six récits de Brigitte Kronauer, auteure allemande majeure traduite pour la première fois en France. Des récits que l'on pourrait qualifier de poèmes en prose, et qui abordent des souvenirs d'enfance, de sensations et de perceptions. Le trait net et épuré de Sascha Hommer dérange et contraste avec les réflexions mélancoliques de Brigitte Kronauer. Posée comme une goutte de rosée sur une toile d'araignée, l'écrivaine restitue à merveille le sentiment d'humilité et de petitesse que l'on éprouve face à l'univers. Elle rend compte d'une puissance supérieure qui régit la nature, gronde au loin, et qui nous dépasse. Sascha Hommer s'est attaqué avec ce livre à un défi périlleux : non pas réaliser une simple adaptation, mais transmettre en bande dessinée une écrituredu ressenti et de la sensation.Dri Chinisin est un livre envoûtant, alliant subtilement dessin et littérature.
En 1994, Blutch et Menu ont passé plusieurs jours à Lille pour effectuer un reportage en bandes dessinées, dans le but de suivre Marie-Christine Blandin, alors Présidente Verte de la région Nord-Pas-de-Calais. Ces 25 planches ont été publiées dans un collectif chez Autrement dont le titre provisoire était L'écologie au pouvoir (finalement publié sous le titre Noire est la Terre). Introuvable depuis de nombreuses années, ce récit republié sera accompagné d'un cahier de 32 pages réunissant les esquisses réalisées « live » pendant le reportage, et d'une préface de Marie-Christine Blandin, aujourd'hui sénatrice, et plus Verte que jamais. Un chaînon manquant dans la bibliographie de Blutch et de Menu enfin redisponible, mais aussi un témoignage sur une forme d'utopie politique : un Conseil Régional écologiste, l'écologie au pouvoir, ça a pu exister, ça peut réexister. L'An 01, peut-être ?
Après la mort de son père, Léopold Prudon part s'installer un an à Shanghai. Un monde neuf, inconnu, où il observe les formes de la ville sans plus penser à rien. C'est ainsi qu'il fait son deuil dans cette ville étrangère qui se dévoile par fragments, au gré des cases, à travers un noir et blanc élégant et épuré : des lignes d'horizon rompues par le sommet des gratte-ciels, les courbes de béton des échangeurs autoroutiers, les passants anonymes ou encore les néons des sinogrammesqui clignotent dans la nuit.Des images auxquelles se superposent des bribes de poèmes liés à la mort de son père et des dialogues issus de conversations banales — comme pour souligner que la vie suit son cours. A travers cette promenade mélancolique, Léopold Prudon raconte la sidération et la douleur causées par le deuil tout autant que les paradoxes d'une mégapole gigantesque et ultramoderne, qui peut cependant, au détour d'une rue, prendre l'aspect d'un village.Shanghai Chagrin est le premier ouvrage de Léopold Prudon publié par L'Association.
Lapin est la revue de L'Association depuis 1992. Son labo, sa danseuse, son terrain de jeu. Au fil de ses diverses formules, une foule d'auteurs, aujourd'hui acclamés par la critique et réclamés par le public, a pu y faire (outre nombres d'entrechats, bonds spectaculaires, et autres sauts périlleux) des premiers pas de géants pour l'humanité. Avec Mon Lapin Quotidien, c'est un nouveau paradigme. Tout en restant, techniquement, une revue, Mon Lapin Quotidien ressemble à s'y méprendre à un journal... qui parait tous les trois mois. Et qui ne se contente plus de la bande dessinée. MLQ, sur ses 12 ou ses 16 pages grand format (41 x 58 cm), s'est ouvert tousazimuts et notamment à ce que la littérature compte de plus huppé en termes de plumes. Dans ce chaos apparent - mais parfaitement maitrisé par un Rocco aux manettes de la maquette - le lecteur, sidéré par ce déferlement jubilatoire de textes, de typos, de dessins et de bandes dessinées, aura toutes les peines du monde, dorénavant, à faire encore confiance à ses yeux... On en a plein les mains, on en prend plein la gueule, on ne saurait en sortir indemne. Jean-Yves Duhoo et Killoffer en sont les rédacteurs en chef.
