Dans une ville endormie, un homme reste cloué à son bureau. C'est l'Auteur. D'un geste nerveux, il met en boule une feuille de papier et la jette. Elle rejoint toutes celles qui sont amassées autour d'une corbeille trop pleine. Devant sa feuille blanche, de désespoir, l'Auteur prend son visage dans ses mains. Soudain, une ombre apparaît, qui lui glisse : Passe ce manteau, il te guidera vers un lieu où tu trouveras ce que tu cherches tant...Des histoires à raconter. Ainsi commence le voyage de l'Auteur dans la Ville de l'Effroi. Pas à pas, le lecteur va suivre son chemin sinueux et semé d'embûches. Pas à pas, il va partager l'enthousiasme, la lassitude, les doutes et les convictions que chaque créateur traverse nécessairement. Puisant dans l'éternel mythe du séjour en Enfers de tout auteur en quête d'inspiration, Cahier des tourmentes surprend par la spontanéité de son ton et l'honnêteté de son propos.Il est aussi une nouvelle démonstration du talent de David Rubin (Le Héros, Beowulf, Ether...). Inventions graphiques et références littéraires, artistiques et cinématographiques à foison servent une réflexion profonde et poétique sur les mécanismes de la création.
Salva et Sulfa, soeurs jumelles, vivent au coeur du bois avec leur mère, Dame Gingembre. Avant de disparaître, cette dernière leur fait une révélation : leur père, qu'elles n'ont jamais connu, ne serait autre que Sam Delta, capitaine d'une péniche qui, jadis, voguait le long de la rivière non loin de chez elles. Abandonnées à leur sort, Salva et Sulfa décident de partir à la recherche de ce mystérieux père. Elles se frayent alors un chemin à travers la forêt luxuriante, peuplée de créatures étranges et de personnages hauts en couleur. Ainsi commencent leurs péripéties ; et elles comprendront bien vite que l'aventure ne sera pas de tout repos ! Les jumelles Delta auront en effet besoin de tout leur courage et de toute leur détermination pour mener à bien leur (en)quête...À travers Les Jumelles Delta, Kati Kovács nous convie dans un univers fantastique qui mêle inventivité narrative et prouesses graphiques. L'auteur met tout son talent et son imagination débordante au service d'un album qui s'apparente à un conte surréaliste et poétique, parfois jubilatoire.Mais sous cette légèreté, elle aborde en filigrane des réflexions bien plus sérieuses et ancrées dans le réel, entre relations familiales et fraternelles complexes et construction d'identité.
Le 26 décembre 2004 un terrifiant tsunami frappa l'Indonésie, le Sri Lanka et l'Inde. Lorsque les eaux se retirèrent, elles firent place à la douleur et à des paysages dévastés. Joydeb et Monyna Chitrakar (chitrakar signifie peintre en bengali), tenants de la tradition des rouleaux patua employèrent leur art pour créer Tsunami, un livre dédié à la mémoire des victimes de cette catastrophe . La langue d'eau du tsunami s'y déverse tout au long du rouleau emportant avec lui victimes innocentes, troupeaux et objets confondus. Les artistes décrivent le déroulement des événements, l'impuissance des hommes face aux éléments et parviennent par leur poésie à rendre toute l'émotion soulevée par cette tragédie.La tradition des rouleaux peints patua est un élément important de la culture bengali. Les conteurs, sorte de menestrels, se déplacent de village en village, réunissent les villageois auteur d'eux et content ou chantent, en déroulant leurs rouleaux, des histoires traditionnelles ou reprennent des événements de l'actualité pour leur donner une dimension universelle. Cette forme d'art, autrefois répandue aussi en Europe (il suffit de penser aux conteurs itinerants siciliens, qui se servaient - eux - de grands tableaux où le récit était découpé en cases comme dans une bande dessinée) et aujourd'hui confinée dans les musées, est encore bien vivante dans les états indiens du West Bengal et du Bihar. Le site de Hervé Perdriolle donne des informations sur cet art et en réproduit plusieurs exemples.Premier rouleau patua publié sous forme de livre, Tsunami a été conçu, imprimé en sérigraphie et relié à la main en Inde par l'atelier des éditions Tara à Chennaï, dans le respect des principes qui sous-tendent le commerce équitable.L'art patua se situe à l'aube du cinéma et de la bande dessinée (Hervé Perdriolle) et Tsunami ouvre une fenêtre sur une forme ancestrale au croisement des littératures graphiques et orales