Sasa rakezic, alias aleksandar zograf, est auteur de bandes dessinées et vit à pancevo, serbie, ex-yougoslavie.Depuis 1991, il publie des bandes dessinées sur les troubles de son pays (guerre civile, embargo. ), principalement aux usa chez fantagraphics books, et dont on peut lire des traductions françaises dans la revue lapin. le 24 mars 1999, lorsque les bombardements de l'otan ont commencé, aleksandar zograf a décidé d'expédier des e-mails collectifs sur la situation à ses lointains amis dessinateurs. ce témoignage humain a vite fait figure de document exceptionnel, apportant un éclairage bien différent du point de vue souvent unilatéral et va-t'en-guerre des médias officiels occidentaux.C'est la raison pour laquelle l'association a décidé de publier ces lettres de guerre , qui, de façon imprévue, au moment d'être sous presse, ont trouvé une conclusion avec l'accord de paix du 10 juin 1999. on y trouvera le récit au jour le jour de la vie sous les bombes, et la confirmation que la dernière (?) absurdité du xxe siècle n'était pas plus propre que les tristes événements qui l'ont précédemment illustré.
Lapin est la revue de L'Association depuis 1992. Son labo, sa danseuse, son terrain de jeu. Au fil de ses diverses formules, une foule d'auteurs, aujourd'hui acclamés par la critique et réclamés par le public, a pu y faire (outre nombres d'entrechats, bonds spectaculaires, et autres sauts périlleux) des premiers pas de géants pour l'humanité. Avec Mon Lapin Quotidien, c'est un nouveau paradigme. Tout en restant, techniquement, une revue, Mon Lapin Quotidien ressemble à s'y méprendre à un journal...Qui parait tous les trois mois. Et qui ne se contente plus de la bande dessinée. MLQ, sur ses 12 ou ses 16 pages grand format (41 x 58 cm), s'est ouvert tous azimuts et notamment à ce que la littérature compte de plus huppé en termes de plumes. Dans ce chaos apparent - mais parfaitement maitrisé par un Rocco aux manettes de la maquette - le lecteur, sidéré par ce déferlement jubilatoire de textes, de typos, de dessins et de bandes dessinées, aura toutes les peines du monde, dorénavant, à faire encore confiance à ses yeux...On en a plein les mains, on en prend plein la gueule, on ne saurait en sortir indemne. Quentin Faucompré et Killoffer en sont les rédacteurs en chef.
Documentaire de 64 minutes réalisé par Francis Vadillo, qui a suivi Mattt Konture pendant plus de deux ans, chez lui, dans différents festivals, et lui offre enfin le portrait qu'il mérite. C'est l'occasion de le voir au travail, dessinant dans ses car-nets et réalisant des fanzines, ou jouant sur scène avec son groupe Courge. On pénètre dans son quotidien en l'accompagnant dans sa pratique compulsive du dessin, seul ou entouré de ses nombreux amis « fanzineux », mais aussi par l'évo-cation de la maladie qui l'affecte, la sclérose en plaques. C'est enfin un portrait d'une scène underground musicale et graphique vivace et festive, que Mattt Kon-ture n'a de cesse de parcourir pour apporter sa contribution. On y croise JC Menu, Pacôme Thiellement et Killoffer, qui se souviennent de leurs rencontres, au début des années 80, et reviennent sur l'importance de son oeuvre autobiographique.Durant le tournage, Mattt Konture a réalisé une nouvelle « Comixture » qui ac-compagne le DVD. Ce nouveau Comix, sans comparaison possible avec un simple making-of, ouvre un dialogue avec le documentaire, lui offre des prolongements inattendus et donne toute sa cohérence à l'ensemble.
Epileptic est une grande première pour l'Association, puisqu'il s'agit de son premier livre en langue étrangère. Voici déjà quelques temps, l'idée de traduire directement en anglais quelques fleurons du catalogue s'est concrétisée. Il a paru évident de commencer avec l'Ascension du Haut Mal de David B. D'un format intermédiaire entre Ciboulette et Eperluette (de façon à pouvoir y englober des travaux de tous formats), Epileptic reprend en un seul volume et en anglais les trois premiers tomes du Haut Mal. Si l'essentiel du tirage est destiné aux Etats-Unis d'Amérique, diffusé par Fantagraphics Books, ce sera aussi l'occasion de faire découvrir ce chef-d'oeuvre dans tous les pays non francophones. Depuis son début, l'Ascension du Haut Mal s'est assuré une place de classique non négligeable, multipliant attentions, presse, prix, etc. Cette version anglaise devrait amlifier le rayonnement internationnal de David B. qui était déjà distingué comme Meilleur Auteur dans le Comics Journal en 1998, alors sans aucune traduction disponible.
Réédité quinze ans après sa première parution, le Pat Boon de Winshluss revient !Plus grand, plus gros (huit pages inédites), plus beau (couverture couleur, reliure intégra) mais toujours autant « au fond de la loose », par contre.Pat Boon, ce n'est pas seulement Pat Boon, c'est aussi Peggy, Fat Slim, Klux et Klux, etc... Toute une ménagerie de personnages plus ou moins animaliers qui trimbalent leurs désirs dérisoires, leurs frustrations, ou tout simplement leur connerie dans un fantasme d'Amérique dépressive et raciste des années trente.Et Winshluss de s'en donner à coeur joie, avec l'impitoyable virtuosité qu'on lui connait dans le récit muet (on ne peut pas s'empêcher de penser au cinéma burlesque) ou lorsqu'il s'agit de raconter le sort qui s'acharne. Des rêves et des coeurs brisés, des destinés grotesques et pitoyables qui finissent toutes par se croiser pour former ensemble un précis hilarant de la stupidité humaine. Et de la fatalité.Dans Pat Boon, personne ne tire son épingle du jeu... à part, peut-être, Pat lui-même... puisqu'il parait que la fin est un Happy End...Il est comme ça, Winshluss : avec lui, tout fini toujours dans l'amour !
Au sujet de ses Vingt Ans, L'Association ne pensait pas organiser d'événement particulier : une exposition rétrospective aurait fait redite par rapport à celle des Dix Ans au Cnbdi en 2000, et toutes les idées semblaient lourdes et compliquées. Jusqu'à ce qu'une idée simple apparaisse dans le cadre de l'exposition- anniversaire qui aura finalement lieu lors du Festival Sismics à Sierre (Suisse) en juin 2010 : chaque auteur lié à L'Association extraira de ses archives une planche représentative de son lien à l'histoire de L'Association.Puis il réalisera pour l'occasion une nouvelle planche citant, déclinant, déformant ou complétant l'ancienne planche. Les deux planches de chaque auteur seront bien sûr exposées par paires, et le Catalogue édité à cette occasion par L'Association reproduira ces paires de planches sur autant de double-pages. Plus de cent auteurs sont conviés à élaborer cette histoire de L'Association qui sera tout aussi intime que collective, proposant un bon reflet de ce que la structure a toujours représenté. Cette manifestation sera ainsi l'occasion de célébrer agréablement l'anniversaire de L'Association sans s'embarquer dans des commémorations ingérables.
2004. Étienne a 30 ans. Il est célibataire et vit à la campagne chez ses parents. Ses bandes dessinées ne lui permettent pas de gagner de quoi vivre et le journal local pour lequel il fait des reportages est sur le point de disparaître. Alors, lorsque le mari de sa tante Christiane, Shozoul, lui propose de les accompagner au mariage de sa soeur dans le village où il a grandi, quelque part sur le sous-continent indien, Étienne y voit l'opportunité d'élargir son horizon et de prendre un nouveau départ. Lors d'un long mois en immersion dans la famille de Shozoul, entouré d'oncles et de cousins, dans un paysage aride et poussiéreux, Étienne apprend à porter le longhi, à parler bengali, à vivre au rythme des appels à la prière, se prend à rêver à la douce Oushma, distribue des cigarettes et tire le portrait aux habitants du village. Il y subit aussi le choc des cultures, et ne parviendra pas à sortir de son statut de « meman », objet de curiosité, de convoitise ou faire-valoir selon les situations, de par sa couleur de peau et son origine.Il reviendra de ce voyage avec l'intention d'en faire un livre, de se trouver une copine et de quitter ses parents. Quatorze ans plus tard paraît Desh...