Au moment de sa première publication, en 1974, l’adaptation des Mythes de Cthulhu de H.P. Lovecraft par Norberto Buscaglia et Alberto Breccia fit l’effet d’une véritable bombe. Les critiques et la profession saluèrent unanimement le formidable bond en avant accompli par Breccia. Ce qui les étonna et qui étonne encore aujourd’hui, en permettant de classer les Mythes de Cthulhu parmi les chefs-d’œuvre de la bande dessinée, c’est la véritable débauche de solutions graphiques et d’expérimentations mises en œuvre par Breccia : pinceau sec, collages, utilisation de textures imprimées, tous ces moyens sont employés avec une surprenante liberté créative pour construire des nouveaux types de lumières et de matières. Parallèlement, Breccia développe un style différent pour chaque histoire, en passant avec aisance du réalisme à l’abstrait, pour coller le plus possible à l’atmosphère du récit. Son pari, pousser le lecteur à revivre les oppressantes atmosphères de Lovecraft, est pleinement gagné grâce à l’emploi savant de ces artifices, tant qu’aujourd’hui encore ces images dégagent une force inquiétante.Au délà de l’humilité avec laquelle les deux auteurs se rapprochent de l’œuvre de Lovecraft, ne modifiant pratiquement jamais le texte d’origine, le choix de Breccia et Buscaglia de baser tout le récit sur des larges « citations » sans presque jamais utiliser des dialogues, ne fait que centrer encore plus le travail d’adaptation sur le « rendu » graphique des atmosphères suggérées par l’écrivain. Plus de quarante ans plus tard, « Les Mythes de Cthulhu», restent un des plus lumineux exemples d’adaptation en bande dessinée d’un texte littéraire, sans doute la meilleure transposition de l’œuvre de Lovecraft et un des sommets de l’art d’Alberto Breccia.L’édition publiée par Rackham en 2004 (la première qui présente l’intégralité du cycle de Cthulhu) étant épuisée depuis longtemps, nous avons décidé d’en réaliser une nouvelle, dans un format différent et entièrement revue et corrigée, mais toujours imprimée en bichromie et en trame aléatoire pour rendre au mieux le formidable travail du Maître de Haedo.
Conxita, la vingtaine, dernière représentante de toute une génération de Conxitas, navigue entre Madrid et Barcelone. Véritable « boule de nerfs » selon sa mère, elle affronte les événements du quotidien avec un grand courage. Ancienne étudiante des Beaux-Arts, elle dessine ses moindres péripéties, depuis son appartement qu'elle partage avec une fille qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau, son ménage, son ordinateur, ses rêves d'ailleurs, ses évasions à la plage, ses conversations téléphoniques avec ses amis, jusqu'à ses rencontres plus ou moins heureuses. Dans ce récit autobiographique en dix-sept courts tableaux, Conxita Herrero bouscule les idées reçues sur le passage à la vie d'adulte. Dans un style minimaliste et rigoureux, elle se joue des antagonismes et mêle inertie et mouvement, cases muettes et dialogues intimistes et mystérieux, lignes dépouillées et couleurs pures. Elle use également de figures géométriques - cercles et carrés - à l'aide de plans audacieux qui défient les perspectives. S'affranchissant du « souci de vérité » propre à l'autobiographie, l'auteure évacue tout sentimentalisme et fournit à ses décors et à ses personnages aux traits ébauchés une dimension étrange et fascinante oscillant entre réel et onirisme.