Ce quatrième oupus de l'ouvroir de bande dessinée potentielle présente le résultat d'une unique performance collective, ayant donné lieu à 392 cases, essentiellement réalisées en trois jours, par 28 auteurs.Cet exercice a eu lieu du 4 au 6 avril 2003, durant les festivals de bande dessinée de bastia (corse) et luzern (suisse alémanique). il est né du constat répété que ces deux festivals, parmi les meilleurs d'europe, ont malheureusement lieu chaque année le même week-end. a l'initiative de mirjam broger, du festival fumetto de lucerne, il fut décidé d'imaginer un événement expérimental faisant intervenir, au même moment et dans un même projet, des auteurs présents à lucerne et à bastia.Il fut confié à l'oubapo le soin de trouver les modalités de cette performance en deux lieux simultanés. le cahier des charges impliquait la présence d'une équipe oubapienne dans chacun des deux lieux pour superviser les opérations, la participation d'autres auteurs invités aux deux festivals ; la transmission vis internet de l'oeuvre collective en train de se faire d'un lieu à l'autre, ainsi que la présentation in vivo de l'exercice au public.
Mowgli est maintenant un grand garçon. Il est heureux, dans la jungle, parmi les animaux, mais quelque chose le démange...Les animaux, c'est bien beau, mais il lui faut autre chose. Il ne sait pas quoi : il n'a jamais rencontré de semblables. Il est tout innocence. On connaît l'histoire. Mais évidemment ici, on n'est pas chez Disney, pas chez Kipling non plus. On est chez Schrauwen. Et chez Schrauwen, Mowgli est un peu neuneu, c'est un grand dadais d'ado qui cherche la compagnie. Et qui se fait blackbouler de tous côtés. C'est muet, comme du cinéma, c'est drôle comme du burlesque, ça parle le langage du corps. Ça s'agite, ça tombe, ça prend des coups. Ça se relève, toujours enthousiaste, et puis ça recommence.Un trait raffiné, qui puise aux racines d'un Winsor McCay, à la fois naïf et contemporain. Une narration dépouillée qui laisse toute la place à la subjectivité du lecteur. Le tout emballé dans un objet d'une moderne désuétude. Tout un roman d'apprentissage en 48 pages chorégraphiques, qui fait, avec une grâce toute naturelle, le lien entre l'enfance et l'âge d'homme.Publié pour la première fois en 2011, c'est le livre d'un auteur qui devient grand.
Enfin un livre collectif de l'Oubapo, placé sous le signe de l'amour !Alex Baladi, Jochen Gerner, Etienne Lécroart, Matt Madden et Lewis Trondheim, réunis pour l'occasion, expérimentent ici la contrainte du Journal Directeur.Le Libération du 14 février 2012 sert de guide : en se basant sur les images (photos et dessins, sans les publicités) de ce numéro, chacun des auteurs revisite ou réinvente l'actualité.Étienne Lécroart dévoile le petit manège du pouvoir : amour, argent, crise et relations ambiguës y sont révélées, dans les pages les plus politiques de cet opus. D'autres au contraire font parler leur imagination.L'héroïne d'Alex Baladi est une jeune femme rêveuse qui voudrait être heureuse, tandis que Lewis Trondheim met en scène un inspecteur un brin lourdaud, mais perspicace. Enfin, Matt Madden transforme les images de cette journée du 14 février 2012 un récit qui rappelle les contes de fées, tandis que Jochen Gerner fait de cette Saint-Valentin une véritable légende, moderne et antique à la fois.
Renouant avec la veine parodique de ses débuts (Lame Ryder, Emmanuelle’s Last Flight, Lone Racer, Série Z,etc), Mahler nous propose probablement ici sa “revisitation” la plus poussée et la plus efficace : Engelmann s’attaque ni plus ni moins au Mythe tout puissant du Super-Héros. Certes, ce n’est pas la première fois que l’univers des Super-Héros est la cible de moqueries bien légitimes, mais grâce à son minimalisme et son acuité imparables, Mahler signe avec Engelmann un de ses examens critiques les plus grinçants et les plus drôles. On pourra y découvrir (notamment grâce au témoignage de l’employé de la cantine du Consortium, la maison de production) les coulisses de l’industrie des Super-Héros ; comment le Bureau des Scénarios gère les emplois de couverture (Engelmann se dissimule de jour dans la rédaction d’un magazine féminin), détermine les super-pouvoirs, ou change la cible de lectorat du malheureux Super-Héros, dès lors sujet aux problèmes d’identité et de psychotropes.Engelmann, l’Homme-Ange, et son camarade la Capitaine Analpho, nous instruisent sur la vie, la mort et la misère de ce métier méconnu, dans cette première Ciboulette en quadrichromie de Mahler, idéale pour découvrir le meilleur humoriste autrichien, l’auteur lui-même définissant ce livre comme un album mainstream.
Martha et Alan, nouveau volet de la vie d'Alan Ingram Cope, nous replonge dans son enfance. Avec cet aparté, Emmanuel Guibert s'attache à un épisode tout particulier, celui d'une amitié qu'il a noué dès l'âge de 5 ans avec une petite fille de son école, Martha Marshall. De leurs jeux et bêtises d'enfants aux rendez-vous hebdomadaires au choeur de l'église presbytérienne, on retrouve Alan, bientôt orphelin, et son quotidien de petit californien dans une Amérique des années 1930 marquée par la Grande Dépression. Les années passant, Martha s'éloigne peu à peu à l'adolescence, jusqu'à des au revoir hâtifs à la veille de son départ pour l'armée. Avec ce souvenir au timbre nostalgique, Emmanuel Guibert donne une nouvelle fois voix à Alan et laisse transparaître avec pudeur le regret qui teinte l'évocation de celle qui fut son premier amour. Un récit, tout en couleur, composé d'images en doubles pages, qui restitue une Amérique surannée grâce à un dessin plus que jamais somptueux. Poursuivant ce qui devient peu à peu la fresque de la vie d'Alan Ingram Cope, Emmanuel Guibert rend le plus bel hommage qui soit à cet ami humble et extraordinaire qui disait « nous sommes les gens de qui nous parlons ».
Cinq ans après Coney Island Baby, Nine Antico nous replonge dans la culture américaine des années 50-70 et de ses égéries éphémères : Autel California ou le phénomène des groupies à l'heure de l'apparition du mythe moderne de la star.Dans ce premier tome, Bouclette, adolescente qui idolâtre Les Beatles et Elvis Presley, va de fil en aiguille rencontrer puis côtoyer les stars qu'elle adule pour devenir l'une des grou-pies les plus connues. Personnage très inspiré de la plus célèbre d'entre elles, Pamela Des Barres, on assiste aux premiers pas d'une jeune fille encore naïve qui va bientôt réchauffer sa destinée sous les feux ardents de la célébrité des rocks stars. Dans les coulisses des groupes mythiques où naissent les destins satellites et les notoriétés-éclair, on croise Phil Spector, Keith Richards, Mick Jagger ou encore Jim Morrison en demi-dieux, qui laissent des petites miettes de gloire aux jolies témoins du rock. Nine Antico insuffle de la grâce au désenchantement et les héroïnes sont aussi des victimes sulfureuses. Treat me Nice. En fond sonore, la chanson d'Elvis Presley raisonne et donne son nom à ce premier tome, très documenté.
Sur le bureau de son atelier, Jochen Gerner garde en permanence un carnet. Il n'y dessine qu'en situation de conversations téléphoniques, avec l'outil qu'il avait en main avant que le téléphone ne sonne, ou avec l'outil le plus proche lorsqu'il décidait lui-même de téléphoner. Les dessins réalisés suivant ce protocole sont particuliers car il n'en découvre la forme qu'à l'issue de la conversation : ils sont à la fois complètement personnels et complètement incontrôlés.La main dessine mais l'esprit est ailleurs. Il s'agit donc d'une forme de journal en creux, dans lequel rien ne serait raconté et daté précisément, mais où il compile des listes de choses vues qui dessine son intérêt pour le monde extérieur et contemporain, en complément des dessins téléphoniques témoignant d'un monde intérieur restitué par à-coups. Après En Ligne(s) (L'Ampoule 2003) et Branchages (L'Association 2009), Jochen Gerner, toujours à cheval entre bande dessinée et art contemporain, nous propose un nouveau carnet de dessins téléphoniques réalisés entre 2008 et 2019, soit dix ans de conversations et annotations.Veuillez noter qu'à cette occasion, Branchages, épuisé depuis plusieurs années, sera à nouveau disponible.
S'il s'est récemment illustré avec talent dans la bande dessinée de reportage (Feuillle de Chou, Journal d'un journal, Campagne présidentielle), Mathieu Sapin est aussi un merveilleux conteur qui cultive depuis longtemps un univers personnel fécond, comme le prouvent ses séries Supermurgeman, Salade de fluits, et le récent Saga Poche, ouencore ce Journal de la jungle, paru précédemment en plusieurs tomes dans la collection Mimolette.Mathieu Sapin est un dessinateur médiocre, qui ne doit son succès qu'au vol, au mensonge et au meurtre. Vivant reclus sur son île natale, ressassant le moment de gloire rencontré avec sa série Rififi et Biscoto, il fait l'erreur d'ouvrir la porte à un jeune scout venu lui vendre des calendriers. C'est le début des complications pour cet auteur aigri qui tente un énième come-back. Cherchant à retrouver la pipe de Lovecraft, les différents personnages qui se croisent dans cette œuvre de fiction – Mathieu Sapin est bien évidemment une projection – vont mettre à jour un passé peu glorieux, des histoires sordides, de bien sombres mystères, et vivre des aventures inattendues.Une histoire feuilletonnesque à souhait, pleine de rebondissements et d'humour, bref, un fantastique récit d'aventure comme on aimerait en lire plus souvent.
Charlie Schlingo faisait depuis longtemps partie des auteurs du Patrimoine (avec Forest, Gébé, Mattioli, Touïs & Frydman, Caro, etc) que L'Association estimait indispensable de rééditer, cet auteur hors du commun, étant épuisé en librairie depuis une bonne vingtaine d'années.Cette nouvelle édition de Gaspation !, agencée différemment de l'édition du Square de 1979 et largement augmentée d'autres pages de la période 1978-1982, rend enfin disponible l'oeuvre de l'un des plus grands humoristes de la bande dessinée francophone. Nourrie à la fois de « pockets » populaires et d'underground, l'oeuvre de Schlingo ne ressemble à rien : nombreux y voient la manifestation d'un génie pur. Son dessin maladroit et son humour cachent en fait l'expression d'une nature aussi radicale qu'iconoclaste. Tampon Destartin, Désiré Gogueneau et les autres personnages de Schlingo sont donc plutôt les vecteurs d'un rire ravageur et irréductible (comme peuvent l'être ceux du Professeur Choron, de Reiser ou de Topor) qu'une sympathique BD au second degré. Ces 152 pages de Gaspation ! dont certaines sont inédites ou reproduites pour la première fois en couleurs, représentent donc un exhaustif best of de Charlie Schlingo qui comblera les connaisseurs et fournira l'initiation idéale aux néophytes, qui n'ont plus aucune raison valable de le rester.
En 1947, Arsène Schrauwen embarque sur un paquebot à destination d’une mystérieuse colonie. Le grand-père d’Olivier Schrauwen a fait ce long voyage à la demande de son cousin Roger. Ensemble, ils vont créer une cité utopique au coeur du monde sauvage qui répondra au doux nom de « Freedom Town ». Atteindre cet objectif sera une entreprise des plus difficiles. Victime de démence, Roger est interné et Arsène partira alors seul et inexpérimenté à la tête de l’expédition qui doit le mener à la terre promise. Il devra faire face aux dangers de la jungle, s’accommoder de ses sentiments pour Marieke, la femme de son cousin, et faire avec un étrange virus tropical qui menace de décimer ses hommes. Progressivement, il va perdre le contrôle et s’éloigner de la réalité, s’engouffrant dans sa propre paranoïa.Grâce à un dispositif graphique atypique, souligné d’une bichromie rouge et bleu, le lecteur est invité à se perdre au fil des évènements et des digressions oniriques du personnage principal. Biographie fantasmée, parodie de récits d’aventures colonialistes, l’histoire narrée par Olivier Schrauwen est captivante, drôle, et résolument surréaliste. Cette figure montante et immanquable de la nouvelle bande dessinée flamande, à qui l’on doit déjà les remarqués Mon Fiston et L’Homme qui se laissait pousser la barbe (Actes-Sud-L’An 2), livre ici son oeuvre la plus ambitieuse.
Dans le sillage de Contes & Décomptes, et d'un atelier réalisé dans le cadre du festival Pierre Feuille Ciseaux, Étienne Lécroart livre avec ce quatrième numéro un Mon Lapin qui prendra une place de choix dans la bibliothèque oubapienne :« J'ai décidé de reprendre pour ce Lapin un exercice que j'avais proposé à divers dessinateurs lors d'une cession de Pierre Feuille Ciseaux organisée par l'association Chifoumi en 2009 à la Saline Royale d'Arc et Senans. Cet exercice est lui-même inspiré d'un exercice de l'Oupeinpo (Ouvroir de Peinture Potentielle) : la pictée. Il s'agit de partir d'une planche existante, de la décrire méticuleusement sans en dévoiler l'essentiel et de proposer cette matrice à divers dessinateurs afin qu'il crée une nouvelle planche. Voici ici rassemblées les planches de 32 dessinatrices et dessinateurs à partir d'une planche de Reiser. » Isabelle Boinot, Olivier Josso, Catherine Meurisse, Benoît Jacques, Morvandiau, François Ayroles, Anne Simon, Mai Lan, Ibn Al Rabin, Sandrine Martin, Émile Bravo, Andréas Kundig, Guy Delisle, José Parrondo, Anouk Ricard, Vincent Vanoli, Jochen Gerner, Anne Simon etc. et Étienne Lécroart bien sûr, nous offrent une version oubapienne de la dérive.Un monde étrange se construit, tout en correspondances, en ruptures, en reprises de motif, qui donne à ce recueil une tonalité et un rythme particulier.
Au Travail, second du nom ? Donnant suite au jet d’encre éclairé du volume inaugural, Olivier Josso-Hamel continue son exploration autobiographique. Toujours sur papier radiologique, il inspecte la bande dessinée et les origines de sa propre pratique : après un feu orange haut en symbole et en couleur, l’auteur passe au vert, allégorie végétale pétrie d’espoir salutaire.Dans ce deuxième opus, un trait précis sert une lettre soignée afin de sonder un parcours humain et artistique construit dès l’enfance. À travers les figures de son passé, réelles ou dessinées, Olivier Josso-Hamel questionne ici la mémoire et l’absence : quand la famille devient monde du silence, un père disparu peut en cacher bien d’autres. Pourtant, racines et images subsistent, illustrées par une transmission bibliophile issue du Saint-Nazaire de l’après-guerre. Tel un pudique puzzle se dévoilant par à-coups, l’auteur remonte ses pièces manquantes au fil du temps, sans nostalgie mais en quête de sens et de vie. D’une empreinte singulière, les planches d’Au Travail témoignent au présent des perceptions de l’artiste face à l’existence comme à l’activité de création.La bande dessinée et sa part d’inconscient y sont vivement convoquées : après La Mauvaise Tête de Franquin du tome 1, ce volume 2 rend hommage à L’Île Noire de Hergé pour s’achever en un lieu idoine avec Dubout, Sempé, Reiser et Bretécher. Vaste chantier conceptuel, Au Travail nous transporte au sein de pages à double charge, où l’introspection graphique se teinte d’hypnose sensible.
Cette Chronographie est un livre qui fera date, et qui aura d'autant plus pris son temps que le temps en est le principal sujet, ainsi que le moteur. La réalisation de Faire semblant c'est mentir, le précédent livre de Dominique Goblet, avait pris douze ans ; la Chronographie, elle, avait été planifiée dès le départ pour être réalisée sur une période de dix ans. Tout commence par une idée a priori simple : Dominique Goblet propose un jour à sa fille Nikita Fossoul qu'elles fassent toutes deux le portrait l'une de l'autre. Cette séance effectuée, la mère propose à la fille qu'elles reproduisent l'exercice de façon régulière, et ce pendant dix ans. Les deux dessinatrices auront tenu leur promesse : Nikita a 7 ans quand commence l'expérience, en 1998, elle en a 17 quand le projet prend fin. Son évolution se voit donc aussi bien à travers les portraits que sa mère effectue d'elle, que dans les changements de son propre style, qui passe du dessin d'enfant à un dessin adolescent, puis adulte. Le résultat (environ 270 séances formant autant de double-pages, soit un livre de 560 pages en quadrichromie à l'italienne) ne ressemble à rien de connu. Ce livre impossible, matériau brut d'intimité et d'émotions, fascinera autant les amateurs de dessin que les curieux de toute nature. On semble loin de la Bande Dessinée, et on en est pourtant si proche, car comment mieux rendre compte narrativement de dix ans de vie qu'avec pareille expérience ?Dominique Goblet a publié Faire semblant c'est mentir à L'Association (nominé à Angoulême 2008) et Souvenir d'une journée parfaite au Frémok.
Donnez-nous, chaque trimestre, Mon Lapin Quotidien.Pour ce numéro 5, collection hiver-printemps 2018 (un an déjà !), c’est, comme annoncé en une : « L’Accomplissement » (de Quentin Faucompré) et « D’infi mes fragments déchiquetés du monde [qui] volent entre les confettis » (L’Autofictif d’Éric Chevillard).Une fête au bord du gouffre, une danse de funambule, la célébration d’une fin du monde pleine comme un œuf : pleine de promesses.Promesses toujours toutes tenues, puisque Mon Lapin Quotidien n’en fait JAMAIS aucune.MLQ : le quotidien qui paraît toujours par miracle.Avec un casting miraculeux : Igor Hofbauer,Jean-Yves Duhoo, Éric Chevillard, Quentin Faucompré, Stéphane Trapier, Morvandiau,Pacôme Thiellement, Killoffer, Vincent Vanoli, Christian Rosset, Thiriet, Florence DupréLa Tour, Berbérian, Rudy Spiessert, Pablux, Muzo, Aurélie William Levaux, ChristopheLevaux, José Parrondo, Alex Baladi, Clémentine Mélois, Philéas Pym, Joko, Dorothée de Monfreid, Corinne Taunay, Étienne Lécroart, Hervé Le Tellier, Denis Bourdaud, Chaumaz,Baptiste Virot, Denis Robert, Humphrey Beauvoir, Jean-Luc Coudray, Andreas Ku?ndig, Rachel Deville, Dominique Lestel, Lewis Trondheim, Fabio Viscogliosi, François Ayroles,Emmanuel Guibert, Fanny Dalle-Rive, Lars Sjunnesson, Raphaël Meltz, Thomas Baumgartner, Stanislas, Pascal, Placid, Thierry Longé, Jochen Gerner, Vincent Pianina,Edmond Baudoin, Laure Noualhat, Agnès de Cayeux, et Rocco (qui assure la maquette aussi !).Que dire de plus ?Rendez-vous au numéro 6, en mai !